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L'assemblée fantôme de la République



Publié par : LEMONDE
Le :  25.10.10

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Depuis le 1er octobre, les (rares) visiteurs du site officiel de la
troisième assemblée de la République découvrent un étrange avis : "Le
mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental
(CESE) a expiré le 30 septembre 2010. L'assemblée sera renouvelée au
cours des prochaines semaines." L'agenda de Jacques Dermagne, 72 ans,
qui préside le CESE depuis 1999, est vide. Le président ne préside plus.
Les 170 membres, sur 233, qui ont été choisis par la société civile
(syndicats, patronat, représentants de l'écologie, etc.), dans le cadre
de la réforme instituée par la révision constitutionnelle de 2008, ne
siègent pas. Le Conseil est devenu une assemblée fantôme.


Pour qu'il puisse fonctionner de nouveau, le CESE attend le bon plaisir
de l'Elysée. Soixante-trois membres - 40 personnalités qualifiées (PQ),
sept représentants d'associations, quatre jeunes, onze citoyens
d'outre-mer et un responsable de l'économie solidaire - doivent être
nommés en conseil des ministres. Nicolas Sarkozy a la haute main sur les
40 PQ. Mais en plein conflit des retraites, le président a d'autres soucis.

En août 2009, une loi organique avait déjà prorogé d'un an le mandat des
conseillers, indiquant que "cette prorogation ne pourra excéder la date
du 30 septembre 2010". La date butoir est dépassée mais, depuis, rien,
silence radio. "On pourrait faire jouer l'article 16 de la Constitution,
plaisante un conseiller sortant, qui confère au chef de l'Etat des
pouvoirs exceptionnels si le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics constitutionnels est interrompu."

L'OMBRE DU REMANIEMENT

La situation est inédite, pour ne pas dire abracadabrantesque. Si
d'aventure les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat voulaient
faire usage de leurs nouveaux droits de saisine du CESE, ils
trouveraient porte close. Il en serait de même si au moins 500 000
personnes déposaient une pétition sur une question économique et
sociale, comme les retraites. L'effet est le même que si l'assemblée
avait été dissoute, confirmant au passage le peu de cas que M. Sarkozy
fait des corps intermédiaires et des contre-pouvoirs. Si les 63
conseillers manquants ne sont pas nommés, rétroactivement au 1er
octobre, au conseil des ministres du 27 octobre - ce que l'on n'ose
imaginer -, les 170 autres ne toucheront pas leur indemnité (3 767,91
euros, brut).

L'ombre du remaniement plane sur l'assemblée fantôme, le CESE étant
souvent perçu comme une maison de retraite politique dorée pour
ministres déchus. Lâché par le patronat, d'où il vient, et les
syndicats, M. Dermagne n'a guère de chances de se succéder à lui-même.
Dans les coulisses du palais en hibernation, la bataille de la
présidence se joue entre Jean-Paul Delevoye, le médiateur de la
République qui rêvait de devenir, en 2011, le Défenseur des droits, et
Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. M. Delevoye,
maire UMP de Bapaume (Pas-de-Calais), fait figure de favori. A suivre.

Michel Noblecourt

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