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La grève dure depuis deux mois au sein de l'hôpital psychiatrique Philippe-Pinel d'Amiens (Somme). Soignants, médecins et familles de patients s'insurgent de la fermeture d'un service et des conditions d'accueil des malades.

 

Deux mois de lutte. Les soignants de l'hôpital psychiatrique Philippe-Pinel de Dury, près d'Amiens (Somme), ont entamé un mouvement de grève le 15 juin dernier. Regroupés dans le collectif Pinel en lutte, soignants, médecins et familles de patients s'opposent à la fermeture d'un des services de l'établissement et campent devant les lieux.

Un combat qui fait écho à celui des soignants du centre hospitalier (CH) du Rouvray, près de Rouen, qui ont mené une grève de la faim pendant 18 jours avant d'obtenir des postes supplémentaires et à celui mené à l'hôpital psychiatrique Pierre-Janet du Havre. Les personnels en grève ont occupé pendant 16 jours le toit de l'hôpital psychiatrique pour réclamer des moyens supplémentaires.

Qu'en est-il à Amiens ? Entretien avec Florent Budin, infirmier et secrétaire adjoint CGT à l'hôpital psychiatrique Philippe-Pinel. 

Comment a démarré la grève ?

Le mouvement a démarré le 15 juin, après l’annonce de la fermeture d’un pavillon d’hospitalisation complète. C’est le quatrième service qui ferme en quatre ans, avec pour objectif de réduire le nombre de personnel.

La conséquence, c’est qu’on répartit les patients sur les autres pavillons et qu’on arrive à une suroccupation des locaux. La norme veut que l’on ait 20 patients par pavillon, avec deux soignants minimum. Depuis les fermetures on se retrouve avec 26 patients pour deux soignants. Les malades sont deux dans les chambres individuelles, quatre dans les chambres doubles.

Nous ne sommes plus en mesure d’accueillir les patients correctement, les situations d’agressivité et de violence se multiplient. On se retrouve à faire du gardiennage plutôt que du soin, on enferme les malades au lieu de les soigner, ce qui est contraire à notre mission. La charge de travail n’est plus acceptable : on n’a plus le temps de parler aux patients.

 

La fermeture d’un quatrième service nous a vraiment fait basculer : on ne peut pas laisser passer ça.

Que réclamez-vous ?

Avant toute chose, ce que l’on veut c’est de pouvoir prendre en charge correctement les patients.

Nous demandons à l’ARS (Agence régionale de santé) d’organiser une table ronde, ce qu’elle refuse pour l’instant. La direction de l’hôpital et l’ARS ne cessent de se renvoyer la balle, alors nous voulons avoir tout le monde autour de la table.

Tous les ans, l’ARS baisse la dotation de l’hôpital et l’oblige à faire des économies. Mais aujourd’hui ce n’est plus possible de réduire encore les budgets, ces restrictions nous mettent en situation d’insécurité dans notre travail.

La conséquence est nette : les médecins s’en vont, les soignants sont épuisés. Une dizaine de psychiatres devraient quitter l'hôpital à la fin de l’année, ça représente un tiers d’entre eux ! Cinq médecins sont déjà partis l’année dernière. Plus rien n’est attractif dans cet hôpital, on se retrouve en situation de pénurie médicale. Du côté des soignants aussi il y a du turn over et c’est mauvais pour les patients.

Dans un deuxième temps, nous exigeons la réouverture de deux services, la création de 60 postes de soignants, la titularisation des contractuels et l’effacement de la dette de l’hôpital auprès de l’ARS.

 

Les grévistes réclament la réouverture de deux services pour sortir de la situation de sur-occupation que subit actuellement l'hôpital psychiatrique d'Amiens. | Facebook Pinel en lutte

 

C’est assez rare de voir une lutte aussi longue au sein d’un hôpital, comment l’expliquez-vous ?

Lors des autres fermetures de service, nous avions mené des mouvements de grève, mais jamais de cette ampleur. En tant que soignants, nous avons une obligation de continuité de soins, les grèves ne sont pas très visibles. Je travaille ici depuis 13 ans et c’est la première fois que je vois ça.

Les trois-quarts des personnels de l’hôpital participent au mouvement, que ce soit en faisant grève, en venant sur leur temps de repos, en soutenant ceux qui tiennent le campement.

Ce qui change aussi c’est que cette lutte est unie : les médecins et les familles de patients sont avec nous dans la bataille.

Quand on a démarré la grève, il y avait des mouvements dans les hôpitaux de Saint-Etienne du Rouvray et le Havre, ça nous a donné la niaque. Voir d’autres luttes nous a sorti de la résignation habituelle : on ne lâchera rien avant d’obtenir cette table ronde.

Quelle est votre stratégie ?

On a tout de suite cherché à s’adresser à l’ARS, on voulait un rendez-vous pour discuter de la façon dont on prend en charge les patients. Devant l’absence de réponse, on a décidé de monter d’un cran : on a occupé les locaux de l’ARS le 12 juillet, on y est restés jusqu’à ce que les gendarmes nous évacuent le 14 juillet.

Après cela, on a démarré le campement devant l’hôpital pour que le mouvement ne retombe pas. On a fait des sit-ins aussi et on prépare d’autres actions symboliques, on ira jusqu’au bout.

Vous envisagez d’aller aussi loin que les soignants du Havre et de Rouen, qui ont occupé le toit de leur établissement ou fait la grève de la faim ?

On sera obligés d’aller plus loin si nous ne sommes pas entendus, quoi qu’il en coûte. Chaque année les conditions de travail sont de pire en pire, on ne peut pas laisser passer ça.

Mais c’est vrai que c’est compliqué dans les hôpitaux d’emmener les gens vers la grève. Les soignants ne sont pas forcément taillés pour la lutte.

Ce qui se passait au Rouvray a donné envie aux salariés d’ici de se battre, malgré la peur et la résignation.

Leurs actions ont aussi montré à l’opinion publique que les soignants doivent se mettre en danger pour être entendus et pouvoir traiter correctement les patients.

Mais la convergence entre les hôpitaux en France s’organise peu à peu, le mouvement devrait être plus global en septembre. 

 

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