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ENSEMBLE 05 - Page 52

  • #1 « Ce que nous ré-apprend le coronavirus. La pandémie, le pouvoir et l’avenir. » Par Jean-Paul Leroux

     

    par Lec

     

    1. A) La mondialisation de la vie et les pandémies.

    Il existe une unité des êtres vivants dont la formule chimique est contenu dans le couple ADN/ARN (Acide désoxyribonucléique/Acide ribonucléique). Le coronavirus et nous avons la même structure de base. Nous oublions volontiers cette unité fondamentale. La pandémie actuelle ré-apprend ce savoir et nous inscrit dans l’immense règne des êtres vivants. Il n’y a pas de frontière entre nous et les virus. Cette condition d’existence par définition ne peut pas être dépassée.

    Les mutations cellulaires sont permanentes, chez les virus et chez les humains. Elles sont une des bases des processus qui ont conduit à l’existence de l’humanité. L’évolution biologique est toujours en cours avec ses bons et ses mauvais côtés. Il y a une discussion pour savoir si l’humanité subit encore un processus évolutif biologique ou si celui-ci a désormais pour moteur la culture. En tous cas, il est clair que nous subissons les contrecoups de l’évolution des coronavirus.

    Les barrières entre les espèces sont perméables, fluctuantes, du niveau moléculaires à la totalité d’un organisme. Virus et microbes peuvent nous coloniser et nous absorbons des végétaux et des animaux et réciproquement.

    L’humanité est une. Le coronavirus se moque des barrières dites de « races » que cela s’entendent dans le sens de la classification des espèces ou au sens du mot « race » aux États-Unis. Disons le :  « There are no race, only one race the human race ». 

    Les processus vitaux sont universels. La « mondialisation » a d’abord été un processus d’expansion de la vie sur toute la planète, ce que nous nommons ainsi n’est que le dernier avatar de cette aventure de la vie. La mondialisation humaine n’est qu’une des formes de cette expansion. L’existence des grandes pandémies (peste, choléra, typhus, etc..) est documentée depuis la naissance des grands ensembles civilisationnels et ne connaît pas les frontières. L’épidémie de la peste au moyen âge (XIVe siècle) a tué une population estimée à plus de 25 millions de personnes. Elle a touché, l’Eurasie, l’Europe et l’Afrique du Nord. Les européens ont apporté, avec eux, des maladies inconnues des peuples vivant en Amérique. Les épidémies de variole (1525, 1558, 1589), de typhus (1546), de grippe (1558), de diphtérie (1614), de rougeole (1618) tuèrent entre 10 et 12 millions de personnes, près de 50 à 60 % de la population amérindienne. Nous avions oublié tout cela, et beaucoup d’autres épisodes (la peste de Marseille en 1720, la grippe espagnole de 1918-1919 tua plus de 25 millions de personnes dans le monde) et nous pensions, erreur grossière, avoir dominé ces grandes pandémies malgré les épisodes du Sras (2002), celle d’Ebola depuis 1976. 

    L’oubli des données fondamentales de ces processus vitaux, même s’ils aboutissent à la mort, constitue une amnésie incroyable et criminelle de la part des gouvernements chargés des politiques de santé. D’où vient cette inconscience ? Ce ne peut pas être le fait de l’ignorance, les épidémiologistes sont aussi historiens. Elle renvoie, sans doute, partiellement du moins, à un sentiment de supériorité qui tient à la toute puissance que l’on se plaît à accorder à la science. Ce sentiment de supériorité a également conduit à une « étrange défaite »(1) intellectuelle. Les pays qui ont déjà vaincu l’épidémie (Corée du Sud, Taïwan) ont choisi une politique de dépistage systématique et d’un confinement sélectif concernant les personnes porteuses du coronavirus, nous avons choisi le confinement général inapplicable sans multiplier les injonctions paradoxales, (rester chez soi et aller voter, rester chez soi et aller travailler), et cela par impréparation politique et intellectuelle devant la possibilité d’une pandémie : pas de tests, pas de masques, pas de gants(2), pas assez de lits de réanimation(3), etc.. La déroute intellectuelle engendrant la déroute politique est totale. Et puis, raison complémentaire mais décisive en l’occurrence, les politiques concernant les hôpitaux ont conduit à leur « effondrement », pour reprendre les titres des journaux lors des grandes mobilisations de l’automne 2019. En effet, depuis 2007, il s’agissait de rendre les politiques de santé « rentables ». Pour arriver à cette fin, les variables sont connues : diminuer le nombre de salarié.es, plafonner ou diminuer les salaires, augmenter le rythme de travail, faire porter l’entretien et la construction de nouveaux hôpitaux sur les finances de l’hôpital lui-même au lieu de l’État, établir un barème des actes médicaux (la célèbre T2A) qui créent la concurrence entre le privé et le public, diminuer la part des remboursements de la sécurité sociale, augmenter les cotisations des salarié.es, faire porter la charge aux mutuelles complémentaires, etc. Spinoza raconte l’histoire d’un âne d’une petite ville hollandaise que les habitants trouvaient trop cher à entretenir alors qu’il rendait de nombreux services. Ils décidèrent de diminuer sa ration d’avoine d’un grain par jour,... il finit par mourir de faim. Ainsi nos dirigeants ont mis les hôpitaux et le système de santé dans la désespérance. Si le système fonctionne encore ce n’est dû qu’aux qualités morales des personnels, à leurs luttes, à leurs résistances. Les médecins n’ont apparemment pas encore oublié le serment d’Hippocrate dont se moquent les politiques. Un des ses principes moraux est de ne pas, par son action, aggraver l’état du malade. Il est clair que les politiques menées de détérioration du fonctionnement des hôpitaux, ont dégradé la situation des malades. L’imaginaire de la toute puissance de la technique et de la science, couplé à l’impératif de rentabilité, faire des hôpitaux des entreprises, les a conduit à faire face à la pandémie dans un climat interne perturbé et anxiogène. 

    1. B)  « Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé » (Albert Camus).

    Le coronavirus se reproduit en colonisant un hôte. Soit l’hôte et lui peuvent vivre ensemble, c’est le cas dans les populations de chauves-souris et tout va bien. Soit ils ne peuvent pas coexister et alors  ou l’hôte peut le tuer, il se « vaccine » lui-même, il est sauvé, ou il ne peut pas l’anéantir et c’est lui qui meurt. Voilà notre situation face au coronavirus. L’immense majorité des humains fabriquent eux-mêmes des anti-corps contre ce virus, le nombre de cas « mortels » par rapport à la population infectée est très faible et ne concerne que des personnes à risque. « Nous savons aujourd’hui que le Covid-19 est bénin en l’absence de pathologie préexistante. Les plus récentes données en provenance d’Italie confirment que 99 % des personnes décédées souffraient d’une à trois pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaire, cancers, etc.) avec une âge moyen des victimes de 79, 5 ans (médiane à 80,5) et très peu de pertes en-dessous de 65 ans.(4) » Nous avons là une différence évidente avec les pandémies antérieures. Le coronavirus fait remonter à notre conscience l’énormité des populations qui mouraient pendant les épidémies anciennes. Le chiffre de morts de cette pandémie mondiale du coronavirus est de 15308, le 24 mars 2020. il va certes augmenter mais il est sans commune mesure avec les chiffres de la peste noire, des morts amérindiens et de la grippe espagnole donnés plus haut. Il faut aussi nous souvenir que la première guerre mondiale a tué 19 millions de personnes, la seconde a vu périr 60 millions d’humains. Sans doute cette comparaison est-elle « odieuse » ! Mais après tout, nous la devons au Président de la République qui a annoncé que nous étions en « guerre ». Il ressort de ce parallèle qu’il existe un « virus » bien plus dangereux que le coronavirus, c’est l’homme lui-même. Depuis le déclenchement le 22 mars 2020 de l’épidémie 674 (5) personnes sont mortes du coronavirus en France. Mais il y a eu 3239 décès sur les routes françaises et 149 femmes tuées par leur conjoint l’an dernier. J’arrête là cette comptabilité macabre et puis dira-t-on « comparaison n’est pas raison » . Certes mais cela aide à constater la disproportion des moyens mis en œuvre pour lutter contre ces virus parfois mortels qui se nomment « conjoint » ou voitures et le coronavirus. Pour le pouvoir, la situation des femmes n’appelle pas une mobilisation générale alors qu’elles sont plus de la moitié de la population et le lobby routier vient d’obtenir l’augmentation de la vitesse de 80 km/h à 90km/h sur un certain nombre de départementales. Tous les morts et toutes les mortes ne se valent pas ni d’ailleurs les différentes façons de mourir ! La venue du coronavirus éclaire d’un jour nouveau nos choix politiques et sociaux. Il y avait la mort  « normale » par conjoint ou accident de la route. Le terme de « féminicide » est d’un usage courant de façon très récente (6). Et il y a les morts « anormales », celles causées par l’épidémie. Le paradoxe tient en ceci : même si la mort est l’issue normale et « naturelle » de la vie, celle par « coronavirus », phénomène naturel, est tenue pour anormale. Elle mobilise et déstructure la vie sociale et économique. Les morts non-naturelles (assassinats, accidents de la route) sont, certes, considérées comme une « fatalité » mais la réponse sociale et politique est très faible comparée à l’ampleur des bouleversements provoqué par le coronavirus. En effet, les sociétés ont retenu que les « grandes » épidémies les menacent dans leur existence, de leur point de vue ce qui est mortel, c’est la collectivité. L’opposition est  entre « mort collective » versus « mort individuelle ». Paul Valéry le disait ainsi « nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Il parlait certes de l’épisode de la première guerre mondiale qui avait détruit non seulement des millions de vies mais mis à mal le sens et les valeurs de ce qu’on nommait l’Europe. Cette peur de la mort collective, naturelle comme dans les pandémies, ou artificielle comme dans les guerres ou menaces de guerre, Albert Camus l’exprime parfaitement dans son éditorial du 8 août 1945 au lendemain du largage de la bombe atomique sur Hiroshima : « Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. (..) Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive(7).» La pandémie mondiale n’engendre-t-elle pas collectivement la même angoisse pour l’humanité que la menace de notre destruction par l’arme nucléaire(8) ? Et c’est là encore un paradoxe. Nous devrions depuis la course aux armements nucléaires qui a repris récemment avec la construction de missiles tactiques éprouver une angoisse plus forte que celle à laquelle nous faisons face actuellement. Cette pandémie est beaucoup plus banale(9), que celles antérieures et en tous cas elle est sans rapport avec un désastre nucléaire. Les civilisations humaines sont mortelles mais les sociétés n’ont pas l’air de le savoir contrairement à Paul Valéry. En tous cas, la nôtre ne mourra certes pas du coronavirus, mais elle en ressortira bouleversée.


    1. Allusion évidente à l’œuvre de Marc Bloch qui dans « Une étrange défaite » (folio-histoire) rendait compte de la myopie des hommes politiques de la 3ème République et de l’aveuglement de l’État major dans la préparation de la deuxième guerre mondiale . La référence à la guerre qui est celle de Macron est totalement hors de propos sauf sur un point, l’impréparation de l’État face à la pandémie !

    2. Stephen Bouquin, Une tempête parfaite, p. 3. de l’article http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article2004. « A l’inverse de Wuhan où tout le monde portait un masque, en Europe, aucun pays ne dispose de stocks stratégiques. Nous savons pourquoi : austérité, manque de précaution et incurie dans la gouvernance font que même maintenant, sept semaines après le début de la propagation du virus en Europe, le personnel soignant ou les travailleurs qui font fonctionner sont sans protection. »

    3. Gaël Giraud, Dépister, dépister, dépister, Revue Reporterre, 27 mars 2020. « En France nous disposons de 0,73 lits de réanimation pour 10.000 personnes. En Italie, 0,58, Outre-Rhin, 1,25. Si aujourd’hui les occidentaux meurent du coronavirus, c’est parce que trois décennies d’austérité budgétaire (sans fondement scientifique) ont réduit à presque rien la capacité de notre système hospitalier public. En particulier, en France, la loi HPTS de Marisol Touraine, aggravée par la réduction d’un milliard d’Euros des dépenses publiques de santé pour l’hôpital en 2018.

    4. JD Michel in http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-fin-de-partie-305096.html, p.3.

    5. Le 25 mars le nombre de mort est de 1100 décès, cette comptabilité évolue sans cesse malheureusement.

    6. « En France, la Commission générale de terminologie et de néologie, qui travaille en lien avec l'Académie française en a préconisé l'usage dans le domaine du droit en 2014, avec le sens de « homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe ». Il fait son entrée au dictionnaire Le Robert en 2015 : « meurtre d'une femme, d'une fille, en raison de son sexe ». Il demeure cependant absent en 2019 de la plupart des dictionnaires. » Wikipédia. 

    7.  Albert Camus,  Réflexons sur le terrorisme, Édition Nicolas Philippe, Paris, 2002, p.53.  

    8. La peur liée aux catastrophes naturelles dues au changement climatique peut aussi être mentionnée. J’en ai parlé dans un texte : « Des pliures mortelles du réel aux chantiers des possibles. » (publié par Ensemble ! 05.) De ce point de vue, le ralentissement mondial de la production et de l’économie et des échanges est plutôt pour la planète un moment de répit bienvenue ! C’est un paradoxe de plus de notre situation.

    9. Le terme de « banal » ne vise pas à minimiser le drame que constitue la mort de très nombreuses personnes durant l’épidémie, mais à situer à sa juste mesure cette pandémie parmi toutes celles qui sont connues. Un point d’espoir, la Corée du Sud a déjà réussi à maîtriser cette épidémie et cela est très encourageant.

  • communiqué de presse Ensemble! 05

    PRIORITÉ À NOS VIES, PAS À LEURS PROFITS !

    EN ATTENDANT DE DEMANDER DES COMPTES,

    SOLIDARITÉ CITOYENNE !

    ENSEMBLE! 05 s'associe à l'expression de la solidarité citoyenne qui se traduit par les applaudissements des balcons, dans tous les quartiers et village de notre département. Cette solidarité citoyenne contraste avec le propos autoritaire et guerrier du gouvernement et des pouvoirs publics. Avec ses prédécesseurs et après plusieurs décennies de politiques d'austérité de destruction des services publics, en particulier à l'hôpital, ce gouvernement cynique est pourtant responsable de l'incurie généralisée et de l'imprévoyance coupable qui rendent si grave la crise sanitaire.

    Aujourd'hui, la solidarité citoyenne s'exprime de diverses façons, avec les applaudissements du soir mais aussi par l'entraide et la solidarité de voisinage, la fabrication de masques et l’aide aux producteurs locaux. C'est cette solidarité qui doit s'approfondir, de même que doivent être entendues toutes les exigences formulées par le mouvement associatif pour l'accueil des réfugié-e-s et des personnes sans-abri dans des lieux dignes et protégés.

    Quand prendra fin la période de confinement, il sera temps de demander des comptes au gouvernement et aux pouvoirs publics, tant leur passif est accablant.

    Sans attendre, ENSEMBLE! 05 dénonce le manque de moyens donnés aux personnels de santé pour se protéger et travailler dans les meilleurs conditions possibles à sauver la vie des personnes touchées par l’épidémie. Nous appelons à la réquisition immédiate des entreprises capable de produire masques et protections mais aussi médicaments.

    Sans attendre, ENSEMBLE! 05 dénonce les injonctions contradictoires du pouvoir qui ordonne le confinement tout en poussant, pour les « bienfaits de l'économie », les salarié·es à travailler au mépris de leur sécurité et en ne donnant pas, par exemple, aux caissières et aux salarié·es des magasins, aux enseignant·es des écoles qui accueillent des enfants des personnels de santé, ou aux salarié·es des foyers de l’enfance les moyens de se protéger. Nous appelons à la fermeture immédiate des entreprises non-essentielles afin de protéger les salarié-e-s et stopper la propagation de l’épidémie.

    Nous n’oublierons pas la casse de l’hôpital public, et des services publics en général, menées par les gouvernements successifs depuis plusieurs décennies. 

    Nous n’oublierons pas les politiques néolibérales imposées depuis plusieurs décennies qui fragilisent toujours plus les populations et qui aujourd’hui se manifestent dans les inégalités insupportables face au confinement. Nous n’oublierons pas le rôle de nos députés locaux dans la mise en place de cette politique.

    Nous ne pardonnerons pas que les dominant·es soient prêt·es à sacrifier nos vies pour sauver leurs profits. Ils et elles devront rendre des comptes !

    La solidarité citoyenne montre la voie à suivre, celle d'une société solidaire, généreuse et rassemblée.

     

  • Jean-Paul Benoit, président de la Fmf : « Cette crise agit comme un révélateur »

     

    Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des Mutuelles de France revient sur la crise du Covid-19, son origine, ce qu’elle révèle aux yeux de tous et les leçons qui seront à en tirer.

    Que révèle pour vous la crise actuelle ?

    Si cette crise agit comme un révélateur, ce n’est pas sur l’état réel de notre système de santé en général et de l’hôpital en particulier. Les alertes n’ont pas manqué ces dernières années. Sur ces douze derniers mois, elles se sont encore accentuées : grève des personnels hospitaliers et des EHPAD, démissions des chefs de services, rejet du PLFSS par tous les syndicats et la mutualité… Les signaux rouges ne manquaient pas, on se souvient tous de ce panneau hélas prémonitoire dans les manifs : « Vous comptez les sous, nous compterons les morts ». Nous comptons les morts. 

    Par contre ce que révèle aux yeux de tous cette crise c’est que les « premiers de cordée » ne sont pas ceux qu’on nous avait complaisamment présentés, valeureux supers riches échappant à l’impôt et censés créer les richesses. Je ne peux m’empêcher de penser, s’agissant d’eux, aux mots de Jaurès : « parce que le milliardaire n’a pas récolté sans peine, il s’imagine qu’il a semé ». La lumière crue de la crise et du confinement qu’elle engendre fait apparaître de tout autres « premiers de cordée ». Les caissières, les livreurs, les petits commerçants alimentaires, les manutentionnaires, les aides à domicile, les aides soignantes, les infirmières, les brancardiers, les personnels des EHPAD, et plus généralement tous ces agents des services publics dont on stigmatisait récemment encore les régimes spéciaux de retraite, que sais-je encore… Ce sont ces femmes et ces hommes qui exercent ces métiers peu valorisés, souvent mal payés, et pour beaucoup sans statut leur permettant de se projeter dans un avenir professionnel. Leurs activités cruciales ruissellent et irriguent nos vies quotidiennes, les rendent simplement possibles même. 

    « CE QUE RÉVÈLE AUX YEUX DE TOUS CETTE CRISE C’EST QUE LES « PREMIERS DE CORDÉE » NE SONT PAS CEUX QU’ON NOUS AVAIT COMPLAISAMMENT PRÉSENTÉS… »

    Quelles sont les principales causes de cette crise ?

    L’économie n’échappe pas au phénomène. On ne jure, depuis des décennies, que par la rentabilité et la « rationalisation comptable » sur fond de dumping social, cette sinistre bourse qui joue au moins disant avec les conditions de vie des personnes. Or, nous voilà piégés. Nous manquons de masques, de produits révélateurs pour les tests, de respirateurs parce que stocker coûte cher et que l’efficience c’est gérer « à flux tendus » ! 

    Mais c’est pour le système de santé que la lumière crue révèle le plus violemment une réalité blafarde. « Il y a à peine trois semaines, qui aurait pu imaginer que des malades d’une société riche puissent mourir devant des médecins désarmés et contraints à d’horribles choix ? Qui aurait pu penser qu’au XXIe siècle, des gens seraient abandonnés à leur sort dans des établissements pour personnes âgées, sans qu’on puisse même leur donner une sépulture ? » questionne le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix. 

    Voici des années que le mouvement mutualiste, et singulièrement les Mutuelles de France, alertent sur ces multiples crises laissées sans solution : crise de la médecine de premier recours, crise de l’hôpital public, crise des EHPAD, et j’en passe. Voici des mois, plus d’un an en vérité, que les professionnels de l’hôpital public crient leur désarroi, leur colère, de voir leurs établissements de soins transformés en entité quasi commerciale. Ils disent, jusque là en vain, leur inquiétude de voir, années après années, les coupes budgétaires asphyxier financièrement l’hôpital, encore 4 milliards dans la loi de « non-financement » de la sécurité sociale promulguée il n’y a pas quatre mois ! 

    Et en effet, aucun des gouvernements qui se sont succédés depuis plus de dix ans n’a remis en cause la Loi Bachelot de juillet 2009, inspirée du rapport de Gérard Larcher. Pourtant, c’est cette loi qui précipite cet équipement public par excellence dans une logique commerciale. Cette logique nous revient collectivement en pleine figure. Seule l’extraordinaire mobilisation des soignants permet de limiter les dégâts.

    Alors, je conçois que cette réalité qui apparaît au grand jour soit choquante. Surtout si elle se conjugue avec l’inquiétude que fait peser l’épidémie de Covid-19. Mais nous devons faire face. 

    Comment le monde mutualiste est frappé par l’épidémie et la crise qu’elle engendre ?

    Nous faisons face en étant solidaires, en respectant les consignes de confinement, en épaulant le système de santé. Mais, à moyen terme, nous devons être convaincus qu’on ne pourra pas, et c’est tant mieux, recommencer comme avant, se noyer dans les chimères ultra-libérales qui nous coûtent si cher aujourd’hui.

    Nous faisons face mais je ne prétendrai pas que c’est simple car nous avons plusieurs rôles à assumer. Nous sommes acteurs de santé. Inutile de vous dire que nous sommes sollicités à ce titre. Les adhérents mutualistes ont bien sûr besoin de leur complémentaire santé. Les patients qui fréquentent nos centres de santé ont besoin de leur médecin généraliste. Nous sommes également employeurs et nous devons protéger les femmes et les hommes qui sont nos salariés. Nous devons veiller à leur situation sanitaire. La pénurie de masques n’aide pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Le décalage entre les discours du président et de son premier ministre et les réponses, ou non réponses, des administrations sur le terrain complique très sérieusement la situation.

    Enfin, nous sommes un mouvement social de santé et on voit bien que cette crise nous interpelle.   Pour l’heure, le monde mutualiste fait face.Quand cette crise sera terminée, il faudra en tirer les conséquences, les leçons. Nous apprendrons de cette crise mais et nous demanderons des comptes. Par nature, nous serons force de propositions et d’actions.

     Y a-t-il une réponse mutualiste aux urgences d’aujourd’hui ?

    Le mutualisme est, par essence, une réponse. Qui oserait affirmer aujourd’hui que la coopération, la mise en commun, ne sont d’aucune utilité ? L’analyse que nous portons depuis longtemps sur les crises et les dysfonctionnements du système de santé en France apparait aujourd’hui dans toute sa pertinence.

    « NON LE MARCHÉ NE PERMET PAS DE RÉPONDRE EFFICACEMENT AUX BESOINS DE SANTÉ, IL NE PERMET PAS DE DISPOSER DU MATÉRIEL NÉCESSAIRE AU MOMENT OPPORTUN. »

    Non, le dogme libéral ne permet pas de bâtir un système de santé bénéficiant à tous, délivrant des soins de qualité en toute sécurité pour les personnels soignants et les patients. Non le marché ne permet pas de répondre efficacement aux besoins de santé, il ne permet pas de disposer du matériel nécessaire au moment opportun. Macron vient de le découvrir en pleine panique. Nous ferons en sorte qu’il ne l’oublie pas une fois la crise passée. Nous avons l’habitude de dire que la santé n’est pas une marchandise. Tout le monde voit bien pourquoi, aujourd’hui. 

    Le projet mutualiste porte l’exigence démocratique. Cette crise révèle, avec le confinement, la part du citoyen dans la destinée collective. Cet acte individuel de responsabilité qui nous est demandé et qui est une contrainte forte sur nos vies quotidiennes est nécessaire pour permettre à notre système de santé d’absorber tant bien que mal le choc épidémique. On ne peut pas aujourd’hui demander à chacun d’être responsable pour soi même et pour les autres et, demain, une fois la crise derrière nous, recommencer à penser et à décider à la place des citoyens. Les leçons que nous tirerons de la crise devront résulter du débat démocratique. Mais il est clair que ce que nous vivons interroge notre manière d’échanger et de produire dans le cadre d’une économie mondialisée, met en cause de manière radicale la pertinence du système libéral, bouleverse nos habitudes de vie et de travail, questionne, comme le dit Edgar Morin, notre capacité à faire « le tri entre l’important et le frivole » et remet au centre du jeu la qualité de la relation humaine.  

    Quelles seront les leçons à tirer de cette crise ?

    Nous sommes en plein dans la crise et il est trop tôt pour en tirer efficacement les leçons. Mais ce qui me semble clair c’est que, je l’ai dit, cette crise agit comme un révélateur. Un révélateur de notre besoin vital de défendre le bien commun. Il est depuis trop longtemps sacrifié sur l’autel d’un mirage, celui de la réussite individuelle. Un révélateur de l’importance vitale de notre système de protection solidaire fondé sur le couple sécurité sociale/mutuelles, assurant un accès aux soins à tous sans la barrière de l’argent. Nous sommes si habitués à ce fonctionnement qu’il nous parait aller de soit. Il suffit pourtant de regarder dans les pays où cette solidarité n’existe pas, à commencer par le Etats Unis, pour mesurer combien sont encore aggravés les drames individuels. Nous sommes des mutualistes, ce que nous faisons, nous le faisons ensemble. Bien sûr nous avons besoin de l’excellence de chacun. Mais c’est en conjuguant les talents de tous, les capacités  professionnelles, les engagements citoyens, l’humanisme que nous trouvons et que nous trouverons les bonnes solutions. 

  • Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise

     

    Par Bruno Latour

    Philosophe et sociologue

    Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

    Il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après-crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayions jusqu’ici, assez vainement, de lutter.

    En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tous cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.

    La première leçon du coronavirus est aussi la plus stupéfiante : la preuve est faite, en effet, qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. À tous les arguments des écologiques sur l’infléchissement de nos modes de vie, on opposait toujours l’argument de la force irréversible du « train du progrès » que rien ne pouvait faire sortir de ses rails, « à cause », disait-on, « de la globalisation ». Or, c’est justement son caractère globalisé qui rend si fragile ce fameux développement, susceptible au contraire de freiner puis de s’arrêter d’un coup.

    En effet, il n’y a pas que les multinationales ou les accords commerciaux ou internet ou les tour operators pour globaliser la planète : chaque entité de cette même planète possède une façon bien à elle d’accrocher ensemble les autres éléments qui composent, à un moment donné, le collectif. Cela est vrai du CO2 qui réchauffe l’atmosphère globale par sa diffusion dans l’air ; des oiseaux migrateurs qui transportent de nouvelles formes de grippe ; mais cela est vrai aussi, nous le réapprenons douloureusement, du coronavirus dont la capacité à relier « tous les humains » passe par le truchement apparemment inoffensif de nos divers crachotis. A globalisateur, globalisateur et demi : question de resocialiser des milliards d’humains, les microbes se posent un peu là !

    Cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage.

    D’où cette découverte incroyable : il y avait bien dans le système économique mondial, caché de tous, un signal d’alarme rouge vif avec une bonne grosse poignée d’acier trempée que les chefs d’État, chacun a son tour, pouvaient tirer d’un coup pour stopper « le train du progrès » dans un grand crissement de freins. Si la demande de virer de bord à 90 degrés pour atterrir sur terre paraissait encore en janvier une douce illusion, elle devient beaucoup plus réaliste : tout automobiliste sait que pour avoir une chance de donner un grand coup de volant salvateur sans aller dans le décor, il vaut mieux avoir d’abord ralenti…

    Malheureusement, cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage. Les globalisateurs, ceux qui depuis le mitan du XXe siècle ont inventé l’idée de s’échapper des contraintes planétaires, eux aussi, y voient une chance formidable de rompre encore plus radicalement avec ce qui reste d’obstacles à leur fuite hors du monde. L’occasion est trop belle, pour eux, de se défaire du reste de l’État providence, du filet de sécurité des plus pauvres, de ce qui demeure encore des réglementations contre la pollution, et, plus cyniquement, de se débarrasser de tous ces gens surnuméraires qui encombrent la planète[1].

    N’oublions pas, en effet, que l’on doit faire l’hypothèse que ces globalisateurs sont conscients de la mutation écologique et que tous leurs efforts, depuis cinquante ans, consistent en même temps à nier l’importance du changement climatique, mais aussi à échapper à ses conséquences en constituant des bastions fortifiés de privilèges qui doivent rester inaccessibles à tous ceux qu’il va bien falloir laisser en plan. Le grand rêve moderniste du partage universel des « fruits du progrès », ils ne sont pas assez naïfs pour y croire, mais, ce qui est nouveau, ils sont assez francs pour ne même pas en donner l’illusion. Ce sont eux qui s’expriment chaque jour sur Fox News et qui gouvernent tous les États climato-sceptiques de la planète de Moscou à Brasilia et de New Delhi à Washington en passant par Londres.

    Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause.

    Ce qui rend la situation actuelle tellement dangereuse, ce n’est pas seulement les morts qui s’accumulent chaque jour davantage, c’est la suspension générale d’un système économique qui donne donc à ceux qui veulent aller beaucoup plus loin dans la fuite hors du monde planétaire, une occasion merveilleuse de « tout remettre en cause ». Il ne faut pas oublier que ce qui rend les globalisateurs tellement dangereux, c’est qu’ils savent forcément qu’ils ont perdu, que le déni de la mutation climatique ne peut pas durer indéfiniment, qu’il n’y a plus aucune chance de réconcilier leur « développement » avec les diverses enveloppes de la planète dans laquelle il faudra bien finir par insérer l’économie. C’est ce qui les rend prêts à tout tenter pour extraire une dernière fois les conditions qui vont leur permettre de durer un peu plus longtemps et de se mettre à l’abri eux et leurs enfants. « L’arrêt de monde », ce coup de frein, cette pause imprévue, leur donne une occasion de fuir plus vite et plus loin qu’ils ne l’auraient jamais imaginé.[2] Les révolutionnaires, pour le moment, ce sont eux.

    C’est là que nous devons agir. Si l’occasion s’ouvre à eux, elle s’ouvre à nous aussi. Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

    Par exemple, l’autre jour, on présentait à la télévision un fleuriste hollandais, les larmes aux yeux, obligé de jeter des tonnes de tulipes prête à l’envoi qu’il ne pouvait plus expédier par avion dans le monde entier faute de client. On ne peut que le plaindre, bien sûr ; il est juste qu’il soit indemnisé. Mais ensuite la caméra reculait montrant que ses tulipes, il les fait pousser hors sol sous lumière artificielle avant de les livrer aux avions cargo de Schiphol dans une pluie de kérosène ; de là, l’expression d’un doute : « Mais est-il bien utile de prolonger cette façon de produire et de vendre ce type de fleurs ? ».

    Nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation.

    De fil en aiguille, si nous commençons, chacun pour notre compte, à poser de telles questions sur tous les aspects de notre système de production, nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation – aussi efficaces, millions que nous sommes, que le fameux coronavirus dans sa façon bien à lui de globaliser la planète. Ce que le virus obtient par d’humbles crachotis de bouches en bouches – la suspension de l’économie mondiale –, nous commençons à l’imaginer par nos petits gestes insignifiants mis, eux aussi, bout à bout : à savoir la suspension du système de production. En nous posant ce genre de questions, chacun d’entre nous se met à imaginer des gestes barrières mais pas seulement contre le virus : contre chaque élément d’un mode de production dont nous ne souhaitons pas la reprise.

    C’est qu’il ne s’agit plus de reprendre ou d’infléchir un système de production, mais de sortir de la production comme principe unique de rapport au monde. Il ne s’agit pas de révolution, mais de dissolution, pixel après pixel. Comme le montre Pierre Charbonnier, après cent ans de socialisme limité à la seule redistribution des bienfaits de l’économie, il serait peut-être temps d’inventer un socialisme qui conteste la production elle-même. C’est que l’injustice ne se limite pas à la seule redistribution des fruits du progrès, mais à la façon même de faire fructifier la planète. Ce qui ne veut pas dire décroître ou vivre d’amour ou d’eau fraîche, mais apprendre à sélectionner chaque segment de ce fameux système prétendument irréversible, de mettre en cause chacune des connections soi-disant indispensable, et d’éprouver de proche en proche ce qui est désirable et ce qui a cessé de l’être.

    D’où l’importance capitale d’utiliser ce temps de confinement imposé pour décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaînes que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre.[3] Les globalisateurs, eux, semblent avoir une idée très précise de ce qu’ils veulent voir renaître après la reprise : la même chose en pire, industries pétrolières et bateaux de croisière géants en prime. C’est à nous de leur opposer un contre-inventaire. Si en un mois ou deux, des milliards d’humains sont capables, sur un coup de sifflet, d’apprendre la nouvelle « distance sociale », de s’éloigner pour être plus solidaires, de rester chez soi pour ne pas encombrer les hôpitaux, on imagine assez bien la puissance de transformation de ces nouveaux gestes barrières dressés contre la reprise à l’identique, ou pire, contre un nouveau coup de butoir de ceux qui veulent échapper pour de bon à l’attraction terrestre.

    Un outil pour aider au discernement

    Comme il est toujours bon de lier un argument à des exercices pratiques, proposons aux lecteurs d’essayer de répondre à ce petit inventaire. Il sera d’autant plus utile qu’il portera sur une expérience personnelle directement vécue. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une opinion qui vous viendrait à l’esprit, mais de décrire une situation et peut-être de la prolonger par une petite enquête. C’est seulement par la suite, si vous vous donnez les moyens de combiner les réponses pour composer le paysage créé par la superposition des descriptions, que vous déboucherez sur une expression politique incarnée et concrète — mais pas avant.

    Attention : ceci n’est pas un questionnaire, il ne s’agit pas d’un sondage. C’est une aide à l’auto-description*.

    Il s’agit de faire la liste des activités dont vous vous sentez privées par la crise actuelle et qui vous donne la sensation d’une atteinte à vos conditions essentielles de subsistance. Pour chaque activité, pouvez-vous indiquer si vous aimeriez que celles-ci reprennent à l’identique (comme avant), mieux, ou qu’elles ne reprennent pas du tout. Répondez aux questions suivantes :

    Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?

    Question 2 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente ; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

    Question 3 : Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

    Question 4 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?

    Question 5 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

    Question 6 : Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité ?

    (Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celle d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)

     

     

    [1] Voir l’article sur les lobbyistes déchainés aux Etats-Unis par Matt Stoller, « The coronavirus relief bill could turn into a corporate coup if we aren’t careful », The Guardian, 24.03.20.

    [2] Danowski, Deborah, de Castro, Eduardo Viveiros, « L’arrêt de monde », in De l’univers clos au monde infini (textes réunis et présentés). Ed. Hache, Emilie. Paris, Editions Dehors, 2014. 221-339.

    [3] L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir? Comment s’orienter en politique. Paris, La Découverte, 2017 et développé depuis par le consortium Où atterrir http://www.bruno-latour.fr/fr/node/841.html

     

    *L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir? Comment s’orienter en politique. Paris: La Découverte, 2017 et développé depuis par un groupe d’artistes et de chercheurs.

     

    Bruno Latour

    Philosophe et sociologue, Professeur émérite au médialab de Sciences Po

     

  • Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel ? Un scandale d’Etat !

    Fin 2018 le groupe multinational américain Honeywell fermait son site de production industriel de Plaintel pour le délocaliser en Tunisie licenciant en même temps 38 salarié(es). Cette entreprise, créée il y a une cinquantaine d’années et qui compta jusqu’à 300 salarié(es) avant son rachat en 2010 par Honeywell, au groupe Spirian fabriquait des masques respiratoires jetables et des vêtements de protections sanitaires en quantité considérable. Sa production était de 200 millions de masques par an, soit près de 20 millions par mois, fabriqués sur des machines ultras-modernes pouvant produire chacune 4000 masques à l’heure.

    Non contente de faire appel aux aides de l’Etat pour financer les huit plans sociaux que la multinationale Honeywell à mis en œuvre pour se débarrasser de ses salariés, Honeywell a pris la décision irresponsable en novembre 2018 de détruire ses huit machines en les faisant concasser par la déchetterie située sur la zone industrielle des Châtelet à Ploufragan.

    Les sections syndicales Cgt et Cfdt de l’usine de Plaintel avaient à l’époque, lancé un cri d’alarme pour empêcher la fermeture du site et la destruction de leur outil de production. Elles avaient multiplié les actions et les démarches pour éviter le pire. Elles s’étaient même adressées au Président de la République Emmanuel Macron et au Ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Mais ces derniers ce sont contentés d’accuser réception de leurs courriers mais se sont bien gardés d’intervenir. Ils pensaient sans doute en bon libéraux, qu’une intervention de l’Etat ne servirait à rien, puisque que dans un monde mondialisé et heureux, la main invisible du marché finirait par montrer son efficience pour préserver l’intérêt général.

    Aujourd’hui, le retour au réel est brutal et c’est avec stupeur que le pays tout entier découvre avec la catastrophe sanitaire du coronavirus qu’il ne possède pratiquement pas de stocks de masques, pourtant indispensables pour protéger les personnels soignants, l’entourage des malades et tous les salarié(es) obligé(es) de travailler pour éviter que le pays tout entier ne s’écroule. Pour l’union syndicale Solidaires des Côtes d’Armor, la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel et la destruction de ses outils de production, comme l’inaction des autorités publiques représentent un scandale qui doit être dénoncé. La chaine des responsabilités dans cette affaire doit aussi être mise en lumière. Les Dirigeants d’Honeywell et les autorités de l’Etat doivent aujourd’hui rendre des comptes au pays. D’ores et déjà Solidaires a demandé à plusieurs Parlementaires de la Région d’interpeller le Gouvernement sur ce scandale. Solidaires propose également que le site industriel de fabrication de masques de protection sanitaire de Plaintel soit récréé en urgence sous un statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC) ou sous la forme d’une Société Coopérative Ouvrière de Production (SCOOP). Le personnel compétent et disponible existe et ne demande que cela. De l’argent il y en a. La Banque Centrale Européenne vient de débloquer 750 milliards de liquidités. Que cet argent soit mis en priorité au service de l’urgence sanitaire et de l’intérêt général, plutôt que de laisser aux seules banques privées le privilège de le prêter ou pas.

    Saint Brieuc le 26 mars 2020.

    Le Bureau Départemental de

    Solidaires des Côtes d’Armor

     

    Union syndicale Solidaires des Côtes d’Armor - 1 rue Zénaïde Fleuriot 22000 St Brieuc : 02 96 33 50 89 – solidaires22@orange.fr - https://www.facebook.com/Solidaires22-1819449424988379/