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  • Texte de Sofia, 17 ans franco-palestinienne de Gaza, lu le 20 janvier 2024, à Gap, au rassemblement pour une paix juste et durable entre israéliens et palestiniens.

    Parce que parfois se taire c’est cautionner la violence et le non droit. Parce que parfois garder le silence c’est être complice de la violence. Une fois de plus ici, je prends la parole. On veut faire taire les souffrances de tout un peuple, alors je prends la parole haut et fort pour dénoncer. Mais en toute honnêteté, les mots me manquent, de plus en plus. Les mots s’essoufflent face à l’horreur.

    Où est passée l’humanité ? Comment peut-on oublier si rapidement le cours de l’histoire et ses sombres pages ? Une fois de plus allons nous laisser l’histoire de l’humanité se noircir ?

    Gaza est sous les bombes depuis plus de 100 jours, depuis plus de 100 jours c’est l’enfer qui s’abat sur ceux qui sont enfermés là-bas. 100 jours sans une seule seconde de répit, de sécurité, 100 jours sans véritable nouvelle, 100 jours d’effroyable terreur et de massacre, de cris, de violence extrême.

    L’intention de génocide est avouée pleinement par le gouvernement d’Israël. Ainsi n’est-ce pas là la phase finale de la destruction des derniers vestiges de vie palestinienne ?

    Pourquoi et comment face à ces horreurs les hommes se taisent, comme effrayés par l’argent et la puissance des fanatiques qui mènent le massacre, violant un peu plus les droits fondamentaux chaque jour, et entrainant une descente aux enfers plus profonde pour chaque civil présent dans la bande de Gaza, devenue l’enclave de la mort.

    Je souhaite éveiller ne serait ce qu’une conscience avec mon texte. Un enfant est tué toutes les 10 minutes à Gaza, les hôpitaux sont visés, les journalistes internationaux y sont interdits d’accès pour témoigner, le manque d’eau, de nourriture d’hygiène viennent à bout des dernières personnes qui n’ont pas encore été visées

    Ma famille fuit la mort depuis plus de 100 jours à Gaza, cette semaine plus que jamais elle les a effleurés.

    Mercredi, nous avons eu un appel de quelques secondes de mon oncle : il ne savait pas ce qui se passait, les israéliens étaient revenus autour de l’école où ils s’étaient réfugiés, des chars et des tanks les encerclaient. Et puis plus rien, plus de bruit, seule la peur restait au bout du fil, tout a coupé.

    C’est seulement 24 heures après que l’on a eu un nouvel appel de quelques secondes encore : ils étaient en train de fuir encore une fois car l’école avait été attaquée par les chars, il y avait eu des morts ; quelques secondes avant une nouvelle coupure d’appel. Ils avaient pris la fuite une fois de plus, laissant derrière eux les autres familles avec qui ils ont vécu durant 20 jours, des familles unies par le même désir de survivre. Cette fuite les a sauvés car ils ont appris ensuite, que dans l’école où ils étaient et où des familles étaient réfugiées il y a eu non seulement des morts mais ensuite tous les garçons et les hommes ont été emmenés par l’armée sous les yeux de leurs filles, de leurs mères, de leurs sœurs et de leurs tout jeunes enfants.

    Cela s’est joué à une heure prés. Je ne peux même pas imaginer la peur effroyable qu’ils ont dû éprouver en prenant la fuite. D’imaginer ma cousine de bientôt 6 ans, mes cousins un peu plus jeunes que moi, être témoins des bruits, des cris, du sang, me mets en rage et me hante.

    Pour les civils palestiniens fuir n’est plus une solution à leur souffrance, où qu’ils aillent les israéliens bombardent.

    Gaza qui était de son triste nom connu pour être une prison à ciel ouvert… Aujourd’hui, ce n’est plus une prison mais un abattoir.

  • GAZA

    Par Sofia, 17 ans, Palestinienne. Texte dit lors de la manifestation pour un cessez-le-feu immédiat et total entre israéliens et palestiniens le samedi 23 décembre 2023.

    Il s’appelle Hani, elle s’appelle Jouri, il s’appelle Yamen, il s’appelle Adam. Ils sont 2,2 millions vivants ou morts. La ligne qui les sépare du décès est brouillée aujourd’hui, car même s’ils subsistent à l’horreur, leur vie n’en ai pas épargné. Même s’ils restent vivants plus rien ne sera jamais comme avant. Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui on oublie leur prénom. Ils s’éteignent un à un ; leur cri masqué est justifié par des crimes qu’ils n’ont pas commis.

    Ils sont 2,2 millions oubliés depuis 76 jours et 75 ans.

    Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui leur terre ne trouve plus la place pour enterrer leurs corps morts. Ils sont 2,2 millions et ils s’entassent sur les routes et les trottoirs enroulés de tissu blanc comme de vulgaires déchets.

    Ils sont 2,2 millions et aujourd’hui, on leur nie toute forme d’humanité

    Ils sont 2,2 millions et on leur coupe toute source de destinée.

    Ils sont 2,2 millions et on laisse se dérouler sous nos yeux un massacre.

    Ils sont 2,2 millions et vivent une triste histoire si je peux me permettre un euphémisme.

    Cette histoire, c’est celle d’un peuple colonisé, délaissé et oublié. C’est l’histoire d’une asymétrie de forces, d’un petit peuple qui n’abandonne pas, c’est l’histoire d’une armée qui commet des exécutions sommaires, qui tue les enfants qui n’ont pour défense que des pierres. C’est l’histoire d’une armée qui accumule les crimes de guerre. C’est l’histoire de 2, 2 millions de personnes qui n’ont plus d’eau, plus d’hôpitaux, plus de nourriture, plus rien. C’est l’histoire des mères qui enterrent leurs enfants et leurs maris s’ils n’ont pas disparu enlevés par l’armée.

    C’est l’histoire de gens qui veulent survivre mais ils espèrent que s’ils doivent mourir, ce sera sur le coup.

    Ils sont comme vous et moi mais aujourd’hui ils ne vivent pas, ils survivent.

    Ils sont comme vous et moi à une langue près, à une mer à côté, à dissemblance de nationalité écrite sur un bout de papier. Ils sont comme vous et moi mais, pour eux, être en vie est un exploit.

    Alors pour eux comme pour nous et l’humanité, pour ne pas cautionner, et devenir alliés, il faut dénoncer, se regrouper et penser qu’ils sont comme vous et moi. Ils pourraient être nos frères, nos sœurs, nos mères…

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    Par Lucille, sa famille est franco-palestienne. Texte dit lors du Rassemblement du 30 décembre 2023 pour un cessez-le-feu immédiat et définitif.

    Sans liberté

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir sans être identifié

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir le ventre vide et affamé

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a voir mourir les autres, les siens et soi y réchapper

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir alors qu’on était juste blessé
    et que personne n’a pu venir nous secourir au risque de se faire tirer

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir après avoir été amputé sans anesthésie et voir ensuite sa plaie pourrir
    et lentement nous tuer

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir sur le carrelage souillé d’un hôpital bondé

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a mourir parce qu’on a bu de l’eau
    empoisonnée

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a avoir son corps bouffé par les chiens dans la rue
    parce qu’on n’a pas eu la chance d’être enterré et qu’eux aussi sont affamés

    À Gaza
    Il y a pire que mourir
    Il y a dans le silence du monde,
    agoniser

    Mais à Gaza, il y a un espoir fou qui transcende toutes
    les souffrances
    Car à Gaza il y a un rêve immense qui
    s’appelle Palestine libre et en paix

    Car à Gaza
    Pire que tout
    Serait mourir pour rien et que demain soit
    comme hier, sans liberté.