A l’occasion de l’émission du 19 décembre 2015 de « On n’est pas couché » diffusée sur France 2, Stéphane Le Foll, le Ministre de l’agriculture, invité de la séquence politique, a tenu des propos mettant en cause directement les milliers d’élus que nous représentons. Le Président des Maires ruraux, Vanik Berberian lui a écrit sur la base du verbatim visible sur la vidéo de l’émission.
Voici son courrier :
Monsieur le Ministre,
Vous étiez récemment l’invité de l’émission de divertissement « On n’est pas couché », très écoutée des Français, le 19 décembre dernier sur France 2. A cette occasion, répondant à une question sur le résultat des élections régionales et le score du Front national en zones rurales, vous avez dit la chose suivante : « que l’on offre certes des perspectives, certes que l’on parle des services publics ; mais que les maires des communes rurales prennent bien conscience que ce n’est pas seulement en disant il manque ci, il manque ça qu’on règlera ce problème, c’est beaucoup plus complexe ».
Sans être particulièrement paranoïaques, nous nous sommes permis de nous sentir visés et en tout cas les seuls acteurs cités pour expliquer ce phénomène. C’est à coup sûr un grand honneur et une attention qui nous va droit au coeur. Aussi, je tenais à vous faire part de ma très grande gratitude.
Nous avons depuis pris le temps d’analyser la situation à la lumière de votre déclaration. Nous avons regardé les choses de plus près. Nous sommes en mesure de vous dire que nous nous étions trompés.
Tout va bien. Il n’y a pas de problème de médecins en milieu rural, le Très haut débit est une réalité généralisée, la téléphonie mobile fonctionne partout. Nous sommes en plein développement économique. Nos habitants n’ont aucun problème de mobilité ni même pour scolariser leurs enfants.
Je salue également la lucidité du gouvernement d’avoir suspendu ce funeste projet de réforme visant à traiter de manière égale les ruraux et les urbains en termes de dotations et d’avoir réduit les crédits de développement rural dans le projet de budget 2016. Tout comme nous saluons chaque fois que cela est possible la fermeture d’une école rurale ou la réduction de l’amplitude d’ouverture de tel ou tel bureau de poste.
Nous vous remercions chaudement de nous avoir ouvert les yeux sur la complexité des enjeux.
Cette invitation à cesser de demander l’impossible nous amène également à suggérer une autre analyse du développement des votes frontistes. Sans doute faut-il y voir un encouragement exprimé auprès du gouvernement de continuer cette politique qui donne tant de bons résultats.
Monsieur le Ministre, je profite du cadre dans lequel vous avez prononcé ces propos, une émission de divertissement pour prendre une expression volontairement en phase avec cet exercice. Je préfèrerais que vos interpellations à notre endroit soient en lien direct avec ce qui se vit dans notre pays. Je profite également pour vous inviter à lire le vote frontiste autrement que comme la césure entre le rural et l’urbain. Les chiffres sont têtus : 15 % du vote FN du premier tour est concentré dans 0,5 % des communes, à savoir les 200 plus grandes communes de France.
Je vous invite également à prendre le temps de lire notre ire comme une accumulation de propositions concrètes qui sont hélas trop souvent laissées lettre morte ou juste initiées sans jamais être déployées comme il le faudrait et dans le tempo nécessaire.
Je cite un seul exemple tiré de l’exercice récurrent de tous les gouvernements, le Plan Ruralité. Une mesure annoncée en février 2015 fait état de la création en novembre 2015 par l’Agence France Numérique d’un guichet unique à destination des maires les invitant à signaler leur commune où la réalité de la couverture en téléphonie mobile est très insatisfaisante.
Nous sommes fin 2015 et le Commissariat général à l’égalité des territoires a informé l’AMRF que cette ligne ne serait ouverte au mieux qu’en… Février 2016. Un an pour ouvrir une ligne téléphonique !
Sachant que déclarer la difficulté n’a jamais réglé le problème. La collectivité devra ensuite patienter avant de trouver et mettre en oeuvre une solution opérationnelle. Vous le voyez à travers cet exemple, le compte n’y est pas et sans doute faut-il ajouter à votre hypothèse que la vitesse de mise en oeuvre de vos propres propositions n’est pas en phase avec la réalité. Je note au passage que la formulation de la demande par les élus est aussi le fruit d’un appel de l’Etat à le faire, pas seulement d’une funeste envie de voir le Front National bousculer le champ politique local et national.
http://www.amrf.fr/LinkClick.aspx?fileticket=MTlzYl5gzTU%3d&tabid=1273&mid=3047
Nous savons que vous connaissez dans le détail le monde rural. Nous sommes certains que vos collègues pourraient croire à ce que vous avez prononcé lors de cette émission. Aussi, je vous invite à nous accompagner dans une démarche positive, constructive qui tourne le dos aux errances de l’action publique d’Etat et aux peurs de nos concitoyens. Les maires le font au mieux au quotidien, assurément avec beaucoup d’imperfections.
Mais les stigmatiser comme vous l’avez fait ne règle en rien l’absence de politique d’aménagement du territoire que nous exigeons. Pas simplement pour dénoncer des manques mais pour en être des ardents acteurs pour peu que l’Etat nous en laisse encore la possibilité.
Tels sont quelques sentiments issus à l’écoute de vos propos. Recevez, Monsieur le Ministre, l’assurance de nos exigeantes et républicaines salutations et de ma très haute considération.