Une vulgate bien établie fait remonter les origines du 1er mai aux évènements de Chicago
en 1886 où la grève des ouvriers américains pour la journée de huit heures se termine dans un bain de sang. Certes, si cette parenté n’est pas entièrement dénuée de tout
fondement, elle n’est pas tout à fait exacte, car elle masque, en réalité, la place
éminente qu’occupe le mouvement ouvrier français dans la genèse de cette histoire.
C’est en juillet 1889, et certainement dans l’espoir d’apporter un utile contrepoint
prolétarien aux célébrations du centenaire de la Révolution française, que le mouvement
socialiste international décide de se donner rendez-vous à Paris. Organisé à l’initiative de
guesdistes, de blanquistes et de la tendance Vaillant de la Fédération nationale des
syndicats, le Congrès international socialiste rassemble, dans « la salle des Fantaisies
parisiennes », du 14 au 21 juillet 1889, 377 délégués venus du monde entier.
C’est au cours de ce Congrès que va naître réellement la journée internationale des
travailleurs. Le 20 juillet 1889, sur proposition de Raymond Lavigne, alors secrétaire de la
Fédération nationale des syndicats, les délégués adoptèrent à l’unanimité une résolution
appelant les travailleurs à organiser « une grande manifestation internationale à date
fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour
convenu, les travailleurs mettent en demeurent de réduire légalement à huit heures la
journée de travail ». Au cours des débats, la date retenue fut fixée au 1er Mai, en
référence à la décision prise en 1888 par l’American Federation of Labor lors de son
Congrès de St. Louis, de faire du 1er Mai 1890 un temps fort de lutte pour la journée de
huit heures.
1890
Les premières manifestations du 1er Mai eurent lieu pour la première fois en 1890.
D’emblée la dimension internationale des mobilisations, aux formes diverses et d’ampleur
inégale, frappent les esprits. L’objectif central reste la journée de huit heures, mais
d’autres thèmes revendicatifs émergent selon les contextes nationaux. Quoiqu’il en soit, le caractère universel et la force des mobilisations donnent un retentissement considérable à cet évènement.
1891
Le deuxième 1er Mai devait être tragiquement endeuillé par ce qui se passa à Fourmies où tombèrent les premiers martyrs de la journée internationale des travailleurs. La troupe
présente tire sur la foule rassemblée. Le bilan est lourd : dix morts et plusieurs dizaines de blessés. L’indignation provoquée par ce massacre traverse aussitôt le pays et dépasse les frontières. Sans nul doute, ce drame contribua à donner à cette journée une nouvelle
dimension de lutte, de solidarité et de générosité ouvrières.
1906
À la fin du XIXe siècle, l’enthousiasme initial tend à s’estomper. C’est la CGT, inspirée par
le grand projet de la grève générale et par le désir de paix entre les nations, qui réactive
les mobilisations. Ce désir de « prendre la rue » culmine à l’occasion du 1er Mai 1906 qui
fut certainement la plus grande manifestation organisée par la jeune CGT en faveur des
huit heures.
1919
L’expérience révolutionnaire qui se joue à l’Est concentre tous les regards et encourage
toutes les audaces, une dynamique révolutionnaire se déploie à nouveau. Pour contrer son extension, le gouvernement de Georges Clemenceau présente le 8 avril un projet de loi sur la journée de huit heures. Il est voté à l’unanimité par la Chambre le 17 avril, et ratifié le 23 par le Sénat. Le 1er Mai sera cette année d’une ampleur considérable, les grèves sont massives et les cortèges impressionnent.
1936
Face au péril fasciste, une puissante vague unitaire déferle sur le pays, elle se concrétise
au sommet par la création d’un Comité national de rassemblement populaire au lendemain
du 14 juillet 1935. Cette contagion unitaire gagne le mouvement syndical, et le Congrès de
Toulouse, du 2 au 6 mars 1936, met fin à quinze années de divisions syndicales. Le 1er Mai 1936 sera le cadre d’arrêts massifs du travail et de puissantes manifestations qui
annoncent les grèves généralisées avec occupation des usines qui se produisent dans les
semaines qui vont suivre.
1941
C’est pendant l’occupation allemande, les 12 et 24 avril 1941, que les responsables de
l’État français décident, à l’image de ce qui a été pratiqué dans l’Allemagne nazie ou en
Espagne franquiste, d’institutionnaliser le 1er Mai pour en subvertir le sens originel.
Dorénavant, cette journée est officiellement désignée comme la Fête du Travail et de la
Concorde sociale et elle devient chômée. Tout est fait à cette occasion pour vider le
1er Mai de sa substance révolutionnaire et pour le rattacher aux vieilles coutumes paganoreligieuses.
Sur le plan symbolique le muguet refoule l’églantine.
La Libération
Au lendemain de l’écrasement du nazisme et du militarisme japonais, le 1er Mai est
universellement célébré. En France, dès 1946, il se place sous le double signe de l’action
revendicative et de la bataille pour le redressement national. Depuis 1947, le 1er Mai est un jour férié, obligatoirement chômé et payé.
1968
Après près de quinze ans d’interdiction de défiler à Paris, la CGT décide pour le 1er Mai de
reconquérir les rues de Paris en lançant un appel à manifester de la République à la
Bastille. Ce jour-là, près de cent mille travailleurs défilent dans les rues faisant la
démonstration que les conditions sociales de l’explosion à venir étaient réunies.
Des années 1980 jusqu’à aujourd’hui
Dans les années 1980, un certain nombre d’acteurs non syndicaux (réfugiés, immigrés,
etc.) s’approprient cette journée. À partir de 1988, le Front national s’en empare, plaçant
Jeanne d’Arc au coeur de ses célébrations. On se souviendra également du 1er Mai 2002
marqué par la marée humaine défilant dans les rues sur l'ensemble du territoire français
suite à la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle