jeudi 28 avril 2011
Politis publie un appel qui dénonce le « concours de beauté » de la présidentielle qui dépolitise la société et demande un débat sur le contenu des politiques.
Une chose est sûre, lorsque Nicolas Sarkozy achèvera dans un an son mandat, il laissera la France dans un état de délabrement comme jamais. Le Président du pouvoir d’achat aura été celui de son amputation, le Président de la France qui travaille aura été celui des riches, le Président du Grenelle de l’environnement aura été celui du renoncement, le Président de la « moralisation du capitalisme » aura été celui de la bride sur le cou aux banques et autres spéculateurs. Pendant ce temps, la désespérance gagne les classes populaires et comment pourrait-il en être autrement puisque leur condition est le plus souvent faite de chômage de longue durée, de relégation sociale liée à la perte d’emploi, de réclusion en HLM dégradées, de diminution des revenus, d’échec scolaire des enfants, etc.
Cette situation catastrophique fait le lit du vote en faveur du Front national, encore en progression lors des dernières élections cantonales. Non pas que ce parti apporte des solutions aux problèmes rencontrés par les classes populaires, mais le vote FN sert d’exutoire à la rancœur d’un nombre croissant d’électeurs pendant qu’une autre partie, encore plus nombreuse, refuse même d’aller voter. Comme si cela ne suffisait pas, à l’imposture de ses promesses, le président de la République a ajouté le côté abject consistant à reprendre à son compte les thématiques du FN pour désigner des boucs émissaires : l’étranger, le musulman, le Rom… Ainsi, ceux dont le quotidien est fait de déclassement en tous genres sont tentés de conjurer leur sort en trouvant un bouc émissaire : les immigrés de la dernière génération. Le désespoir de subir une condition de plus en plus dégradée avive la guerre des pauvres contre plus pauvres qu’eux encore.
Tant que ne seront pas traitées et éradiquées les causes sociales du vote extrémiste de droite et de l’abstention massive, cette situation perdurera et même s’aggravera. Il devient donc urgent d’instaurer une politique radicalement nouvelle qui redonne espoir aux milieux populaires. Une politique de plein emploi, d’emplois utiles socialement et écologiquement, de salaires décents, de contrats de travail véritables et protecteurs. Une politique qui favorise l’égalité entre les femmes et les hommes. Une politique qui retisse des liens forts grâce à des services publics rénovés et redynamisés, qui étende la protection sociale et offre aux jeunes une allocation d’autonomie. Une politique qui désenclave les quartiers avec notamment des transports publics gratuits, un vaste plan public de réhabilitation des logements et l’arrêt des hausses de loyers.
Il y a tant à faire, alors que tout fut laissé à l’abandon depuis longtemps. Mais rien ne se fera sans une solidarité nationale minimale qui consistera à redéplacer vers les salaires, les services publics et la protection sociale la part de la richesse produite par tous, qui fut auparavant détournée vers les profits et le privé. Rien ne se fera si, face à l’insécurité économique et sociale d’où découlent toutes les peurs et toutes les insécurités, nous n’optons pas pour la Sécurité sociale et la sécurité économique.
Conscients de la gravité de la situation et de l’urgence à y répondre, nous appelons tous les citoyens, toutes les forces de transformation sociale, écologique et politique, qu’elles se revendiquent socialiste, du Front de gauche, écologiste, alternative, révolutionnaire, à mettre en œuvre un processus qui coupe l’herbe sous le pied au Front national et qui fasse que le second tour de l’élection présidentielle n’exclut pas un représentant des aspirations populaires. Il ne doit jamais plus y avoir un nouveau 21 avril à gauche. Mais pour cela, le problème est moins la désignation d’un candidat que l’élaboration avant tout d’un vrai programme répondant aux besoins sociaux et écologiques, préparé et débattu par les citoyens. Il faut refuser le « concours de beauté » pour le choix du candidat qui dépolitise la société française et discuter des politiques à mener. Il faut que le « peuple de gauche » puisse débattre et décider de ces politiques avec pour objectif d’établir les priorités à satisfaire pour les mois et années à venir. En somme, la société française a beaucoup plus besoin de primaires sur le programme que de primaires sur le candidat, surtout si celui-ci était nominé par les sondages. Nous appelons à tenir dans tous les quartiers populaires, dans toutes les villes et villages, des réunions, des rassemblements, des manifestations politico-culturelles car, face à la crise de civilisation qui plombe le présent et l’avenir, c’est de culture et de civilisation qu’il s’agit de discuter et de préparer. Nous appelons ainsi à une insurrection civique, pacifique et démocratique, c’est-à-dire réellement politique parce qu’elle ferait progresser l’implication directe des citoyens. L’urgence est telle aujourd’hui que les citoyens doivent pouvoir dire haut et fort que, loin de rejeter l’autre, les autres, ils veulent « vivre ensemble ».
Gerard Filoche (inspecteur du travail), Susan George (écrivain), Jean-Marie Harribey (économiste), Pierre Khalfa (syndicaliste), Safia Lebdi (présidente des Insoumises), Gus Massiah (fondateur du Cedetim), Christiane Marty (féministe), Caroline Mecary (avocate), Willy Pelletier (sociologue)