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  • Sortir du libéralisme pour s’en sortir

    logo.pngLe coronavirus est la plus grave pandémie depuis un siècle. Aucune n’a été mondialisée à une telle vitesse. Devant le danger, il convient d’abord de protéger les populations. Mais cette crise, par le confinement prolongé et la proximité de la maladie, oblige également à changer notre rapport au monde, à la nature, au temps, aux informations, aux relations humaines. Les institutions internationales (UE, ONU, OMC…) confirment qu’elles ne sont pas fonctionnelles pour la solidarité humaine à l’échelle internationale. Il convient de contester la politique des gouvernements et de rejeter les idéologies de repli nationaliste.
    Les politiques néolibérales (plans d’ajustement structurels, dogme de la réduction de la dette des Etats) ont provoqué la destruction de services publics indispensables dans de nombreux pays, et ont empêché le développement de services de santé ou d’éducation suffisants. Ces politiques préparent le développement du « tous contre tous » où l’on voit des Etats tels la Hongrie ou les Etats-Unis pratiquer le « nous d’abord » (rapt de produits sanitaires, interdiction de la coopération..). Il est également indispensable de réfléchir au type de société que nous voulons pour éviter la répétition, probablement en plus grave, de crises de ce type.
    Agir pour protéger les populations
    Il y a eu partout dans le monde, même si c’est inégalement selon les pays, du retard à réagir face à l’épidémie. Le Gouvernement français, comme tant d’autres, a montré son impréparation et son retard à réagir face à la crise, préférant poursuivre le plus longtemps possible sa politique néo-libérale plutôt que de prendre les mesures nécessaires. Aujourd’hui, on en est arrivés à un point où le confinement est inévitable, combiné avec l’effort hospitalier. Sur le débat médical, il faut encourager la plus grande transparence, en misant sur l’intelligence collective. Cela permettra de lutter contre le complotisme, souvent antisémite, qui se propage.
    Ce confinement ne doit pas être soumis aux impératifs des profits capitalistes. Il n’est pas admissible d’envoyer des ouvriers travailler dans le bâtiment, la sidérurgie ou sur les chantiers navals au risque de faire circuler le virus au nom de l'urgence économique. L'urgence sanitaire doit guider la production. Seuls les secteurs indispensables aux besoins élémentaires de la population doivent travailler. Cette nécessité est contradictoire avec les déclarations de Ministres enjoignant aux salariés de reprendre le travail. Il convient d’interdire aux entreprises de produire ce qui n’est pas essentiel dans la situation. Dans plusieurs pays, comme en Italie, l’exercice du droit de retrait des salariés a imposé la mise à l’arrêt de certaines entreprises. Les activités non essentielles doivent s’arrêter.
    Tous/tes les salarié.e.s des secteurs vitaux (hôpitaux, grande distribution, postes, police…) doivent être protégé.e.s (masques, gants, gel), ce qui n’est pas le cas actuellement. La loi du profit et l’imprévoyance des Gouvernements successifs ont commandé ces dernières années de ne pas renouveler les stocks de produits, alors qu’ils relèvent de la protection civile. Ils font défaut aujourd’hui. Une fois la crise terminée, le gouvernement devra rendre des comptes à propos de ces graves manquements. Les chefs d’entreprises ont délocalisé pour réduire leurs coûts de production : ce dumping social a amené les manques d’aujourd’hui. La recherche de la rentabilité a imposé de dégrader le service public hospitalier, amenant la diminution constante du nombre de lits et de personnels, dont on voit aujourd’hui les conséquences catastrophiques.
    Des mesures vitales pour faire face à la pandémie
    Devant l’incurie du gouvernement et de l’État, les syndicats, les associations, les habitant.es se mobilisent pour développer la solidarité dans un secteur professionnel, une ville, un quartier… Des réseaux se créent (Covid entraide par exemple) et de nombreuses municipalités actionnent un plan de continuité du service public et soutiennent les associations.
    Nous soutenons l’appel « Pour que le jour d’après soit en rupture avec le désordre néolibéral », lancé par 18 responsables de syndicats et d’associations, qui comprend de nombreuses propositions à mettre en oeuvre d’urgence.
    Des syndicats, des associations et plusieurs organisations politiques de gauche ont également rendu publiques leurs propositions pour faire face à la pandémie. En voici quelques-unes que nous appelons à mettre en oeuvre :
    - Investissement massif dans la lutte sanitaire contre le virus : donner les moyens aux soignant.es et les protéger, garantir le recrutement de personnels soignants statutaires
    - Réquisition et nationalisations des entreprises indispensables pour la lutte contre le COVID 19 (comme LuxFer qui produit des bouteilles d’oxygène médicales)
    - Arrêter les productions et services non essentiels à la lutte contre la pandémie et à l’alimentation de la population ; protéger les salarié.es des services essentiels (masques, réduction du temps de travail...)
    - Respect du droit de retrait des salarié.es
    - Maintien du salaire à 100% jusqu’à 3 fois le Smic, y compris pour les précaires et les indépendant.es.
    - Abrogation de la loi de 2019 sur l’assurance chômage
    - Dépistage massif du Covid19 (tests et sérologie)
    - Régularisation des sans-papiers comme au Portugal
    - Libération de toutes les personnes retenues en centre de rétention
    - Réquisition des logements vides pour y loger les sans-abris
    - Ouverture d’urgence d’appartements pour les femmes victimes de violences…
    - Aide financière et matérielle aux pays ayant peu de services de santé
    - La sortie du confinement doit faire l’objet d’un débat démocratique et doit être préparée avec les organisations syndicales, associatives, les organisations politiques et la population.
    La solidarité et l’entraide protègent la société
    Les luttes sociales de ces dernières années, les réseaux syndicaux et associatifs, les multiples collectifs locaux, de quartiers, y compris les assemblées issues des Gilets Jaunes, se trouvent prolongées dans des élans de solidarité comme on n’en a pas connu depuis longtemps. Dans les campagnes et les quartiers le tissu associatif et citoyen se mobilise massivement pour compenser les manques de l’Etat (distribution de nourriture, aide aux plus démunis et aux migrants, aux personnes âgées, aide aux enfants scolarisés, lutte contre les violences intrafamiliales). L’aide aux sans-papiers et aux réfugié.es est une question vitale pour ces populations privées de nombreux droits.
    Dans les entreprises, les inspecteurs du travail et les syndicats se mobilisent pour faire respecter la protection sociale. Le soutien massif au personnel soignant exprimé tous les soirs à 20 heures sur les balcons est un point d’appui important comme les multiples initiatives de solidarité citoyennes.
    Cette solidarité doit aussi se développer à l’échelle européenne et internationale, contre la logique du chacun pour soi. Les politiques libérales et égoïstes des institutions européennes ont montré leur inhumanité. Il est vital de construire de nouvelles coopérations et solidarités pour faire face ensemble aux défis gigantesques qui nous sont posés.
    Les responsabilités du pouvoir Macron – Philippe
    Au sein du personnel hospitalier, en 1ère ligne face au COVID 19, la colère ne cesse de monter face aux difficultés, au manque de moyens, de personnels. Les acteurs au 1er plan s’engagent et accusent (appel des 600 médecins), plusieurs plaintes sont déposées qui posent la responsabilité des pouvoirs en place.
    Le gouvernement Edouard Philippe et Emmanuel Macron portent une responsabilité importante dans l’impréparation du pays à faire face à la crise que les appels à l’union nationale et aux métaphores guerrières ne peuvent masquer. Ils ont poursuivi les politique d’austérité dans la santé et continué les réductions massives de postes. Si la décision de ne plus stocker de masques a été prise en 2012 sous Hollande, pour des raisons d’économie, le gouvernement Philippe a ignoré les alertes (rapport à la DGS de mai 2019…).
    Le retournement du gouvernement sur le port du masque généralisé pour la population, qu’il déconseillait pour masquer la pénurie, est révélateur d’une politique méprisante envers les citoyens et dangereuse pour la santé publique.
    Muriel Pénicaud pousse les entreprises à faire la chasse à celles et ceux qui ne veulent pas travailler dans les conditions qui leur sont imposées et ne peuvent exercer leur droit de retrait.
    La crise sanitaire actuelle ne doit pas permettre d’instaurer un état d’urgence qui restreigne encore plus nos libertés (traçage téléphonique et surveillance numérique), comme ce fut le cas avec le terrorisme. Or, la loi dite "d'urgence pour faire face à l'épidémie" présente des dangers à cet égard en autorisant des décisions par ordonnances jusqu'à la fin de l'année, ce qui dépasse le cadre actuellement prévisible de l’épidémie. Cette loi met en place des mesures « d’exception » qui permettent de graves régressions sur le droit du travail et les libertés individuelles. De la même manière, la déclaration d’Edouard Philippe parlant d’efforts à faire après le virus laisse entrevoir ce que sera la politique des mois à venir, impliquant un renforcement de l’austérité.
    L’enjeu crucial d’une alternative politique
    Nous avons tous à contribuer à un autre projet de société qui permette une alternative aux politiques libérales et productivistes qu’Emmanuel Macron n’a cessé d’aggraver. Parce que cette crise sanitaire est le reflet, à beaucoup de points de vue, de ce qui ne va pas dans ce monde. La situation fait apparaître au grand jour la nécessité des services publics. L’urgence est de stopper la dégradation entamée depuis des années par les divers gouvernements. Ces services sont une priorité, et il faudra les reconstruire.
    Cette crise doit nous conduire à réfléchir à ce que nous produisons et à qui décide de ce qu’il faut produire. Les salarié-es licencié-es de Luxfer demandent par exemple, la nationalisation de leur entreprise pour reprendre la fabrication des bouteilles d'oxygène médicales. Oui, nationalisons, sous le contrôle des salarié-es : il s’agirait d’une appropriation et d’une autogestion de biens communs, et pas d’une prise en mains par l’Etat. Il faudra aussi revaloriser dès la sortie de crise toutes les personnes, le plus souvent des femmes, qui font des travaux de première nécessité comme caissières, personnels des services de nettoyage, éboueurs....
    Dans l’avenir, contre « la loi de la rentabilité » il convient que les citoyen.ne.s aient la possibilité de discuter et de trancher sur les choix économiques en intégrant les enjeux écologiques de rupture. C’est une économie respectueuse de la planète qu’il faut mettre en place. D’une part parce que les diverses crises sanitaires de ces dernières années ne sont pas sans rapport avec le modèle économique non respectueux de cette nature. D’autre part parce que la situation actuelle préfigure l’aggravation de la crise climatique qui nous attend.
    L’épidémie doit faire prendre conscience qu’il faut arrêter la course à l’abîme que nous connaissons.
    Cette crise sanitaire est mondiale. Certains proposent comme solution le repli national, repli illusoire sur des frontières qui ne peuvent arrêter ni les virus ni la dégradation climatique. La réponse réside dans l’universalisation des droits humains, sociaux, civiques, politiques, basés sur l’égalité, la liberté, la démocratie active et l’auto-organisation, avec des institutions nationales et internationales profondément renouvelées. Cela suppose la rupture avec le système capitaliste, qui sacrifie l’intérêt général à sa logique de profit. Le coronavirus nous montre avec force que nous sommes tous et toutes devenus très proches sur notre planète.
    Aucune organisation ne peut porter ces questions seule. C’est ensemble, associations, syndicats, partis que nous pourrons travailler à rendre possibles les solutions progressistes aux dangers qui menacent. Mettons les débats sur la table pour trouver des solutions communes. Cela fait des années que certain.e.s alertent sur les risques. Nous y sommes. Il est urgent de se rassembler pour agir. A cet égard, l'appel des 18 organisations syndicales et associatives "Pour que le jour d'après soit en rupture avec le désordre néolibéral", que nous soutenons, peut permettre le rassemblement nécessaire « pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral ».
    L'Equipe d'Animation Nationale d'Ensemble – Mardi 7 avril 2020

  • CERISES la coopérative dernière livraison

    Bonjour,

    Un virus venu d'ailleurs (comme dirait Trump) a bouleversé la vie de chacun... et donc celle des rédactions. Compte tenu de sa périodicité, Cerises, la coopérative n'aura, évidemment, pas été la première à en faire l'essentiel de son contenu. Notre équipe de rédaction a cependant cherché à dépasser le quotidien de l'actualité, et en partant de l'analyse des causes de la crise sanitaire, elle a cherché à faire émerger les  potentialités que recèlent les colères qui s'expriment  à propos de la gestion libérale de la santé publique.

    C'est le cas pour le texte collectif (S. Larue-H. Mermé-D. Montel-J. Zarka) traitant des "Urgences sanitaires, sociales et politiques". C'est le cas aussi de l'article de Marcelle Fébreau qui donne une autre conception de la "Démocratie sanitaire" que celle dont usent et abusent nombre d'institutions ces dernières semaines. Effet de la mondialisation des échanges, la crise actuelle peut être l'opportunité d'une avancée conséquente vers un nouvel altermondialisme avec Gus Massiah. Du côté de la  Guadeloupe, Elie Domota, constate la différence de traitement administratif appliqué par la République à ses colonies.

    Quant au "jour d'après" dont Macron jure qu'il ne sera plus comme avant, Makan Rafatdjou propose qu'il soit une opportunité de rupture vers des alternatives émancipatrices.

    Mais nous n'oublions pas toutes les autres questions qui méritent aussi un "jour d'après", telle celle posée avec force par Vanessa Spingora dans "le consentement" Bonne période pour la lecture.

    Ne nous confinons pas l'esprit.

    L'équipe de rédaction

     


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    Cerises
    www.ceriseslacooperative.info/

  • #1 « Ce que nous ré-apprend le coronavirus. La pandémie, le pouvoir et l’avenir. » Par Jean-Paul Leroux

     

    par Lec

     

    1. A) La mondialisation de la vie et les pandémies.

    Il existe une unité des êtres vivants dont la formule chimique est contenu dans le couple ADN/ARN (Acide désoxyribonucléique/Acide ribonucléique). Le coronavirus et nous avons la même structure de base. Nous oublions volontiers cette unité fondamentale. La pandémie actuelle ré-apprend ce savoir et nous inscrit dans l’immense règne des êtres vivants. Il n’y a pas de frontière entre nous et les virus. Cette condition d’existence par définition ne peut pas être dépassée.

    Les mutations cellulaires sont permanentes, chez les virus et chez les humains. Elles sont une des bases des processus qui ont conduit à l’existence de l’humanité. L’évolution biologique est toujours en cours avec ses bons et ses mauvais côtés. Il y a une discussion pour savoir si l’humanité subit encore un processus évolutif biologique ou si celui-ci a désormais pour moteur la culture. En tous cas, il est clair que nous subissons les contrecoups de l’évolution des coronavirus.

    Les barrières entre les espèces sont perméables, fluctuantes, du niveau moléculaires à la totalité d’un organisme. Virus et microbes peuvent nous coloniser et nous absorbons des végétaux et des animaux et réciproquement.

    L’humanité est une. Le coronavirus se moque des barrières dites de « races » que cela s’entendent dans le sens de la classification des espèces ou au sens du mot « race » aux États-Unis. Disons le :  « There are no race, only one race the human race ». 

    Les processus vitaux sont universels. La « mondialisation » a d’abord été un processus d’expansion de la vie sur toute la planète, ce que nous nommons ainsi n’est que le dernier avatar de cette aventure de la vie. La mondialisation humaine n’est qu’une des formes de cette expansion. L’existence des grandes pandémies (peste, choléra, typhus, etc..) est documentée depuis la naissance des grands ensembles civilisationnels et ne connaît pas les frontières. L’épidémie de la peste au moyen âge (XIVe siècle) a tué une population estimée à plus de 25 millions de personnes. Elle a touché, l’Eurasie, l’Europe et l’Afrique du Nord. Les européens ont apporté, avec eux, des maladies inconnues des peuples vivant en Amérique. Les épidémies de variole (1525, 1558, 1589), de typhus (1546), de grippe (1558), de diphtérie (1614), de rougeole (1618) tuèrent entre 10 et 12 millions de personnes, près de 50 à 60 % de la population amérindienne. Nous avions oublié tout cela, et beaucoup d’autres épisodes (la peste de Marseille en 1720, la grippe espagnole de 1918-1919 tua plus de 25 millions de personnes dans le monde) et nous pensions, erreur grossière, avoir dominé ces grandes pandémies malgré les épisodes du Sras (2002), celle d’Ebola depuis 1976. 

    L’oubli des données fondamentales de ces processus vitaux, même s’ils aboutissent à la mort, constitue une amnésie incroyable et criminelle de la part des gouvernements chargés des politiques de santé. D’où vient cette inconscience ? Ce ne peut pas être le fait de l’ignorance, les épidémiologistes sont aussi historiens. Elle renvoie, sans doute, partiellement du moins, à un sentiment de supériorité qui tient à la toute puissance que l’on se plaît à accorder à la science. Ce sentiment de supériorité a également conduit à une « étrange défaite »(1) intellectuelle. Les pays qui ont déjà vaincu l’épidémie (Corée du Sud, Taïwan) ont choisi une politique de dépistage systématique et d’un confinement sélectif concernant les personnes porteuses du coronavirus, nous avons choisi le confinement général inapplicable sans multiplier les injonctions paradoxales, (rester chez soi et aller voter, rester chez soi et aller travailler), et cela par impréparation politique et intellectuelle devant la possibilité d’une pandémie : pas de tests, pas de masques, pas de gants(2), pas assez de lits de réanimation(3), etc.. La déroute intellectuelle engendrant la déroute politique est totale. Et puis, raison complémentaire mais décisive en l’occurrence, les politiques concernant les hôpitaux ont conduit à leur « effondrement », pour reprendre les titres des journaux lors des grandes mobilisations de l’automne 2019. En effet, depuis 2007, il s’agissait de rendre les politiques de santé « rentables ». Pour arriver à cette fin, les variables sont connues : diminuer le nombre de salarié.es, plafonner ou diminuer les salaires, augmenter le rythme de travail, faire porter l’entretien et la construction de nouveaux hôpitaux sur les finances de l’hôpital lui-même au lieu de l’État, établir un barème des actes médicaux (la célèbre T2A) qui créent la concurrence entre le privé et le public, diminuer la part des remboursements de la sécurité sociale, augmenter les cotisations des salarié.es, faire porter la charge aux mutuelles complémentaires, etc. Spinoza raconte l’histoire d’un âne d’une petite ville hollandaise que les habitants trouvaient trop cher à entretenir alors qu’il rendait de nombreux services. Ils décidèrent de diminuer sa ration d’avoine d’un grain par jour,... il finit par mourir de faim. Ainsi nos dirigeants ont mis les hôpitaux et le système de santé dans la désespérance. Si le système fonctionne encore ce n’est dû qu’aux qualités morales des personnels, à leurs luttes, à leurs résistances. Les médecins n’ont apparemment pas encore oublié le serment d’Hippocrate dont se moquent les politiques. Un des ses principes moraux est de ne pas, par son action, aggraver l’état du malade. Il est clair que les politiques menées de détérioration du fonctionnement des hôpitaux, ont dégradé la situation des malades. L’imaginaire de la toute puissance de la technique et de la science, couplé à l’impératif de rentabilité, faire des hôpitaux des entreprises, les a conduit à faire face à la pandémie dans un climat interne perturbé et anxiogène. 

    1. B)  « Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé » (Albert Camus).

    Le coronavirus se reproduit en colonisant un hôte. Soit l’hôte et lui peuvent vivre ensemble, c’est le cas dans les populations de chauves-souris et tout va bien. Soit ils ne peuvent pas coexister et alors  ou l’hôte peut le tuer, il se « vaccine » lui-même, il est sauvé, ou il ne peut pas l’anéantir et c’est lui qui meurt. Voilà notre situation face au coronavirus. L’immense majorité des humains fabriquent eux-mêmes des anti-corps contre ce virus, le nombre de cas « mortels » par rapport à la population infectée est très faible et ne concerne que des personnes à risque. « Nous savons aujourd’hui que le Covid-19 est bénin en l’absence de pathologie préexistante. Les plus récentes données en provenance d’Italie confirment que 99 % des personnes décédées souffraient d’une à trois pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaire, cancers, etc.) avec une âge moyen des victimes de 79, 5 ans (médiane à 80,5) et très peu de pertes en-dessous de 65 ans.(4) » Nous avons là une différence évidente avec les pandémies antérieures. Le coronavirus fait remonter à notre conscience l’énormité des populations qui mouraient pendant les épidémies anciennes. Le chiffre de morts de cette pandémie mondiale du coronavirus est de 15308, le 24 mars 2020. il va certes augmenter mais il est sans commune mesure avec les chiffres de la peste noire, des morts amérindiens et de la grippe espagnole donnés plus haut. Il faut aussi nous souvenir que la première guerre mondiale a tué 19 millions de personnes, la seconde a vu périr 60 millions d’humains. Sans doute cette comparaison est-elle « odieuse » ! Mais après tout, nous la devons au Président de la République qui a annoncé que nous étions en « guerre ». Il ressort de ce parallèle qu’il existe un « virus » bien plus dangereux que le coronavirus, c’est l’homme lui-même. Depuis le déclenchement le 22 mars 2020 de l’épidémie 674 (5) personnes sont mortes du coronavirus en France. Mais il y a eu 3239 décès sur les routes françaises et 149 femmes tuées par leur conjoint l’an dernier. J’arrête là cette comptabilité macabre et puis dira-t-on « comparaison n’est pas raison » . Certes mais cela aide à constater la disproportion des moyens mis en œuvre pour lutter contre ces virus parfois mortels qui se nomment « conjoint » ou voitures et le coronavirus. Pour le pouvoir, la situation des femmes n’appelle pas une mobilisation générale alors qu’elles sont plus de la moitié de la population et le lobby routier vient d’obtenir l’augmentation de la vitesse de 80 km/h à 90km/h sur un certain nombre de départementales. Tous les morts et toutes les mortes ne se valent pas ni d’ailleurs les différentes façons de mourir ! La venue du coronavirus éclaire d’un jour nouveau nos choix politiques et sociaux. Il y avait la mort  « normale » par conjoint ou accident de la route. Le terme de « féminicide » est d’un usage courant de façon très récente (6). Et il y a les morts « anormales », celles causées par l’épidémie. Le paradoxe tient en ceci : même si la mort est l’issue normale et « naturelle » de la vie, celle par « coronavirus », phénomène naturel, est tenue pour anormale. Elle mobilise et déstructure la vie sociale et économique. Les morts non-naturelles (assassinats, accidents de la route) sont, certes, considérées comme une « fatalité » mais la réponse sociale et politique est très faible comparée à l’ampleur des bouleversements provoqué par le coronavirus. En effet, les sociétés ont retenu que les « grandes » épidémies les menacent dans leur existence, de leur point de vue ce qui est mortel, c’est la collectivité. L’opposition est  entre « mort collective » versus « mort individuelle ». Paul Valéry le disait ainsi « nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Il parlait certes de l’épisode de la première guerre mondiale qui avait détruit non seulement des millions de vies mais mis à mal le sens et les valeurs de ce qu’on nommait l’Europe. Cette peur de la mort collective, naturelle comme dans les pandémies, ou artificielle comme dans les guerres ou menaces de guerre, Albert Camus l’exprime parfaitement dans son éditorial du 8 août 1945 au lendemain du largage de la bombe atomique sur Hiroshima : « Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. (..) Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive(7).» La pandémie mondiale n’engendre-t-elle pas collectivement la même angoisse pour l’humanité que la menace de notre destruction par l’arme nucléaire(8) ? Et c’est là encore un paradoxe. Nous devrions depuis la course aux armements nucléaires qui a repris récemment avec la construction de missiles tactiques éprouver une angoisse plus forte que celle à laquelle nous faisons face actuellement. Cette pandémie est beaucoup plus banale(9), que celles antérieures et en tous cas elle est sans rapport avec un désastre nucléaire. Les civilisations humaines sont mortelles mais les sociétés n’ont pas l’air de le savoir contrairement à Paul Valéry. En tous cas, la nôtre ne mourra certes pas du coronavirus, mais elle en ressortira bouleversée.


    1. Allusion évidente à l’œuvre de Marc Bloch qui dans « Une étrange défaite » (folio-histoire) rendait compte de la myopie des hommes politiques de la 3ème République et de l’aveuglement de l’État major dans la préparation de la deuxième guerre mondiale . La référence à la guerre qui est celle de Macron est totalement hors de propos sauf sur un point, l’impréparation de l’État face à la pandémie !

    2. Stephen Bouquin, Une tempête parfaite, p. 3. de l’article http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article2004. « A l’inverse de Wuhan où tout le monde portait un masque, en Europe, aucun pays ne dispose de stocks stratégiques. Nous savons pourquoi : austérité, manque de précaution et incurie dans la gouvernance font que même maintenant, sept semaines après le début de la propagation du virus en Europe, le personnel soignant ou les travailleurs qui font fonctionner sont sans protection. »

    3. Gaël Giraud, Dépister, dépister, dépister, Revue Reporterre, 27 mars 2020. « En France nous disposons de 0,73 lits de réanimation pour 10.000 personnes. En Italie, 0,58, Outre-Rhin, 1,25. Si aujourd’hui les occidentaux meurent du coronavirus, c’est parce que trois décennies d’austérité budgétaire (sans fondement scientifique) ont réduit à presque rien la capacité de notre système hospitalier public. En particulier, en France, la loi HPTS de Marisol Touraine, aggravée par la réduction d’un milliard d’Euros des dépenses publiques de santé pour l’hôpital en 2018.

    4. JD Michel in http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-fin-de-partie-305096.html, p.3.

    5. Le 25 mars le nombre de mort est de 1100 décès, cette comptabilité évolue sans cesse malheureusement.

    6. « En France, la Commission générale de terminologie et de néologie, qui travaille en lien avec l'Académie française en a préconisé l'usage dans le domaine du droit en 2014, avec le sens de « homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe ». Il fait son entrée au dictionnaire Le Robert en 2015 : « meurtre d'une femme, d'une fille, en raison de son sexe ». Il demeure cependant absent en 2019 de la plupart des dictionnaires. » Wikipédia. 

    7.  Albert Camus,  Réflexons sur le terrorisme, Édition Nicolas Philippe, Paris, 2002, p.53.  

    8. La peur liée aux catastrophes naturelles dues au changement climatique peut aussi être mentionnée. J’en ai parlé dans un texte : « Des pliures mortelles du réel aux chantiers des possibles. » (publié par Ensemble ! 05.) De ce point de vue, le ralentissement mondial de la production et de l’économie et des échanges est plutôt pour la planète un moment de répit bienvenue ! C’est un paradoxe de plus de notre situation.

    9. Le terme de « banal » ne vise pas à minimiser le drame que constitue la mort de très nombreuses personnes durant l’épidémie, mais à situer à sa juste mesure cette pandémie parmi toutes celles qui sont connues. Un point d’espoir, la Corée du Sud a déjà réussi à maîtriser cette épidémie et cela est très encourageant.

  • communiqué de presse Ensemble! 05

    PRIORITÉ À NOS VIES, PAS À LEURS PROFITS !

    EN ATTENDANT DE DEMANDER DES COMPTES,

    SOLIDARITÉ CITOYENNE !

    ENSEMBLE! 05 s'associe à l'expression de la solidarité citoyenne qui se traduit par les applaudissements des balcons, dans tous les quartiers et village de notre département. Cette solidarité citoyenne contraste avec le propos autoritaire et guerrier du gouvernement et des pouvoirs publics. Avec ses prédécesseurs et après plusieurs décennies de politiques d'austérité de destruction des services publics, en particulier à l'hôpital, ce gouvernement cynique est pourtant responsable de l'incurie généralisée et de l'imprévoyance coupable qui rendent si grave la crise sanitaire.

    Aujourd'hui, la solidarité citoyenne s'exprime de diverses façons, avec les applaudissements du soir mais aussi par l'entraide et la solidarité de voisinage, la fabrication de masques et l’aide aux producteurs locaux. C'est cette solidarité qui doit s'approfondir, de même que doivent être entendues toutes les exigences formulées par le mouvement associatif pour l'accueil des réfugié-e-s et des personnes sans-abri dans des lieux dignes et protégés.

    Quand prendra fin la période de confinement, il sera temps de demander des comptes au gouvernement et aux pouvoirs publics, tant leur passif est accablant.

    Sans attendre, ENSEMBLE! 05 dénonce le manque de moyens donnés aux personnels de santé pour se protéger et travailler dans les meilleurs conditions possibles à sauver la vie des personnes touchées par l’épidémie. Nous appelons à la réquisition immédiate des entreprises capable de produire masques et protections mais aussi médicaments.

    Sans attendre, ENSEMBLE! 05 dénonce les injonctions contradictoires du pouvoir qui ordonne le confinement tout en poussant, pour les « bienfaits de l'économie », les salarié·es à travailler au mépris de leur sécurité et en ne donnant pas, par exemple, aux caissières et aux salarié·es des magasins, aux enseignant·es des écoles qui accueillent des enfants des personnels de santé, ou aux salarié·es des foyers de l’enfance les moyens de se protéger. Nous appelons à la fermeture immédiate des entreprises non-essentielles afin de protéger les salarié-e-s et stopper la propagation de l’épidémie.

    Nous n’oublierons pas la casse de l’hôpital public, et des services publics en général, menées par les gouvernements successifs depuis plusieurs décennies. 

    Nous n’oublierons pas les politiques néolibérales imposées depuis plusieurs décennies qui fragilisent toujours plus les populations et qui aujourd’hui se manifestent dans les inégalités insupportables face au confinement. Nous n’oublierons pas le rôle de nos députés locaux dans la mise en place de cette politique.

    Nous ne pardonnerons pas que les dominant·es soient prêt·es à sacrifier nos vies pour sauver leurs profits. Ils et elles devront rendre des comptes !

    La solidarité citoyenne montre la voie à suivre, celle d'une société solidaire, généreuse et rassemblée.

     

  • Jean-Paul Benoit, président de la Fmf : « Cette crise agit comme un révélateur »

     

    Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des Mutuelles de France revient sur la crise du Covid-19, son origine, ce qu’elle révèle aux yeux de tous et les leçons qui seront à en tirer.

    Que révèle pour vous la crise actuelle ?

    Si cette crise agit comme un révélateur, ce n’est pas sur l’état réel de notre système de santé en général et de l’hôpital en particulier. Les alertes n’ont pas manqué ces dernières années. Sur ces douze derniers mois, elles se sont encore accentuées : grève des personnels hospitaliers et des EHPAD, démissions des chefs de services, rejet du PLFSS par tous les syndicats et la mutualité… Les signaux rouges ne manquaient pas, on se souvient tous de ce panneau hélas prémonitoire dans les manifs : « Vous comptez les sous, nous compterons les morts ». Nous comptons les morts. 

    Par contre ce que révèle aux yeux de tous cette crise c’est que les « premiers de cordée » ne sont pas ceux qu’on nous avait complaisamment présentés, valeureux supers riches échappant à l’impôt et censés créer les richesses. Je ne peux m’empêcher de penser, s’agissant d’eux, aux mots de Jaurès : « parce que le milliardaire n’a pas récolté sans peine, il s’imagine qu’il a semé ». La lumière crue de la crise et du confinement qu’elle engendre fait apparaître de tout autres « premiers de cordée ». Les caissières, les livreurs, les petits commerçants alimentaires, les manutentionnaires, les aides à domicile, les aides soignantes, les infirmières, les brancardiers, les personnels des EHPAD, et plus généralement tous ces agents des services publics dont on stigmatisait récemment encore les régimes spéciaux de retraite, que sais-je encore… Ce sont ces femmes et ces hommes qui exercent ces métiers peu valorisés, souvent mal payés, et pour beaucoup sans statut leur permettant de se projeter dans un avenir professionnel. Leurs activités cruciales ruissellent et irriguent nos vies quotidiennes, les rendent simplement possibles même. 

    « CE QUE RÉVÈLE AUX YEUX DE TOUS CETTE CRISE C’EST QUE LES « PREMIERS DE CORDÉE » NE SONT PAS CEUX QU’ON NOUS AVAIT COMPLAISAMMENT PRÉSENTÉS… »

    Quelles sont les principales causes de cette crise ?

    L’économie n’échappe pas au phénomène. On ne jure, depuis des décennies, que par la rentabilité et la « rationalisation comptable » sur fond de dumping social, cette sinistre bourse qui joue au moins disant avec les conditions de vie des personnes. Or, nous voilà piégés. Nous manquons de masques, de produits révélateurs pour les tests, de respirateurs parce que stocker coûte cher et que l’efficience c’est gérer « à flux tendus » ! 

    Mais c’est pour le système de santé que la lumière crue révèle le plus violemment une réalité blafarde. « Il y a à peine trois semaines, qui aurait pu imaginer que des malades d’une société riche puissent mourir devant des médecins désarmés et contraints à d’horribles choix ? Qui aurait pu penser qu’au XXIe siècle, des gens seraient abandonnés à leur sort dans des établissements pour personnes âgées, sans qu’on puisse même leur donner une sépulture ? » questionne le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix. 

    Voici des années que le mouvement mutualiste, et singulièrement les Mutuelles de France, alertent sur ces multiples crises laissées sans solution : crise de la médecine de premier recours, crise de l’hôpital public, crise des EHPAD, et j’en passe. Voici des mois, plus d’un an en vérité, que les professionnels de l’hôpital public crient leur désarroi, leur colère, de voir leurs établissements de soins transformés en entité quasi commerciale. Ils disent, jusque là en vain, leur inquiétude de voir, années après années, les coupes budgétaires asphyxier financièrement l’hôpital, encore 4 milliards dans la loi de « non-financement » de la sécurité sociale promulguée il n’y a pas quatre mois ! 

    Et en effet, aucun des gouvernements qui se sont succédés depuis plus de dix ans n’a remis en cause la Loi Bachelot de juillet 2009, inspirée du rapport de Gérard Larcher. Pourtant, c’est cette loi qui précipite cet équipement public par excellence dans une logique commerciale. Cette logique nous revient collectivement en pleine figure. Seule l’extraordinaire mobilisation des soignants permet de limiter les dégâts.

    Alors, je conçois que cette réalité qui apparaît au grand jour soit choquante. Surtout si elle se conjugue avec l’inquiétude que fait peser l’épidémie de Covid-19. Mais nous devons faire face. 

    Comment le monde mutualiste est frappé par l’épidémie et la crise qu’elle engendre ?

    Nous faisons face en étant solidaires, en respectant les consignes de confinement, en épaulant le système de santé. Mais, à moyen terme, nous devons être convaincus qu’on ne pourra pas, et c’est tant mieux, recommencer comme avant, se noyer dans les chimères ultra-libérales qui nous coûtent si cher aujourd’hui.

    Nous faisons face mais je ne prétendrai pas que c’est simple car nous avons plusieurs rôles à assumer. Nous sommes acteurs de santé. Inutile de vous dire que nous sommes sollicités à ce titre. Les adhérents mutualistes ont bien sûr besoin de leur complémentaire santé. Les patients qui fréquentent nos centres de santé ont besoin de leur médecin généraliste. Nous sommes également employeurs et nous devons protéger les femmes et les hommes qui sont nos salariés. Nous devons veiller à leur situation sanitaire. La pénurie de masques n’aide pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Le décalage entre les discours du président et de son premier ministre et les réponses, ou non réponses, des administrations sur le terrain complique très sérieusement la situation.

    Enfin, nous sommes un mouvement social de santé et on voit bien que cette crise nous interpelle.   Pour l’heure, le monde mutualiste fait face.Quand cette crise sera terminée, il faudra en tirer les conséquences, les leçons. Nous apprendrons de cette crise mais et nous demanderons des comptes. Par nature, nous serons force de propositions et d’actions.

     Y a-t-il une réponse mutualiste aux urgences d’aujourd’hui ?

    Le mutualisme est, par essence, une réponse. Qui oserait affirmer aujourd’hui que la coopération, la mise en commun, ne sont d’aucune utilité ? L’analyse que nous portons depuis longtemps sur les crises et les dysfonctionnements du système de santé en France apparait aujourd’hui dans toute sa pertinence.

    « NON LE MARCHÉ NE PERMET PAS DE RÉPONDRE EFFICACEMENT AUX BESOINS DE SANTÉ, IL NE PERMET PAS DE DISPOSER DU MATÉRIEL NÉCESSAIRE AU MOMENT OPPORTUN. »

    Non, le dogme libéral ne permet pas de bâtir un système de santé bénéficiant à tous, délivrant des soins de qualité en toute sécurité pour les personnels soignants et les patients. Non le marché ne permet pas de répondre efficacement aux besoins de santé, il ne permet pas de disposer du matériel nécessaire au moment opportun. Macron vient de le découvrir en pleine panique. Nous ferons en sorte qu’il ne l’oublie pas une fois la crise passée. Nous avons l’habitude de dire que la santé n’est pas une marchandise. Tout le monde voit bien pourquoi, aujourd’hui. 

    Le projet mutualiste porte l’exigence démocratique. Cette crise révèle, avec le confinement, la part du citoyen dans la destinée collective. Cet acte individuel de responsabilité qui nous est demandé et qui est une contrainte forte sur nos vies quotidiennes est nécessaire pour permettre à notre système de santé d’absorber tant bien que mal le choc épidémique. On ne peut pas aujourd’hui demander à chacun d’être responsable pour soi même et pour les autres et, demain, une fois la crise derrière nous, recommencer à penser et à décider à la place des citoyens. Les leçons que nous tirerons de la crise devront résulter du débat démocratique. Mais il est clair que ce que nous vivons interroge notre manière d’échanger et de produire dans le cadre d’une économie mondialisée, met en cause de manière radicale la pertinence du système libéral, bouleverse nos habitudes de vie et de travail, questionne, comme le dit Edgar Morin, notre capacité à faire « le tri entre l’important et le frivole » et remet au centre du jeu la qualité de la relation humaine.  

    Quelles seront les leçons à tirer de cette crise ?

    Nous sommes en plein dans la crise et il est trop tôt pour en tirer efficacement les leçons. Mais ce qui me semble clair c’est que, je l’ai dit, cette crise agit comme un révélateur. Un révélateur de notre besoin vital de défendre le bien commun. Il est depuis trop longtemps sacrifié sur l’autel d’un mirage, celui de la réussite individuelle. Un révélateur de l’importance vitale de notre système de protection solidaire fondé sur le couple sécurité sociale/mutuelles, assurant un accès aux soins à tous sans la barrière de l’argent. Nous sommes si habitués à ce fonctionnement qu’il nous parait aller de soit. Il suffit pourtant de regarder dans les pays où cette solidarité n’existe pas, à commencer par le Etats Unis, pour mesurer combien sont encore aggravés les drames individuels. Nous sommes des mutualistes, ce que nous faisons, nous le faisons ensemble. Bien sûr nous avons besoin de l’excellence de chacun. Mais c’est en conjuguant les talents de tous, les capacités  professionnelles, les engagements citoyens, l’humanisme que nous trouvons et que nous trouverons les bonnes solutions.