Par Sofia, 17 ans, Palestinienne. Texte dit lors de la manifestation pour un cessez-le-feu immédiat et total entre israéliens et palestiniens le samedi 23 décembre 2023.
Il s’appelle Hani, elle s’appelle Jouri, il s’appelle Yamen, il s’appelle Adam. Ils sont 2,2 millions vivants ou morts. La ligne qui les sépare du décès est brouillée aujourd’hui, car même s’ils subsistent à l’horreur, leur vie n’en ai pas épargné. Même s’ils restent vivants plus rien ne sera jamais comme avant. Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui on oublie leur prénom. Ils s’éteignent un à un ; leur cri masqué est justifié par des crimes qu’ils n’ont pas commis.
Ils sont 2,2 millions oubliés depuis 76 jours et 75 ans.
Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui leur terre ne trouve plus la place pour enterrer leurs corps morts. Ils sont 2,2 millions et ils s’entassent sur les routes et les trottoirs enroulés de tissu blanc comme de vulgaires déchets.
Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui, on leur nie toute forme d’humanité
Ils sont 2,2 millions et on leur coupe toute source de destinée.
Ils sont 2,2 millions et on laisse se dérouler sous nos yeux un massacre.
Ils sont 2,2 millions et vivent une triste histoire si je peux me permettre un euphémisme.
Cette histoire, c’est celle d’un peuple colonisé, délaissé et oublié. C’est l’histoire d’une asymétrie de forces, d’un petit peuple qui n’abandonne pas, c’est l’histoire d’une armée qui commet des exécutions sommaires, qui tue les enfants qui n’ont pour défense que des pierres. C’est l’histoire d’une armée qui accumule les crimes de guerre. C’est l’histoire de 2, 2 millions de personnes qui n’ont plus d’eau, plus d’hôpitaux, plus de nourriture, plus rien. C’est l’histoire des mères qui enterrent leurs enfants et leurs maris s’ils n’ont pas disparu enlevés par l’armée.
C’est l’histoire de gens qui veulent survivre mais ils espèrent que s’ils doivent mourir, ce sera sur le coup.
Ils sont comme vous et moi mais aujourd’hui ils ne vivent pas, ils survivent.
Ils sont comme vous et moi à une langue près, à une mer à côté, à dissemblance de nationalité écrite sur un bout de papier. Ils sont comme vous et moi mais, pour eux, être en vie est un exploit.
Alors pour eux comme pour nous et l’humanité, pour ne pas cautionner, et devenir alliés, il faut dénoncer, se regrouper et penser qu’ils sont comme vous et moi. Ils pourraient être nos frères, nos sœurs, nos mères…
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Par Lucille, sa famille est franco-palestienne. Texte dit lors du Rassemblement du 30 décembre 2023 pour un cessez-le-feu immédiat et définitif.
Sans liberté
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir sans être identifié
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir le ventre vide et affamé
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a voir mourir les autres, les siens et soi y réchapper
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir alors qu’on était juste blessé
et que personne n’a pu venir nous secourir au risque de se faire tirer
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir après avoir été amputé sans anesthésie et voir ensuite sa plaie pourrir
et lentement nous tuer
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir sur le carrelage souillé d’un hôpital bondé
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a mourir parce qu’on a bu de l’eau
empoisonnée
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a avoir son corps bouffé par les chiens dans la rue
parce qu’on n’a pas eu la chance d’être enterré et qu’eux aussi sont affamés
À Gaza
Il y a pire que mourir
Il y a dans le silence du monde,
agoniser
Mais à Gaza, il y a un espoir fou qui transcende toutes
les souffrances
Car à Gaza il y a un rêve immense qui
s’appelle Palestine libre et en paix
Car à Gaza
Pire que tout
Serait mourir pour rien et que demain soit
comme hier, sans liberté.