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Après le verdict scandaleux du 13 décembre 2018 à l'encontre des 3+4 de Briançon, Tous Migrants et la CIMADE Sud-Est s'alarment du déni de justice inacceptable et des nouvelles condamnations infligées à 3 autres montagnard.e.s solidaires
Le 10 janvier 2019, Marie, Pierre et Kevin étaient jugés au tribunal de Gap. Ils ont été jugés coupables et sanctionnés pour avoir été solidaires avec des personne exilées. Qui par sa voiture, son thermos ou sa couverture de survie. Mais ne nous trompons pas, c’est à nouveau la solidarité et le devoir de fraternité qui ont été condamnés et pénalisés (rappel du verdict : 3 et 4 mois de prison avec sursis pour Pierre et Kevin et peine d’amende pour Marie). Comme bien d’autres personnes solidaires auparavant, Marie, Pierre et Kevin n’auraient pas dû être à la barre d’un tribunal français puisqu’ils ou elle n’ont fait qu’aider une personne exilée en danger ou distribuer un thé chaud. Au cœur de ce procès auraient dû se trouver non pas des personnes solidaires mais les vraies raisons politiques de cette situation catastrophique dans nos montagnes alpines qui deviennent des zones de non-droit, de violences et de souffrances mortelles. Ces violations des droits des personnes exilées à la frontière franco-italienne sont connues et déjà maintes fois dénoncées par nos organisations (cf Communiqué de Presse inter-associatif en date du 16 octobre 2018). Le parquet le sait : mettant en danger de mort des personnes, la Police aux frontières traque et poursuit des exilé·e·s dans la montagne. Des signalements ont été envoyés au procureur pour illustrer ces intimidations, ces violences répétées dans les montagnes. Une plainte et des témoignages accablants ont été recueillis et envoyés - en date des 25 et 26 septembre puis du 22 octobre 2018 - au procureur qui ne peut ignorer la situation dans les Alpes.
Une justice qui obéit à quels principes ? Des gestes de solidarité, d’hommes et de femmes qui apportent soutien, assistance à leur prochain ne devraient pas être poursuivis par les procureurs. Et pour faire écho à la question posée par l’un des avocats devant le tribunal de Gap : pourquoi le procureur a-t-il choisi de continuer ses poursuites à charge contre les solidaires alors qu’il a le choix de les abandonner ? Les raisons sont là encore éminemment politiques : tout d’abord viser à faire passer pour des délinquant·e·s les personnes solidaires qui défendent les droits humains ; ensuite dissuader d’intervenir celles et ceux qui un jour croiseront sur le bord de la route ou au détour d’un chemin des personnes exilées épuisées, en hypothermie près de la frontière. Enfin, chercher à casser le mouvement citoyen de celles et ceux qui remettent en cause les frontières telles qu’elles sont vécues actuellement. Pour ces trois raisons, des défenseurs des droits humains sont condamnés à des peines de prison. Quand la magistrature à Gap s’aligne sur le ministère public, nous nous inquiétons de l’indépendance de la justice, de son impartialité. Le tribunal de Gap semble incapable de prononcer des relaxes face à cette « impérieuse » nécessité de condamner pour faire trembler la solidarité. Preuve en est : le tribunal a passé outre les droits de la défense lors de ce procès. En effet, l ‘un des avocats n’avait pas eu accès au dossier pénal de son client avant l’ouverture du procès ; et un second l’avait reçu très tardivement. Le report a été demandé et chaque fois refusé… Alors même qu’aucune urgence vitale ne justifiait la tenue de ces procès comme l’a rappelé l’un des avocats. Tout aussi grave, des preuves qui auraient disculpé Pierre d’une version policière des faits totalement fallacieuse et mensongère ont été refusées. Ces faits révèlent une justice à charge, une justice qui ne respecte pas ses propres règles, une justice qui frappe les défenseurs des droits au lieu de frapper les responsables politiques et policiers qui non seulement ne respectent pas l’obligation de porter assistance à personne en danger mais contribuent à créer ces mises en danger mortel.
Il n’y a pas de bons ou de mauvais défenseurs des droits humains « Puis je vous demander si vous êtes engagé.e dans une association de soutien aux migrants ? », a demandé la magistrate à chacun des trois solidaires. Poser cette question n’est pas anodin. A celle qui répondait par la négative, une amende, à ceux qui étaient perçus comme « militants », des peines de prison. La question récurrente de la magistrate laisse entendre que le principe de fraternité pourrait accepter plusieurs définitions. Or il n’y en a qu’une : celle qui affirme que le respect des droits fondamentaux de toute personne est une nécessité, quelle que soit sa situation administrative ou autres. Cette question crée la confusion entre la définition d’un principe et les diverses manières et possibilités de le mettre en œuvre dans la pratique. Enfin, elle gomme le fait que les citoyens sont confrontés à un Etat qui ne respecte pas les droits fondamentaux des personnes exilées comme le rappellent inlassablement le Défenseur des Droits, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et plus largement les défenseurs des droits humains.
La dérive de l’Etat de droit Dans ce contexte, on peut s’interroger sur qui sont les « militants », et pour qui « militantisme » signifie l’instrumentalisation d’une situation pour la poursuite d’une finalité prédéfinie :
S’agit-il des personnes qui viennent en aide à d’autres personnes en détresse, dans le respect du principe de fraternité, que ce soit à titre individuel ou dans un cadre associatif ?
Ou bien celles qui cautionnent délibérément les multiples entraves au droit et les violences policières à l’encontre des personnes exilées ? Celles qui s’acharnent à poursuivre ces personnes solidaires et à les condamner ? Celles qui prennent a priori pour vraies les versions policières et qui accusent a priori les solidaires de fabriquer des faux, tout en refusant d’examiner les documents apportés à l’appui de leurs dires ? Celles qui définissent et soutiennent des politiques migratoires qui ont pour conséquence la mort de milliers de personnes qui cherchent un coin de terre où vivre en paix ?
Qu’on y prenne garde : la multiplication des poursuites et des condamnations pénales à l’encontre des personnes solidaires fait apparaître plusieurs marqueurs des sociétés inégalitaires et des régimes autoritaires :
la réduction de la fraternité à un acte charitable individuel et isolé (le privilège des riches)
le discrédit de l'engagement collectif consistant à mettre en pratiques des valeurs humanistes et à combattre les injustices
le traitement des opposants politiques comme des délinquants.
Nous réaffirmons que les maraudes soulagent des souffrances et permettent de sauver des vies dans les montagnes. Qu’il s’agit d’une solidarité active qui va bien au-delà du geste charitable isolé auquel les dirigeants actuels voudraient le réduire. A Briançon, comme à Paris, Calais ou dans tant de grandes villes, les maraudes sont les conséquences de ces politiques migratoires qui érigent en principe de ne pas accueillir et de mal accueillir celles et ceux qui ne nous ressemblent pas.
C’est pourquoi, Tous Migrants et La Cimade Sud-Est :
affirment que les maraudes continueront tant que ces politiques illégales et dangereuses persisteront : tous les procureurs de France ne suffiront pas à endiguer les personnes solidaires qui, chaque jour plus nombreuses devant ces exigences de solidarité qu’elles découvrent, agissent pour défendre les droits des exilé·e·s.
appellent à une maraude géante solidaire le 15 mars prochain à Montgenèvre : « Tous solidaires ! tous maraudeurs ! » (Informations à suivre)