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  • Impôts: pourquoi faire payer les riches?

    Laurent Mauduit - mediapart
    Ancien chef du service économique de Libération puis directeur adjoint de la rédaction du journal Le Monde, auteur de nombreux essais, Laurent Mauduit est co-fondateur de Mediapart.fr dont il est un des chroniqueurs économiques.

    Impôts: pourquoi faire payer les riches?

    Plus justes que les impôts indirects, qui sont proportionnels, les prélèvements progressifs que sont l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune ne cessent de reculer. Et le budget de 2010 confirme cette inquiétante tendance. L'examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2010 a apporté une triste confirmation : la fiscalité progressive française est décidément dans un piteux état. Occupant une place de plus en plus réduite dans le paysage fiscal national, elle joue du même coup un rôle redistributif de plus en plus limité. Et le constat vaut tout autant pour l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) que pour l'impôt sur le revenu.

    Sous le coup de la crise, qui a fait reculer les actifs boursiers ou immobiliers, mais plus encore sous l'effet des mesures de Nicolas Sarkozy, l'ISF s'est d'abord effondré. Déjà, en 2008, il avait spectaculairement reculé de 5%, pour ne plus porter que sur 4,2 milliards d'euros, du fait de la mise en œuvre des promesses de campagne du chef de l'Etat (durcissement du bouclier fiscal...), qui avaient amputé les recettes de ce prélèvement de près de 700 millions d'euros. Pour 2009, la loi de finances initiale escomptait une nouvelle baisse, encore plus impressionnante de -14,2%, soit 3,6 milliards d'euros. Mais, en exécution, les grandes fortunes ont été encore mieux loties : l'impôt n'a rapporté que 3,5 milliards d'euros. Et pour 2010, c'est ce même montant de 3,5 milliards qui est inscrit dans le projet de loi de finances.

    Autant dire que 2010 sera une formidable année. Pour les grandes fortunes, évidemment, pas pour les caisses de l'Etat qui n'ont jamais été dans un état aussi délabrées.

    La situation de l'impôt sur le revenu n'est guère plus reluisante. Selon les projections inscrites dans ce projet de budget, cet impôt sur le revenu ne rapportera que 54 milliards d'euros en 2010, soit seulement 15% des 347 milliards d'euros de recettes fiscales (brutes) qui viendront alimenter le budget de l'Etat.

    Au fil des ans, et sous l'effet d'une cascade de mesures d'allégement prise par la droite mais aussi par la gauche, le poids de l'impôt sur le revenu est devenu ridiculement faible par rapport aux autres impôts. La France se distingue d'ailleurs en cela de la plupart des pays de l'OCDE, où le poids moyen de l'impôt sur le revenu est de 30% des recettes fiscales totales, soit deux fois plus que dans notre pays.

    En résumé, le poids des prélèvements indirects (proportionnels et donc relativement injustes) n'a cessé en France de progresser. Et dans le même temps, les deux grands prélèvements progressifs que sont l'ISF et l'impôt sur le revenu, ont été mis à mal.

    Cette évolution contrevient à la Déclaration des droits de l'homme, qui en son célèbre article 13, défend très explicitement ce principe de la progressivité de l'impôt : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Mais le chef de l'Etat s'en soucie-t-il ? On devine que c'est un autre adage qui inspire sa politique fiscale : « Pourquoi faire payer les riches ? Faisons payer les pauvres, ils sont beaucoup plus nombreux ».