Les politiques néolibérales menées depuis des décennies par les gouvernements successifs pour
promouvoir un système économique destructeur ont conduit l'humanité et l'environnement au bord
du chaos. La pandémie actuelle est la dernière manifestation dramatique de cette réalité. A cela
s'ajoute, pour la France, l'incurie d'un gouvernement qui, averti, depuis deux ans, de la pénurie de
masques, de l'absence de plan de prévention des épidémies - abandonné par ses prédécesseurs au
nom de la "nécessaire rigueur budgétaire"- a préféré fermer les yeux. Sa gestion de l'épidémie,
depuis deux mois, est marquée par une succession de mensonges et d'injonctions contradictoires. Il
navigue à vue entre nécessité sanitaire et volonté de relancer, quoiqu'il en coûte, l'économie dans les
meilleurs délais, bien décidé à faire payer une nouvelle fois la crise économique née de l'épidémie
aux salarié-e-s du privé et du public, aux indépendants, aux artisans et commerçants, ainsi qu'aux
chômeur·euse·s et aux retraité·e·s.
Face à cette situation où s'accumulent les menaces sanitaires, écologiques et sociales, la
responsabilité de ceux et celles qui refusent que le monde d'après soit le monde d'avant est engagée.
C'est pour répondre à cet enjeu qu'un réseau de citoyens et d'organisations syndicales, mutualistes,
associatives et politiques s'est constitué dans les Hautes Alpes, en référence à l'appel "Plus jamais
ça", lancé par 18 responsables associatifs et syndicaux. Après une première visioconférence qui s'est
tenue le jeudi 23 avril à laquelle ont participé près de 40 personnes venues de l'ensemble du
département, il a été décidé de se concentrer dans l'immédiat sur l'urgence sociale et la question du
déconfinement, sans oublier la nécessité de commencer à penser et préparer le monde d'après.
Nous proposons trois nouvelles rencontres en visioconférence, ouvertes à tous :
- Sur l'urgence sociale le jeudi 30 avril à 18h : près de 20000 personnes vivent en dessous
du seuil de pauvreté dans les Hautes Alpes, avec la perte de revenus liée au confinement,
beaucoup d'entre nous voient leur situation se dégrader . Sans se substituer aux
organisations humanitaires, le réseau veut créer des synergies, aller à la rencontre des plus
précaires et exiger auprès des collectivités locales et de la préfecture que les fonds prévus
soient débloqués dans les meilleurs délais. C'est un monde solidaire que nous voulons pour
demain.
- sur le déconfinement (la démocratie sanitaire), le lundi 4 mai à 18h : nous sommes
traités comme des enfants, au mieux comme des spectateur-trice-s impuissant-e-s attendant
l'oracle présidentiel. C'est insupportable, les citoyen-ne-s doivent prendre leurs affaires en
main et être partie prenante des décisions à venir. C'est une question fondamentale qui
illustre le besoin profond de reconstruire une démocratie véritable.
- Sur le monde d'après que nous voulons construire, le vendredi 8 mai à 18h :
Commençons dès à présent à confronter nos propositions.
Rdv visio sur https://meet.jit.si/plusjamaisca05
Le réseau est en formation, il demeure ouvert à toutes celles et ceux qui veulent s'y joindre et participer à sa
construction et à celle d'un monde d'après, solidaire, démocratique et écologique.
Réseau plus jamais ça 05, construisons le monde d'après, constitués de citoyen-ne-s et d'organisations dont la liste
n'est que provisoire (ATTAC, la CGT, la FSU, Sud solidaires, Alp'ternatives, UCL 04/05, les collectifs Jaune Toujours,
Intersanté des Alpes du Sud, Printemps heureux, la Mutuelle de France Alpes du sud, Guillestre Demain, Ensemble!, la
FI, Gap autrement, le PCF)
Pour prendre contact avec nous : laurenteyraud1@gmail.com herissonbertrand@orange.fr
ENSEMBLE 05 - Page 50
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“Réseau Plus jamais ça 05, construisons le monde d'après” Communiqué 3 rencontres ouvertes à tous : Urgence sociale // Démocratie sanitaire // Construire l’après
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La position des Mutuelles de France.
Par Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France
Aux prises avec l’épidémie de Covid-19, les inégalités de santé et d’accès aux soins, inégalités sociales, de genre, d’âge, culturelles, territoriales, ne sont plus solubles dans les « beaux discours » néo-libéraux. Même la charité, plus ou moins bien ordonnée, ne parvient plus à les dissimuler. Ces inégalités apparaissent au grand jour, telles qu’elles sont vécues depuis des décennies, cruelles, injustes, violentes. Elles s’aggravent même et signent l’échec de l’approche marchande de la santé.
Cet échec est douloureux car la santé et l’accès aux soins sont au cœur de la condition humaine. Leur marchandisation en fait un luxe donc, pour certains, un interdit, alors qu’ils doivent être d’abord le bien commun de tous. Pour ceux qui en doutaient, l’épidémie rappelle concrètement que nous sommes des êtres sociaux et que la santé d’autrui affecte la santé de chacun. En faisant de la santé un marché de services et de la protection sociale, une part de marché à conquérir, on a individualisé, saucissonné une question sociale globale.
Il y a trente ans, une campagne mutualiste proclamait déjà : « mon corps n’est pas une bagnole ». Alors que sévit le Covid-19, cette vérité s’impose avec plus de force encore : « mon corps n’est toujours pas une bagnole ! » Alors, c’est une autre société qu’il faut réinventer, « pas à pas, humblement », dit le poète, avec détermination aussi.
Le nouveau modèle que nous voulons ne peut naître que du débat démocratique
Nous n’avons pas besoin d’un « acte 2 » d’un « nouveau départ », d’une « refondation » venue d’en haut… Nous voulons une société des beaux jours plutôt que des beaux discours, une société basée sur un modèle solidaire, libre, créatif et accueillant.
Nous voulons un modèle solidaire qui s’appuie sur une sécurité sociale de haut niveau financée en sollicitant une part de l’ensemble des richesses produites, pour rendre accessible à chacune et à chacun les soins dont il a besoin, quel que soit son genre, son statut, son origine, son âge, son orientation sexuelle, son lieu d’habitation.
Nous voulons un modèle innovant qui tire partie de l’ingéniosité mutualiste, cette longue tradition démocratique qui consiste à mettre des moyens en commun, sans but lucratif, pour répondre aux besoins humains et préserver des aléas de la vie.
Nous voulons un modèle humain, qui considère la patiente, le patient, qui respecte les personnels soignants et non-soignants requis dans la démarche de soins, et offre les moyens de créer des relations de soins fructueuses et bienveillantes.
Nous voulons un modèle social qui garantisse l’accès aux biens de santé que sont les médicaments, les tests de dépistage, les accessoires de santé, par la programmation des besoins, la transparence des processus de fabrication et d’approvisionnement.
Nous voulons un modèle économique qui permette à chacun de s’épanouir dans des conditions de vie, de logement, d’éducation, de culture, de santé dignes.
Nous voulons un modèle politique qui préserve le trésor qu’est la liberté, la liberté d’aller et de venir, la liberté de penser et de dire, la liberté de créer et d’inventer.
Pendant la pandémie de Covid-19, pour faire face à la pénurie de biens de santé, à l’asphyxie financière de l’hôpital public, aux crises non résolues du système de santé, les pouvoirs publics ont fait appel à la responsabilité individuelle. Le confinement et les recommandations de distanciation sociale permettent à notre système de santé d’absorber tant bien que mal le choc épidémique. Demain, il ne serait pas acceptable révoquer cette responsabilité individuelle et de recommencer à penser et à décider à la place des citoyens pour construire la société de l’après-crise. Le temps vient de discuter et de confronter nos points de vue, sur la base de cette expérience douloureuse et singulière qui a décillé bien des regards. Le nouveau modèle que nous voulons ne peut naître que du débat démocratique qui seul permettra de transformer le fond de l’air solidaire qui s’est levé en détermination politique au changement.
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Le jour d'après a commencé
du 24 avril 2020
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Plus que jamais le 1er Mai, appel unitaire CGT, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNEF et UNL
Alors que le monde entier fait face à la pandémie, ce premier mai sera plus que jamais la journée internationale de luttes des travailleuses et travailleurs.
Depuis le début de la crise sanitaire, des millions de personnes sont confinées. De nombreux pays vivent grâce aux oublié-es, aux invisibles de nos sociétés, qui continuent à travailler, le plus souvent au risque de leur propre vie.
Évidemment ce sont d’abord l'ensemble des personnels de santé qui n’ont pas comptées leurs heures, leur dévouement. Ensuite il y a tous les salarié-es, souvent des femmes, du commerce, de l'agro-alimentaire, du paramédical du social, du nettoiement…, ainsi que tous-tes ces agent-es de la fonction publique qui ont continué d’assurer leurs missions de service publics, et plus largement ceux et celles qui travaillent au service de la population.
Les paroles de reconnaissance des gouvernements n’ont pas été suivies d’actes forts. Les mots sont évidemment insuffisants pour exprimer notre colère, et notre détermination à faire changer les choses.Nous porterons ce 1er mai 2020, bien que confiné-es, les revendications qui sont plus que jamais d’actualité :
Car sacrifier la santé des travailleurs_ses n’est pas admissible :
Si la « reprise » de la vie sociale, dont le travail fait partie, est une espérance, une nécessité pour beaucoup d’entre nous, (et pour d’autres plus pour remettre leur profit à l’ordre du jour), cela ne peut se faire sans la garantie la plus absolue de la sécurité de chacun, chacune, ainsi que celle de ses enfants. La santé, la sécurité, le droit de retrait, de grève, le droit syndical doivent être respectés !!
Car sacrifier les droits des travailleuses-eurs sur l’autel de l’économie n’est pas tolérable et ne pourra continuer quelle que soit la situation :
Des semaines à 60 heures de travail, la perte des congés, des jours de repos, le travail dominical étendu, les abus sur le télétravail ne sont pas légitimes et ne peuvent durer ! Ce n’est pas une prime donnée au bon vouloir du patron, ou de l’employeur public, une aide ponctuelle aux plus modestes qui suffiront aux travailleurs-euses : ce sont de vraies revalorisations salariales du SMIC et des
salaires en particulier dans les conventions collectives où ils sont les plus bas, tout comme dans la fonction publique !
Sacrifier les plus précaires d’entre nous n’est pas admissible dans une société d’égalité et de solidarité :
Vacataires, intérimaires, intermittent-es, services civiques, la précarisation des travailleur-euses s’est multipliée ces dernières années, et la situation des chômeur-euses et étudiant-es a été dégradée, tout comme celle des sans-papiers aujourd’hui ignoré-es sur le plan sanitaire comme social.
Elles et ils payent le prix fort de la situation, et les inégalités sociales explosent. Le manque d’investissement au niveau de la santé, la réforme de l’assurance chômage, le projet de réforme de la retraite pas points, mettent à mal la protection sociale, laquelle est un socle protecteur.
De plus, le développement des services publics est nécessaire et indispensable pour assurer l'égalité et répondre aux besoins de la population. De nombreuses aides sont prévues pour les entreprises, alors que pour ceux et celles qui sont dans les situations difficiles, elles restent mineures. Il faut permettre la suspension des loyers et des dépenses de toute l’énergie, une aide pour l’accès à internet et aux transports, car nous savons que si la crise sanitaire peut régresser, la situation économique et sociale va continuer à faire des dégâts.
Cette situation inédite, qui peut malheureusement perdurer et/ou continuer, a remis en lumière l’essentiel : Un hôpital et un système de santé publique avec de vrais moyens humains, matériels, financiers, un système de protection sociale large tout au long de la vie, des services publics qui ne sont pas sacrifiés par des politiques de restructurations, suppressions au bénéfice des appétits de ceux qui prospèrent dans ce système capitaliste !
Le 1er mai doit permettre à chacun et chacune de s’emparer de ces revendications, et par tous les moyens de les rendre visibles.
Même confiné-es, manifestons toutes et tous le 1er mai, avec des pancartes, banderoles ou en envahissant les réseaux sociaux(...) et donnons à cette journée une véritable force collective !
Le 1 er mai, soyons visibles, solidaires, déterminées. Nous ne paierons pas la crise générée par des choix politiques d’un système capitaliste mortifere.
Transformons le monde de demain en un monde vivable, de justice sociale, écologiste et féministe !
Montreuil, le 20 avril 2020 -
Après le coronavirus : « Vers la société du commun » Hervé Defalvard
Dans une tribune au « Monde », l’économiste Hervé Defalvard voit dans les actions locales d’accès et de gestion des « biens communs » l’ébauche de ce que serait le jour d’après, à condition que ces initiatives trouvent un débouché politique.
Tribune. Les nombreux appels à un changement profond de modèle économique ne doivent pas nous faire oublier que les mea culpa prononcés lors de la crise financière de 2008 n’ont abouti qu’à des changements mineurs et à la mise au pas des mauvais élèves du néolibéralisme comme la Grèce. Que faire pour que ces annonces de rupture se traduisent effectivement ?
Jean Jaurès, reprenant Marx sur ce point, prônait la méthode de « l’évolution révolutionnaire ». Cette méthode nous éviterait de tomber dans l’écueil des « phrases révolutionnaires » qui promettent le changement sans avoir les forces sociales nécessaires pour le rendre effectif, soit que ces forces ne souhaitent aucun changement afin de conserver leur pouvoir, soit qu’elles soient beaucoup trop faibles et trop peu organisées pour entraîner le changement radical.
Les phraseurs du premier type nous disaient, en 2008, à l’instar de Nicolas Sarkozy dans son discours de Toulon (le 25 septembre 2008), que « l’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle », nous appelant « à refonder le capitalisme sur une éthique de travail ». On connaît la suite…
L’optimisme de Jaurès
Les phraseurs du second type sont ceux qui, comme moi, ont défilé dans les grandes manifestations de 2009 avec pour slogan « nous ne payerons plus leur crise », ce qui « ne voulait rien dire », comme le reconnaît aujourd’hui sur son blog le député LFI François Ruffin (« Préparons la crise ! »).
La méthode de l’évolution révolutionnaire croise deux axes, celui des forces sociales et de leur organisation, et celui de leur traduction politique et démocratique. Pour Jaurès, dans la très longue préface du 17 novembre 1901 qu’il rédige à l’invitation de Charles Péguy qui veut éditer ses derniers articles dans les Cahiers de la Quinzaine, les forces sociales sont celles du « prolétariat ». Selon lui, dans les syndicats et les coopératives comme dans leur expression politique électorale, ces forces n’ont fait que grossir au point d’orienter le cours de la démocratie en leur nom propre, et non plus en suivant comme au XIXe siècle les révolutions bourgeoises. La construction de l’Etat social en France tout au long du XXe siècle a donné raison à l’optimisme de Jaurès. Mais comme Jaurès avait su actualiser et adapter à la France la méthode prônée par Marx, il nous faut le faire pour le XXIe siècle.
Les forces sociales sont aujourd’hui celles des territoires dont les habitants se regroupent pour décider et agir afin de pouvoir construire en commun une vie bonne pour tous, dans un équilibre durable avec les êtres vivants partageant le même milieu.
Longtemps séparées, ces forces sociales joignent les luttes contre les discriminations d’origine, les inégalités, le
réchauffement climatique et pour la biodiversité. Elles portent une politique de l’émancipation du bas vers le haut : celle locale des communs autogérés, et celle des personnes qui, par ces collectifs, retrouvent la maîtrise de leur vie.
Un nouvel universalisme
Les exemples foisonnent : les circuits courts alimentaires, les communautés énergétiques, les nouvelles sociétés coopératives d’intérêt collectif, les plates-formes coopératives de livraison à vélo ou de covoiturage, parmi bien d’autres… Mais si ces forces sociales des territoires n’avaient qu’une structure locale, jamais elles ne pourraient être au rendez-vous de la rupture.
Elles ne le seront que grâce à la structure translocale qui déjà les soutient sur les deux axes de l’évolution révolutionnaire.
Sur le premier, elles le font en construisant leur solidarité à diverses échelles, à travers l’usage des technologies numériques (« fablabs ») ou en s’adjoignant le maillon de l’Etat social pour accéder aux soins de santé et aux remboursements. Sur le second axe, ces communs de territoire sont porteurs d’un nouvel universalisme. En effet, les droits d’accès à telle ou telle ressource qu’ils construisent concrètement pour celles ou ceux qui en sont privés sont appréhendés comme des droits universels dans une sorte de mondialisation des territoires. Ils ont déjà commencé à trouver un débouché politique lors du premier tour des municipales. Ils doivent trouver un débouché politique dans les élections régionales, nationales, européennes comme dans des négociations à l’échelle mondiale.
Le jour d’après Enfin, la méthode de l’évolution révolutionnaire ne fait attendre ni d’un grand soir ni d’une seule élection la venue d’une nouvelle société. Le terme de transition est ici mieux adapté pour autant que celle-ci soit toujours associée à une vision de « l’idée directrice et visible du mouvement ». Laquelle, comme au temps de Jaurès, a toujours pour adversaire, la propriété du capital qui, en se concentrant toujours plus, donne à ses associés un pouvoir exorbitant.
La société du commun ne supprime ni la petite propriété privée du marché ni la propriété publique de l’Etat, mais les subordonne aux droits d’usage qui assurent concrètement l’accès à une vie bonne pour toutes et tous. Elle est aussi porteuse d’une autre valeur politique et économique, non plus la valeur extractive au profit des actionnaires dans une société de classes, mais la valeur générative au bénéfice d’une plus-value de vie pour tous les êtres. Dans cette transition, des alliances se font déjà sur le terrain, y compris avec des grandes entreprises, comme à Varats (Roumanie) ou des agriculteurs locaux et Carrefour sont associés dans une coopérative.
Mais n’en doutons pas, de nombreuses luttes et de nombreuses alliances seront nécessaires, le jour d’après, aux échelles locales et translocales pour que la démocratie ouvre le chemin vers la société du commun.
Hervé Defalvard est maître de conférences d’économie à l’université de Marne-la-Vallée
Cet article est paru dans Le Monde (site web)