Jeudi 1er Décembre 2016
Au nom de mon père,
Bonjour M. Mélenchon,
J’espère que vous aurez le temps de me lire, peut-être rapidement un soir, j’espère avant le temps des cerises, en cette période si intense pour vous.
Je suis Elsa Bonnaud, 36 ans déjà, écologue à tendance écologiste, de forte conviction de gauche mais ayant peu d’enthousiasme pour un engagement politique concret par mes participations aux grèves étudiantes toutes successivement perdues et d’une forte désillusion lors du rassemblement avorté des gauches en 2007.
Pourtant, je suis la fille de M. Erik Bonnaud, mort à 67 ans fin avril 2016, à l’aube de la saison des cerises justement. Mon père était un inconditionnel du combat politique au niveau local et national, à son niveau mais cependant toujours partant pour essayer de convaincre alors même que l’espoir était si mince et ce jusqu’en Janvier 2016, 4 mois avant de mourir.
http://www.dici.fr/actu/2016/05/02/hautes-alpes-deces-d-erik-bonnaud-obseques-ont-lieu-matin-gap-gauche-cooperative-apporte-soutien-767332
Mon père s’est engagé très tôt dans sa vie, a été de la plupart des luttes sociales puis écologistes pour enfin rejoindre le mouvement ensemble qui a pour vocation de regrouper l’ensemble des sensibilités de gauche qui prône l’humain indissociable de son environnement et des espèces qui l’entourent pour la simple et bonne raison que tout est lié, tout est en interaction.
Et moi, je suis tellement liée à mon père ! Même maintenant, malgré ses défauts et surtout les défauts de ses qualités : trop gentil, trop conciliant et trop idéaliste. Je n’ai pas ses rêves car je suis malheureusement bien trop consciente que ce sera long et certainement en grande partie inextricable. Si l’humain et l’environnement sont liés, que notre survie commune ne peut se faire sans le respect de notre habitat, les travers de nos comportements humains prennent la plupart du temps le dessus. L’égoïsme, le narcissisme, la compétition auront toujours une place forte. Notre instinct de survie nous pousse au repli sur soi en ces temps de crises économique et existentielle, notre difficulté à limiter notre consommation de confort nous fait oublier l’essentiel. Pire, pour une grande partie d’entre nous l’essentiel est « simplement » de n’avoir qu’un seul objectif joindre les deux bouts quel qu’en soit le prix, le prix du temps, le prix du temps de vie. De plus, l’inadéquation entre le temps politique, le temps humain et le temps écologique est aussi affreusement complexe.
Pourtant je vous écris, pourtant je veux croire au moins un peu qu’il sera possible de faire bouger quelques lignes. Ce sera certainement plus par la force des choses, avec les êtres les plus vulnérables qui payeront le prix fort plus qu’avec nos mots, nos idées et nos actes, mais déjà si les lignes bougent un peu… Si elles bougent un peu plus vers le sens du partage, du temps humain, du temps de vie au travail qui nous laisse du temps pour vivre avec nos proches, c’est toujours bon à prendre. C’est cette vie que j’ai eu aux côtés de mon père : le temps de vie bien partagé. Son travail prenant mais limité et bien payé lui permettant non seulement de bien vivre mais aussi d’avoir du temps pour en passer avec nous, pour avoir le temps de s’engager, de donner, de réfléchir, de communiquer, d’apprécier le monde qui nous entoure et de s’y ressourcer au travers des sports de plein air, d’y vivre, de prendre le temps d’aimer.
Mon père était en faveur d’une candidature unitaire à gauche, la vraie, pas celle du parti socialiste actuel. Il a écrit fin 2015 à Mme Taubira pour l’inciter à se présenter. Il pensait qu’elle pouvait être un symbole fort qui saurait rassembler largement. Et aujourd’hui je vous écris. Je pense que je suis plus pragmatique et moins idéaliste que mon père. Pour moi la tâche est plus facile, je n’ai pas besoin de vous demander de vous présenter, vous le faites très bien de vous-même. Mais surtout je pense que votre score pèsera plus dans la balance et c’est finalement ce qui m’importe. Bien que je ne sois pas en accord avec certaines de vos idées, de vos réactions, de votre démarche relativement solitaire, je vous reconnais votre détermination, votre courage, vos grandes qualités oratoires, votre culture, votre envie d’avancer dans un sens qui convient mieux à la vision du futur que j’espère.
Un des premiers souvenirs « engagé » que j’ai avec mon père, c’est lorsqu’ il m’a portée sur ses épaules durant une manifestation de « touche pas à mon pote ». Je sens toujours son enthousiasme, sa joie, sa voix, le logo épinglé à mon t-shirt, si jaune, si vif, si parlant, si aimant.
M. Mélenchon, mon père me porte toujours aujourd’hui, je vous écris en son nom et avec mes mots. J’essaye d’allier la force de son idéal et la léthargie de mon pragmatisme. Si cela pouvait se combiner en un fort pragmatisme ce serait un très bon mélange il me semble.
M. Mélenchon, continuez, mais présentez-vous sous une candidature unitaire, qui rassemble toute la vraie gauche, toute celle qui était unie en 2007 forte de ses 125 propositions. S’il n’y a pas de candidature unitaire de cette vraie gauche je me sentirai doublement orpheline, et certainement bien d’autres avec moi. Il est fort probable que je n’aille pas voter car sans une candidature unitaire rien n’a de sens et cela ne fonctionnera pas, on le sait tous et vous aussi. Beaucoup pensent très probablement comme moi et beaucoup n’iront pas voter si les candidatures sont éparpillées, s’il n’y a pas de cohérence. Si ceux qui souhaitent prendre le pouvoir n’arrivent pas à se fédérer alors expliquez-moi pourquoi j’irai voter en sachant très bien que cet éclatement n’arrivera à aucune solution concrète. Même si vous faites un bon score, même si vous portez une partie de la gauche, si vous ne portez pas l’ensemble de la vraie gauche cela ne marchera pas, et je ne veux plus voter pour des solutions qui n’en sont pas. Mon pragmatisme prend le dessus…
Je ne sais comment convaincre les différents représentants des partis politiques de cette gauche éclatée, je ne sais comment pousser les différentes initiatives citoyennes qui fleurissent mais n’ont pas les capacités d’organisation nécessaires. Je n’ai ni les compétences, ni la légitimité, ni un quelconque pouvoir de persuasion. Je peux juste partager mon expérience et essayer de faire bouger un tout petit peu votre ligne : j’avais été convaincue par le rassemblement de 2007, il ne manquait plus qu’un vote citoyen pour élire le meilleur représentant qui ne sera de toute façon rien sans une bonne équipe. Un individu seul ne peut rien, c’est en plus un des fondements de l’écologie. Faites-en sorte qu’une telle élection préalable ait lieu, appelez encore plus fort à cette unité, si je peux vous y pousser un peu plus, avec mes petits bras musclés, allez-y. Si une telle élection a lieu pour le élire le représentant de la gauche unitaire vous avez effectivement de grandes chances de la gagner ce qui assoira votre force et donnera une autre dimension à votre candidature : un idéal réalisable !
Mieux partager pour mieux vivre.
Si vous avez pu me lire je vous en remercie.
Elsa.