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Qui nourrit les monstres ?

Après les tags racistes sur la mosquée de Gap, Briançon a découvert ce mercredi des tags antisémites sur un bâtiment de la ville. Ne doutons pas d’une unanimité républicaine pour dénoncer ces actes odieux commis vraisemblablement par des militants d’extrême droite. Comment comprendre cette recrudescence d’actes racistes partout en France et singulièrement dans notre département Alpin ?

Le “plus jamais ça” de l’après guerre semble un vœu fort lointain. Depuis près d’une décennie s’impose lentement une banalisation des discours de haine dans l’espace public. Les élus du RN (ex-FN) ont antenne ouverte sur la plupart des médias et apparaissent  même aujourd’hui comme consensuels à côté d’une horde abjecte dont Eric Zemmour est l’archétype. La réécriture de l’histoire devient un jeu quotidien. Pour ces néo-fascistes, la Révolution, la Commune (et demain la Résistance?) deviennent des “heures sombres” de notre Histoire collective. Les musulmans deviennent un nouvel “ennemi de l’intérieur”. Et les réfugiés font du “tourisme” aux allocations. Les dérapages sont à peine condamnés et jamais vraiment punis. On s’habitue lentement à ce que les médias laissent le micro à des propos pas même dignes du café du commerce.

Ce lent glissement semble légitimé par une criminalisation des mouvements sociaux et des acteurs de la solidarité. Les condamnations tous azimuts des gilets jaunes, les violences policières dans les quartiers populaires et contre les manifestants, les bavures couvertes par l’Etat, tous ces faits sont des signaux donnés pour d’une part renforcer une idéologie ouvertement anti-démocratique et d’autre part éteindre tout espoir d’une issue progressiste. Les procès de maraudeurs (qui font de la solidarité un délit) disent aussi en creux : “l'absence de solidarité est une position légitime”. La très faible mobilisation des élu-e-s locaux auprès des “accueillants” et cette posture inique de certains médias et responsables politiques qui renvoient dos à dos “pros” et “antis” migrants participent à une évolution éthique catastrophique où la position médiane serait une voie macronienne autoritaire et antisociale.

Dans ce moment tragique, où l’on voit resurgir les monstres du passé, les mobilisations en cours semblent le seul antidote valable pour trouver un issue de résistance et d’espérance. Ne nous y trompons pas : le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie sont autant de manière de nous diviser et de nous éloigner des enjeux du moment. Ils sont un allié objectif d’un pouvoir à bout de souffle et qui souhaite utiliser cette (énorme) ficelle pour dire à nouveau en 2022 : “je suis le seul barrage face à l’extrême droite.” (Il aura entre temps utilisé ses méthodes et pioché dans son programme.) Pour continuer à prospérer, le capital a besoin d’un gouvernement servile mais aussi de nos divisions. Le combat contre la réforme des retraites peut devenir dès le 5 décembre le catalyseur d’un convergence des luttes. Pompiers, enseignants, personnels soignants, cheminots, étudiants, fonctionnaires : partout la colère est grande et cherche à s’exprimer. Pour résoudre les crises sociales et climatiques, il faudra ré-inventer le monde et contester radicalement le pouvoir de l’argent sur nos vies et nos imaginaires. Un grève, si elle est populaire et longue, est toujours un bon moment pour nous retrouver et transformer nos colères en projets, une sorte de rond-point permanent. Alors la peur de l’étranger fera place à l’espoir d’un monde de partage.

 

Laurent Eyraud-Chaume

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