Le Sénat et l'Assemblée revoient la ponction sur les revenus locatifs des HLM
publié le 28 octobre 2010
La mesure avait soulevé un tollé au sein du mouvement HLM et valu à Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au Logement, une bronca rarement vue lors du récent congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) (voir notre article ci-contre du 30 septembre 2010). C'est peu dire que l'annonce de la suppression de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs dont bénéficient les organismes HLM - soit l'équivalent d'un prélèvement annuel de 340 millions d'euros - est mal passée... Le message a toutefois été entendu. Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2011, l'Assemblée nationale (qui examine le texte en plénière) et le Sénat (qui procède actuellement aux travaux en commission) sont tous deux revenus sur le texte du gouvernement, mais avec deux approches différentes.
La commission des finances du Sénat a choisi l'option la plus radicale. A l'occasion de l'examen des crédits de la mission Ville et logement, elle a en effet adopté un amendement qui supprime purement et simplement l'article 99 du PLF contenant la mesure litigieuse. Selon le communiqué publié par le Sénat, la commission "a estimé que ce dispositif, abusivement qualifié de suppression d'une niche fiscale, ne constituait pas un outil adéquat de péréquation et de mutualisation puisqu'il frappe indistinctement et uniformément les organismes d'HLM, sans tenir compte de leur situation financière particulière ou de leur implication dans les opérations de construction. Elle a considéré également que le comblement du déficit de financement des opérations de rénovation urbaine ne devait pas être mis à la charge des bailleurs sociaux mais relevait du budget général de l'Etat".
L'Assemblée nationale a choisi une position moins radicale, mais sans doute plus réaliste. La commission des finances a en effet adopté un amendement qui n'abandonne pas l'idée d'un prélèvement mais en modifie profondément l'assiette et le mécanisme. L'amendement - déposé par les députés UMP Olivier Carré (Loiret) et François Scellier (Val-d'Oise) - renonce à la mesure envisagée par le gouvernement, autrement dit, l'assujettissement des organismes HLM à la contribution sur les revenus locatifs (CRL), dont ils étaient jusqu'alors exonérés. Comme au Sénat, la commission juge en effet un tel prélèvement inadapté et injuste. A la place, l'amendement propose un dispositif qui s'appuie sur une modification de la taxation des "dodus dormants" - les organismes dotés d'une trésorerie abondante mais qui n'investissent pas -, mise en place par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (voir notre article ci-contre du 3 février 2009). En pratique, le prélèvement sur le potentiel financier de chaque organisme serait "égal au produit du nombre de logements et d'équivalents logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel au 31 décembre de l'année précédente par une contribution moyenne par logement". Comme dans le cas de l'actuelle taxe sur les "dodus dormants" (voir notre article ci-contre du 11 janvier 2010), le taux de ce prélèvement serait progressif - de 0 à 16% -, mais sur la base d'un barème par tranche. Les sommes ainsi prélevées seraient affectées à un fonds géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). L'essentiel du montant du prélèvement devrait ainsi revenir aux organismes HLM, comme Benoist Apparu en avait pris l'engagement devant le congrès de l'USH (voir notre article ci-contre du 1er octobre 2010).
Sur le plan financier, le mécanisme mis en place par l'amendement doit aboutir à un montant de prélèvement très voisin des 340 millions d'euros annuels prévus par le projet gouvernemental. Mais sa répartition serait très différente : environ 25% des 800 organismes devraient être dispensés de tout prélèvement, tandis que ceux dotés de la trésorerie la plus florissante assumeraient la plus grosse part de la contribution. Une solution qui ne convient pas à l'USH, laquelle souhaite que les 340 millions soient obtenus en renonçant à étendre le prêt à taux zéro aux ménages les plus aisés.
Point important : le gouvernement s'est déclaré favorable à l'amendement, qui a donc de bonnes chances de figurer dans le texte final. Lors de la conférence de presse au congrès de l'USH en septembre dernier, Benoist Apparu n'avait d'ailleurs pas caché que son ministère pourrait travailler sur d'autres solutions. Pour sa part, Philippe Dallier, sénateur (UMP) de la Seine-Saint-Denis et rapporteur des crédits de la mission Ville et logement, avait déclaré à la tribune de ce même congrès que la remise en cause de l'exonération de la CRL était "une mauvaise solution, trouvée par Bercy, à un vrai problème : le financement de l'Anru [Agence nationale de la rénovation urbaine, ndlr]".
Jean-Noël Escudié / PCA