Des cinéastes de renom signent un court métrage collectif
mardi 23 février 2010, par Frédéric Dayan
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mardi 23 février 2010, par Frédéric Dayan
lundi 22 février 2010, par Frédéric Dayan
Je suis Professeur des Écoles
Dans un petit village de l'Eure,
Trois cents âmes y demeurent,
Et vingt-six élèves à l'école..
Une classe, dite « unique »,
Mais cinq cours , dits multiples...
Dans cette école une chance,
Un p'tit morceau de bonheur,
Qui s'écrit avec ces trois lettres :
...
Pour l'Education Nationale,
Un p'tit bonheur, c'est pas banal,
Un léger baume sur le coeur
De cette Grande Dame
Un peu... bancale !
Notre bonheur, c'est Géraldine,
En silence elle participe
A la guérison d'la Grande Dame...
Elle est... une Valeur Ajoutée
HUMAINE rentabilité,
Et c'est du bonheur... assuré !
Dès le matin, elle s'active,
C'est sur le net qu'elle s'incline
Les courriers, les notes de service,
Toutes les infos de l'inspectrice,
Et celles de l'Académie....
Mes mots notés au brouillon,
Les compte-rendus de réunion,
Tapés, imprimés, photocopiés,
Enveloppés, adressés, timbrés,
Prêts à être distribués...
Encadrés, les derniers dessins des CP,
Affichés, sinon... à quoi bon dessiner ?
Un CM vient montrer son texte sur le musée,
Elle l'aide à le recopier, à taper sur le clavier...
Afin de ne pas gêner, le travail commencé,
Un autre enfant vient finir avec elle l'exercice,
Elle explique et décortique, redonne de l'énergie...
Rangée la bibliothèque,
Notés les livres prêtés,
Elle prépare la maquette,
La une du journal scolaire...
Ah! Notre petit journal
« Magique », ils l'ont appelé
Quel travail de fourmi,
J'y passerai......des nuits ?
Sonne la récréation, une mi-temps pour souffler,
Elle me rejoint, souriante, à la main nos deux cafés,
Quelques chaudes gorgées, entre... deux conflits à régler,
Des solutions à trouver, des mots à reformuler,
Une écorchure à soigner, une blessure à consoler...
Et puis... c'est reparti !
Sur les chemins de la connaissance,
Vaincre ainsi sans cesse l'ignorance,
Avec labeur, effort, sérieux,
S'ouvrir l'esprit, être curieux.
Ne pas oublier l'insouciance,
De tous ces êtres en enfance,
La bonne blague !... On la mettra dans le journal,
Les bons gags, et les rires, c'est vital !
Dans les pots
Les peintures sont bien préparées,
Quatre enfants sur un chevalet,
Deux à l'ordi pour recopier,
Les autres en dessin sur papier,
...Sans elle, jamais...
Ce ne serait si bien géré.
Le soir, coup de fil...
C'est Géraldine,
A sa voix, je perçois,
Une blessure qui abîme...
Ecoute, me dit-elle... c'est à pleurer !
Du « Pôle Emploi » j'ai reçu... un imprimé,
Dans quelques semaines, c'est marqué,
Votre contrat est terminé...
Ils me demandent ce que j'ai fait,
Pour trouver un futur emploi..
Sa voix se fêle... "J'ai..un emploi! »
Ils me demandent ce que j'ai fait,
pour me former, pour m'insérer,
Sa voix se gèle.... puis accélère: « Je... suis formée, depuis trois ans,
j'me sens utile, insérée et c'est varié,
pas bien payé, mais... j'veux rester ! »
Sa voix s'étrangle... c'est à pleurer...
Ils me demandent mes compétences
C'que j'ai acquis, que vais-je répondre ?
Il y a l'espace... d'UNE LIGNE
UNE LIGNE.... mais tu te rends compte !
J'ai honte, honte... il aurait fallu UNE PAGE
Au moins UNE PAGE pour répondre,
J'ai honte, honte... pour notre Grande Dame
Pour ceux qui l'ont créée, l'ont fait évoluer,
Qui a tant appris aux enfants,
Qui a tant encore à leur apprendre..
Et Géraldine ???
On n' lui dira même pas MERCI
Bien sûr, pas de parachute doré,
Et même pas d'indemnité
Ils lui précisent... Oh!..comme ils disent D'étudier ses droits... pour...
le R.M.I.
Elle a raison... c'est à pleurer...
Alors qu'on demande chaque jour,
A nos élèves de dire « Bonjour »
De dire « Au revoir » et.... « Merci »
De s' respecter, d'être poli
Comme vous dites, Monsieur Sarkozy...
Que vais-je dire, à la p'tite fille,
Qui l'aut're jour, près de moi, s'est assise,
Et, tout fièrement, m'a dit :
« Tu sais, Maîtresse, moi, quand j'serai grande,
J'irai au collège, comme mon grand frère,
J'irai au lycée, j'passerai mon bac,
Et je ferai... comme Géraldine! »
Je sursaute... Mon coeur se serre...C'est à pleurer.
C.Picavet
Professeur des écoles
à l'école des Livres Magiques
Saint-Grégoire du Vièvre (Eure)
par La Rédaction du DL | le 20/02/10
par philippe Zarifian, professeur des universités en sociologie
Dans les propos tenus au sujet de la vague de suicides à France Télécom, on a beaucoup insisté sur la « souffrance au travail », thème devenu une véritable idéologie, c’est-à-dire un énoncé d’évidences qui ne se discutent même pas, qui s’imposent à la manière d’un réflexe.
Or, dans souffrance au travail, il y a le mot « travail ». Outre que la souffrance n’est qu’un effet, un ressenti, qui demande diagnostic et donc qui demande à être cerné et expliqué (quel type de souffrance ? suite à quoi ?), il me semble symptomatique que l’on n’ait pratiquement jamais parlé du rapport des salariés au travail. Ce ne sont pas les individus qui demandent à être soignés. C’est le rapport au travail.
Or nous assistons, depuis quelques années, mais avec une généralisation dans la période actuelle, à une véritable « mise en disparition du travail ». L’engagement dans le travail et la qualité de ce dernier ne sont plus vus, appréciés, discutés, évalués et moins encore reconnus. La généralisation des pratiques de contrôle par « objectifs/résultats », que France Télécom a connu, comme bien d’autres entreprises, masque l’essentiel : la qualité du travail et son efficience. On se polarise sur l’amont (les objectifs) et sur l’aval (les résultats) et on ne voit plus l’essentiel : le travail lui-même.
Cette « mise en disparition du travail » se produit au moment où une mutation cruciale est en jeu. Pour des multiples raisons, le travail n’a plus lieu d’être objectivé sous forme de tâches à réaliser. Il devient l’expression directe du pouvoir d’action de ceux qui le réalisent, de leur intelligence des situations et de leur prise d’initiative. Autrement dit : de leur compétence. Or en organisant sa « mise en disparition », le management se prive de toute possibilité sérieuse de développer et reconnaître les compétences réellement mises en œuvre. On voit alors fleurir des référentiels de compétences, souvent réduits à la « capacité à » occuper tel ou tel emploi, compétences, imaginées et prescrites par des personnes spécialisées. On recrée l’équivalent d’un bureau des méthodes taylorien, centré désormais sur ces fameuses « capacités à ». Ceci engendre un déni du véritable travail réalisé et des véritables compétences mobilisées, qui dégrade les relations entre salariés et management et met la santé des salariés en danger.
On se retrouve dans des pratiques encore pires que le taylorisme, car ce dernier avait au moins pour mérite de réaliser une analytique du travail, de s’y intéresser. Le travail devenant invisible, le management va progressivement glisser sur des prescriptions de comportement et/ ou se référer à un usage mécanique et soit disant prévisible de la technologie.
Non seulement on nie le contenu du travail, mais on nie en même temps le pouvoir d’action et d’initiative des salariés. Plus encore : on les nie en tant qu’êtres humains. Le déni considérable qui en résulte, en particulier pour les personnes qui ont le sentiment justifié d’être utilisées bien en-dessous de leur pouvoir d’agir potentiel et de leur compétence ou, à l’inverse, d’être mises face à des situations et injonctions de résultat pour lesquels l’entreprise ne les a préparés, n’a pas créé les conditions nécessaires à la réussite de leurs actions, est la cause première de ce que l’on appelle la « souffrance au travail ».
Il faut donc en finir avec l’idéologie de la commisération et de la culpabilité et redécouvrir pleinement en quoi consiste le travail, sa qualité, ses difficultés, mais aussi ses voies de progression et ses potentialités et établir, dans les entreprises, un véritable dialogue sur la nature des compétences qu’il sollicite et leur reconnaissance.