Retraites, la grande tricherie
Le gouvernement a présenté son projet de « réforme » des retraites. Des 4 pages publicitaires dans toute la presse en vantent à profusion les mérites.
Le quotidien Les Echos du 10 juillet présente cette réforme comme le souhaite le gouvernement. Mais ce journal, peu suspect de critiquer cette réforme, la présente aussi, dans la même page, selon sa propre vue1.
Se plaçant en 2020, il détaille en effet « l’effort de redressement » de 30 Md€ prévu. Cet « effort » est supporté par les salariés, les entreprises, et des recettes nouvelles ne touchant pas les entreprises. Les salariés, du fait du report de l’âge légal de la retraite, participent pour 20,2 Md€, et, du fait de la hausse des cotisations salariales des fonctionnaires, pour 4,9 Md€.
Les entreprises, notamment du fait de minorations d’allégements de charges, participeront pour 2,2Md€. Le solde est constitué de diverses recettes nouvelles, hors entreprises, dont 1 Md € de taxes supplémentaires sur les revenus du capital.
L’effort supporté par les salariés est donc de près de 84%, celui supporté par les entreprises de 7%.
Le gouvernement triche.
Que disait le gouvernement, repris et martelé par les médias :
- « le problème est démographique, la solution doit être démographique »
- « l’espérance de vie augmente donc il faut reculer l’âge légal de la retraite et/ou augmenter le nombre d’années de cotisations ».
- Sans oublier, bien sûr, qu’« il ne faut pas obérer la compétitivité des entreprises françaises ».
Mais le problème est-il réellement démographique ?
Le titre des Echos du 16 juin : « Les besoins de financement du système de retraite ont triplé avec la crise » résume bien la situation. Situation d’ailleurs décrite dans le rapport du COR et même dans le document d’orientation du gouvernement.
Que les besoins de financement triple avec la crise signifie que la crise représente 66% des besoins de financement et la démographie 33%.
Même si on acceptait le slogan du gouvernement, « le problème est démographique la solution doit être démographique », cette solution ne devrait pas excéder 33% du financement. Or les salariés à eux seuls supportent 84% ! Les salariés supportent donc à plein l’impact de la crise sur les retraites. Ce serait plutôt aux financiers et aux banques de supporter le poids de leurs erreurs.
En plus, il y a arnaque.
Revenons à la « démographie ».
L’espérance de vie a augmenté et notamment l’espérance de vie à partir de 60 ans, ce qui majore notablement la charge des régimes de retraite, c’est certain.
Mais les effets du « papy-boom » sont encore plus importants. Or, ce « papy boom » vient directement du « baby boom » des années 1946 à 1970. Il y aurait eu largement le temps d’ anticiper ses effets !
Justement, l’Arrco2, qui avant la crise ne présentait pas de déficit notable à l’horizon 2020/2030 avait en partie intégré depuis longtemps ses effets.
L’Arrco, du fait de la réforme, va donc devenir excédentaire… et déjà le patronat réclame une baisse de ses cotisations…
Le gouvernement Jospin, constatant que rien ou presque n’avait été fait pour ce papy boom a alors créé le Fonds de Réserves des Retraites (FRR) pour alléger une partie de la charge des régimes. C’était une bonne ou une mauvaise idée, mais elle a eu le mérite d’exister. Les gouvernements de droite qui ont suivi se sont empressés de mettre fin à la grande majorité du financement de ce FRR. Sans le remplacer par quoi que ce soit. Et maintenant, alors qu’il y avait de nombreuses années pour faire face à ce problème, le gouvernement présente la facture, en urgence !
Oui, l’espérance de vie à partir de 60 ans a progressé jusqu’à maintenant de 1,4 an par dix ans. Mais les « réformes » de 1993 et de 2003 (Fillon) parlent explicitement de cet allongement. Sans succès apparemment !
Ces gouvernements de droite sont décidément très mauvais.
Il reste l’augmentation de l’espérance de vie entre 2003 et 2010. Et sur cet aspect il serait effectivement légitime que les employeurs et, sous conditions, les salariés, financent ce coût supplémentaire.
Les salariés et les employeurs. Car au nom de quoi les salariés devraient ils toujours supporter -seuls- toutes les augmentations de coûts ?
En 1993, comme en 2003. Il n’y a pas eu de majoration de cotisations patronales. Pourquoi ?
Pour ne pas obérer la compétitivité des entreprises ?
Là aussi il y a arnaque.
Pour préparer cette « réforme, le gouvernement avait demandé au Directeur général de l’Insee, Jean-Philippe Cotis, un rapport sur le partage salaire/profit de la «valeur ajoutée » (VA) des entreprises françaises. Au grand dam du patronat qui y voyait la possibilité d’ouverture d’une boîte de Pandore.
Mais la communication du gouvernement, les médias, et aussi la mauvaise foi manifeste du rapport, ont fait qu’une seule idée a été retenue : « depuis 20 ans le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits n’a pas varié ».
Le tableau ad hoc (fig 2 page 10 du rapport, voir ci-dessous) du rapport le montre effectivement. Mais il montre aussi que avant ces 20 dernières années, la part des salaires dans la valeur ajoutée était largement plus élevée.
Beaucoup plus dans les années 80, mais aussi bien plus auparavant, et de façon relativement stable. Et le « point » de valeur ajoutée représente approximativement 16 Md€ !
Mais si la part des salaires a baissé, où est donc passée la différence ?
Est-elle passée en investissements qui auraient eu le mérite de conforter ou de créer des emplois et de la richesse réelle ? Non, un coup d’oeil sur le partage des profits, après impôts, suffit. Les investissements3 ont stagné, mais les profits distribués aux actionnaires ont, eux, largement augmenté.
Si l’espérance de vie à partir de 60 ans est passée entre 1981 et 2010 de 20 ans à plus de 24 ans, les dividendes sont passés de 3,2% à 8,4% du PIB ! ( sociétés non financières, source: insee)
Il y a donc de quoi, entre taxes sur les fauteurs de la crise financière et cotisations des entreprises, et voire -sous conditions- des salariés, financer largement les retraites.
Même si il faut tenir compte de la disparité des rentabilités des entreprises.
La « réforme » du gouvernement n’est ni juste ni équilibrée.
Les salariés supportent 84% d’un coût global du pour 66% à la crise et à 33% à la démographie.
Les entreprises en supportent 7% et les fauteurs de la crise : rien !
Les petits salariés sont les plus touchés, à la différence des cadres du secteur privé ayant fait quelques études supérieures qui ne le sont pratiquement pas. Alors ?
Au delà du fait que rien ne figure quant à « l’emploi », élément essentiel pour les retraites, et l’économie en général, il y a plus grave encore. Le gouvernement et le Medef vont maintenant essayer de faire baisser les salaires, comme cela a déjà commencé en Allemagne4. Cela creusera encore plus les déficits publics et nécessitera une nouvelle « réforme » des retraites.
Les retraites générales seront ainsi progressivement réduites au niveau anglo-saxon.
Un espace sera enfin ouvert pour des systèmes facultatifs privés en capitalisation, pour le plus grand profit des Assurances et Banques capitalistes, deux secteurs parmi les plus grands pourvoyeurs de fonds du Medef et soutiens actifs, et pour cause, de la réforme !
Source : Décryptages Note Flash 02/07/10