C’est un devoir de parler de vous, d’avoir le courage de regarder votre histoire aussi terrible soit-elle…et de la raconter, peuple de Palestine assassiné…
Un garçon d’une quinzaine d’années, le visage tuméfié, déformé, ensanglanté, il est totalement désorienté il a été enlevé, battu, humilié, torturé par l’armée et puis relâché…
Oui c’est violent, mais il faut parler de vous, de ce que l’on vous fait endurer, peuple de Palestine torturé, car le silence est complicité…
Un adolescent porte un gros baluchon sur le dos, il marche à contresens, il presse le pas, il parle seul, sous sa casquette, il a l’air un peu fou… Avec son frère il était allé chercher à manger, mais ce sont les restes du corps de ce dernier qu’il porte sur son dos dans sa couverture repliée en paquet, les restes de son frère qu’il ramène à la maison au lieu d’un sac de farine de blé…
Oui c’est indécent tellement que c’est souffrant, mais il faut parler de vous, peuple de Palestine assassiné, car c’est le silence qui permet…
Parfois je ferme les yeux et je me souviens, Qu’il y avait une maison… Qu’il y avait un jardin…
Un garçon est assis dans une rue au milieu des détritus, il lève un bras appelant à l’aide, de profil il a l’air entier, mais pourquoi reste-t- il exposé sous les tirs de l’armée ? jusqu’à ce qu’il tente de se relever, découvrant son deuxième bras arraché, au niveau de l’épaule, il réussit quelques pas titubant puis il perd l’équilibre, basculant le côté sectionné le premier, dans la poussière et la terre retournée.…
Oui c’est indécent, mais il faut parler de vous, peuple de Palestine martyrisé, car le silence du monde ne peut plus durer.
Un homme qui pleure, à côté d’un petit linceul blanc, il pleure en décrivant les derniers instants de son enfant, mort de faim et de déshydratation, la couleur de ses lèvres desséchées et le dernier souffle de son petit corps si léger, il s’en voulait tellement de n’avoir rien pu lui trouver à manger …
Oui c’est indécent tellement que c’est souffrant, mais il faut parler de vous, peuple de Palestine de force affamé, car le silence est infame …
Parfois je ferme les yeux et je me souviens, Qu’il y avait une maison… Qu’il y avait un jardin…
Un papa, agenouillé à côté de sa fille allongée, ils sont coincés dans une école ou une maison bombardée, à côté d’elle une grande tâche rouge, elle a le front barré d’un trou béant, il lui dit ces mots, elle le regarde, il n’y a pas d’espoir pour sa petite fille et il le sait. Il lui dit qu’elle va quitter ce monde monstrueux, et qu’il la rejoindra bientôt. Il lui demande de lui pardonner de ne pouvoir la sauver car ils sont encerclés par les chars de l’armée.
Oui c’est indécent, mais ce sont quelques exemples parmi des dizaines de milliers, peuple de Palestine génocidé, et le silence est une violence.
Parfois je ferme les yeux et je me souviens, Qu’il y avait une maison, Qu’il y avait un jardin,
Et une grande liane, qui donnait des fruits de la passion
Et des chaises empilées que vous mettiez en cercle pour discuter dans la cour pavée ombragée,
Il y avait les ados assis sur les escaliers, qui écoutaient, les rires des femmes, les discussions animées, les hommes qui fumaient, les enfants envahissants et criants qui passaient, jusqu’à ce qu’un tonton en prenne un sur ses genoux, et lui glisse un shekel dans la main, et les voilà partant en bande acheter un gouter chez le petit marchand d’à côté, ils couraient dans cette rue qui portait votre nom…
Le petit marchand a été tué dans un bombardement, lui et toute sa famille
Les enfants ont disparu, comme la rue qui portait votre nom, comme le quartier, comme cette maison,
Et vous êtes en train de mourir, loin, de faim, de soif, privés de soins, bombardés, soumis à tous les dangers dans ce piège insensé,
C’est un devoir de parler de vous, de dire votre histoire, peuple de Palestine assassiné …
C’était une cour intérieure pavée,
Et ça sentait l’été
Et puis il y avait une grande liane, qui donnait des fruits de la passion …
Lucile Ali