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[départementales05] Création et résistance

Hautes-Alpes solidaires, écologiques et citoyennes : Essai d’analyse du parcours du Collectif citoyen 05  

Remarques introductives

D’habitude chaque élection départementale se déroule canton par canton, le département ressemblant ainsi à une juxtaposition de petits territoires, plus ou moins liés et en cohérence les uns ou autres. Or pour la première fois dans les Hautes-Alpes, il y a une véritable campagne cohérente pour tout le département.

Cette dynamique nouvelle est la première réussite d’un collectif de citoyen.nes qui s’est nommé, après une procédure « référendaire » : Hautes-Alpes, solidaires, écologiques et citoyennes, (Collectif 05 ou HASEC pour simplifier dans le texte ci-dessous – voir le site https://collectifcitoyen05.fr/)

Cette réussite se manifeste dans la campagne qui s’ouvre, puisque le Collectif 05 présente des candidat.es sur 12 cantons sur 15  . Les trois cantons restants n’ont pas été pourvu par manque de « citoyen.nes » et de militants politiques. Ce sont des cantons où la gauche est faible.

Mais l’important n’est pas là. Il tient dans le processus égalitaire, inclusif et/ou ouvert mis en œuvre dans l’implication d’une diversité de personnes d’âge, de genre et de localisation différentes et faut-il ajouter de parcours politique très variés. Par exemple, On trouve des « vieux routier » du PCF et  des personnes qui n’ont jamais fait « de politique » voire qui n’ont jamais voté ! L’autre point d’importance est la construction d’un projet pour le département, en train d’être finalisé en un programme général qui pourra avoir des déclinaisons contextualisées et propres pour chaque canton, si les candidat.es le désirent.

Une histoire « presque » nouvelle

A partir de la mi-octobre 2020, des discussions politiques intenses et un travail programmatique étonnant ont été porté par le nombre important de personnes qui s’y sont impliquées.

Les discussions politiques et celles concernant le développement du collectif se déroulent au sein de « plénières » , avec une périodicité de 15 jours, le vendredi de 20h à 22h-23h,  A ce jour, 15 plénières se sont déroulées, autour d’un présentiel de 35 participant·es en moyenne, et d’une centaine de participant·es étant présent·es au moins une fois. On peut donc noter que l’engagement « citoyen » a été une réalité forte et n’est pas une vue de l’esprit.

Les premières décisions et leurs conséquences.

Les cinq premières plénières ont soulevé des débats politiques sensibles autour de deux problèmes essentiels pour l’existence même du Collectif 05 : quelle était le périmètre politique de ce collectif, comprenait-il le PS, LREM ? Qui composait le Collectif 05 ? Des organisations politiques et des citoyen.nes ou seulement des citoyen.nes dont certain.es étaient aussi membre d’une organisation politique.

La question du périmètre a été tranchée assez rapidement. Ainsi, dès la 3ème plénière il a été décidé à l’unanimité que l’espace n’intégrait pas LREM. Par ailleurs, il se trouve que le PS, intégrant mal dans son schéma la dialectique de construction citoyenne (un membre = une voix) et préférant celle plus classique d’organisation de partis fût mis en minorité et se retira de lui-même dès la 4ème plénière.  

Finalement, le Collectif 05 est constitué de deux catégories de citoyen.es : des citoyen.nes « ordinaires et des « citoyen.nes appartenant à une organisation politique, soit à des partis classiques (PCF, EE-LV), à des mouvements politiques (LFI, Ensemble!05-PACG), soit à des associations citoyennes qui avaient présenté des listes aux élections municipales, comme « Ambition pour Gap », et « Briançon Citoyenne ».

Les premiers travaux ont consisté à définir les axes fondamentaux du projet politique. Ils sont au nombre de trois : solidarité, écologie, citoyenneté. Puis, il y eut l’écriture d’un appel pour inviter les citoyen.nes à rejoindre le Collectif 05. Cet appel a reçu rapidement un grand nombre de signatures. A l’heure actuelle, 520 sont signataires. Mais surtout, il a été admis que chaque signataire était membre à part entière du Collectif. Le sens politique de ces nouvelles modalités inclusives, sur une base personnelle, a deux sens : le premier est la mise entre parenthèses des formes politiques traditionnelles, le second est l’émergence d’une construction politique nouvelle. Trois événements internes au collectif 05 illustrent ces deux aspects.

Premier évènement : Le débat sur le soutien du Collectif 05 à l’appel régional « Il est temps ».

Au niveau régional les forces de gauches se sont réunies et ont lancé un appel pour l’unité des forces de gauches aux régionales. Cet appel se nomme « Il est temps ». Le débat portait sur le point suivant : en tant que Collectif 05 constitué des présent.es à la plénière pouvions-nous engager les signataires ? Nous étions d’accord que la plénières est souveraine mais n’est-ce pas passer au-dessus de leur volonté ? Ou bien faut-il demander aux signataires ce qu’ils/elles en pensent ? La solution fût d’expliquer aux signataires l’enjeu d’un soutien de « Il est temps », de leur demander de signer le texte régional et en fonction du nombre de signatures à l’appel de décider pour le Collectif 05. Celui-ci, après cette démarche – style RIC interne – a pu soutenir l’appel. Cet épisode peut facilement s’interpréter comme un frottement entre une forme délégataire de démocratie et une forme de démocratie directe. L’utilisation d’internet permettant, outre les plénières en visio, une rapidité de consultation des membres du Collectif 05.

Deuxième évènement : Difficultés des structures politiques anciennes avec le fonctionnement inédit du Collectif 05.

Le Parti Socialiste n’a tout simplement pas pu accepter de disparaître au profit d’une organisation simplement citoyenne. Il a quitté le Collectif lors de la 4ème plénière.

La FI 05 s’est profondément divisée sur le soutien ou pas au Collectif 05, et cela de manière publique. Certain.es de ses membres ont été des « moteurs » du Collectif 05. D’autres ont essayé différents moyens pour le déstabiliser. Une première fois en venant proposer leur programme comme devant être le programme du Collectif. Refus ! Une deuxième fois en expliquant dans une lettre que ce collectif n’était pas vraiment citoyen et que les citoyens sont dans la rue et qu’il fallait aller discuter avec eux ! Une réponse un peu sèche leur a été faite. Enfin, dernier épisode, ils ont opposé un refus à ce que le logo « FI » apparaissent sous le logo du Collectif 05 pour finalement se raviser. Les militants FI opposés au soutien ont finalement été mis en minorité par la majorité des militant.es des GAFI.

Le troisième évènement concerne la désignation des candidat.es dans un canton. Un candidat, avec le soutien de son ancien parti, le Pcf, voulait avoir l’étiquette du Collectif sans avoir travaillé au sein du collectif et après avoir signé non seulement l’appel du Collectif 05 mais également celui du PS ! Le Collectif 05 voulait présenter deux autres candidats. Le débat (13ème plénière) fût long et difficile. Finalement, les deux candidats  ont fait une déclaration commune pour dire que leurs deux candidatures n’étaient pas concurrentes mais complémentaires et que les votant.es trancheraient entre eux et qu’au deuxième tour, ils se désisteraient l’un pour l’autre.

Les raisons d’un « succès ».

A) Une convention citoyenne auto-désignée, la nature de son protocole de fonctionnement.

Le fonctionnement du Collectif 05, par beaucoup d’aspects, ressemble à celui des conventions citoyennes. Je n’insisterais que sur un point : le mode d’animation. Jacques Testart décrit ainsi une des conditions de réussite des conventions citoyennes dont il est, en France, un des spécialistes : Cette réussite « n’est bien sûr réalisable et productrice d’intelligence qu’en respectant scrupuleusement un protocole convenu, où dominent la qualité et l’objectivité des informations fournies, la protection intellectuelle du groupe contre des pressions extérieures, et des conditions matérielles favorables à son épanouissement. »  Je ne soulignerais que la question du fonctionnement :

1) « Les décisions sont prises en plénière. L’ordre du jour est préparé par un Groupe d’Animation.
Le groupe d'animation compte aujourd'hui 15 personnes. Il peut intégrer de nouveaux participants au fil de l'eau.

C'est un facilitateur "technique". Il se charge de la bonne circulation de la communication et de la bonne marche des réunions plénières du collectif départemental.
Il accompagne le processus de construction du "projet" sans faire "à la place" des membres du collectif. Il peut toutefois être amené à produire ou piloter des actions définies en plénière. »

Les comptes rendus sont validés au début de chaque plénière.

2) Bienveillance et écoute active

« Nos principes de fonctionnement sont basés sur le respect des individus et des idées, chacun est attendu sur cette attitude bienveillante. Nous vous invitons également à pratiquer ce que l'on peut appeler l'"écoute active", afin d'éviter les répétitions et les incompréhensions lors des réunions. À ce titre, les messages numériques parallèles aux échanges oraux sont déconseillés et doivent respecter ces mêmes principes. Afin de ne pas prendre de temps pour répéter une intervention en cours, on peut manifester son accord ou non en utilisant les smileys "pouce vers le haut" ou "pouce vers le bas" du chat. Lorsqu'une prise de parole est souhaitée, n'hésitez pas à prendre des notes afin de garder votre idée en mémoire. »

B) Le travail très important organisé autour des axes suivants :

- Une équipe technique chargée du site et des « outils » de travail en commun qui a mobilisé aux alentours d’une dizaine de personnes selon les périodes.

- Un Groupe de Travail du projet qui a organisé la production des 29 fiches à partir des compétences du Conseil départemental avec aussi des fiches transversales sur la démocratie, l’éthique des élus. Deux à trois personnes étaient chargées d’une fiche (agriculture, forêts, routes, aérodromes, collèges, aide sociale à l’enfance (jeunes migrant.es, etc...). Elles devaient aussi trouver des personnes ressources pour faire un état des lieux et des propositions débouchant sur des mots d’ordre. Ainsi, on voit qu’il y a eu plus de 50 personnes participantes à ce travail. C’est la première fois dans les Hautes-Alpes qu’une campagne départementale offre un projet d’ensemble sur la politique du Territoire et non pas chaque candidat pour « son » canton. Les thèmes de solidarité, d’écologie et de citoyenneté touchent la totalité des cantons. Les fiches sont en cours de validation par les signataires. Elles sont envoyées 3 par 3 pour lecture, remarques critiques, reformulation, etc.. avant d’être validées en plénière. Au total, 520 personnes auront pu, si elles le désirent participer à cette aventure collective. Internet permet cette consultation permanente des citoyen.nes. Les anglais et les américains parlent de « crowdsourcing » après l’expérience islandaise. Nous essayerons de faire le bilan de ce « crowdsourcing » à la fin de la campagne.

- Un Groupe chargé de la préparation des candidatures par la recherche de candidat.es et l’aplanissement de difficultés entre les personnes susceptibles d’être « concurrentes ». Mais un seul canton a eu cette difficulté. La préparation a été bien faite et la répartition entre les différentes « sensibilités » satisfaisante. La désignation des candidat.es a été approuvée par les signataires de chaque canton et ratifiée en plénière. Les candidat.es ont commencé leur campagne dans la presse et les médias. Avec la levée du confinement et des « jauges » sanitaires la campagne va pouvoir vraiment s’animer..

C) Une conjoncture politique favorable.

Paradoxalement, la situation générale de crise politique et celle de la « gauche » en particulier a poussé les diverses organisations à accepter l’union comme réponse possible. Aucune organisation n’était en position d’imposer son « hégémonie », celles qui ont essayé sont parties, ou ont essuyé un refus et se sont finalement ralliées. Mais une chose est la nécessité, voire la volonté de l’unité, autre chose est de trouver une forme qui puisse la réaliser entre des partenaires aussi différents. Le mérite de celles/ceux qui l’ont mis en œuvre est certain. L’implication forte des citoyen.nes est la raison profonde du succès. Les « logiciels » en œuvre ne sont plus ceux des mouvements politiques mais celui de la citoyenneté. Mais il faut immédiatement ajouter que cette forme nouvelle, faite de créativité et de résistance, est issue d’une tradition citoyenne ancienne dans les Hautes-Alpes, qui bien entendu se manifeste aussi ailleurs, non seulement en France mais partout au niveau mondial.

Avant de conclure, nous voulons parcourir schématiquement quelques étapes de cette histoire vers la citoyenneté.

En 2002, après le duel Chirac-Le Pen, la nécessité de repenser la politique et la démocratie aboutit à un groupe « Réveillons la démocratie ». Ce groupe avait pour but de dynamiser la démocratie en créant un espace public de débat. Plus de 100 débats furent organisés sur les thèmes les plus divers, du rôle des troupes françaises de Hautes-Montagnes, au débat sur le mariage pour tous, le référendum sur la constitution européenne, etc..Ces débats permirent de populariser l’idée de la nécessité de repenser la démocratie sur de nouvelles bases.

En 2007, un secrétaire de la CGT, obtint le soutien du PCF et de la Ligue communiste pour se présenter aux élections législatives sous l’étiquette : « Pour une Alternatives Citoyennes à Gauche » (P.A.C.G) », ayant frôle les 10 % des voix, il fût nécessaire de créer une association pour recevoir les fonds publics. L’idée d’une alternative citoyenne venait d’avoir eu un beau succès dans le premier arrondissement des Hautes-Alpes. En 2008, PACG présenta une liste aux municipales de Gap sous l’étiquette : G.A.U.C.H.E : Gap, Alternative, Unitaire, Citoyenne, Humaniste, Écologique. Le fonctionnement de cette liste préfigurait sous de nombreux aspects celui du Collectif 05, en particulier en ce qui concerne la construction du programme. En 2014, il y eut une liste « Tous Capables – G.A.U.C.H.E » aux municipales. Mettre en avant l’expression « Tous Capables » revenait à affirmer que tous les citoyen.nes sont capables de faire de la politique, ils/elles sont égaux et égales devant les choix de société. Ce sont autant de « petites « graines » qui ont poussé », pour reprendre une expression d’une citoyenne fortement engagée dans le Collectif 05. Lors des législatives de 2017, l’idée d’une union devait aboutir à la création d’un groupe (Pcf, Ensemble!, EE-LV) dénommé « Convergence 05 » qui voulait présenter des candidat.es dans les 2 circonscriptions L’appel aux citoyens été une des marqueurs importants de cette Convergence 05. Cette unité est venue achopper sur la volonté « hégémonique » de la FI, nouvelle venue dans le champs politique. Dans la deuxième circonscription, avec un seul candidat, il aurait été possible d’être au deuxième tour. Cet épisode malheureux joue un rôle important dans la volonté de dépasser les clivages traditionnels. Il faut aussi noter que sur Briançon, on retrouve cette implication dans la liste «Briançon citoyenne dont les membres sont actifs dans le Collectif 05.

La nouveauté du Collectif 05 est donc d’avoir réussi deux choses. La première de mettre en avant les citoyen.nes, ce qui a permis de neutraliser les querelles à gauche. Et cela n’a été possible que par la constitution d’une forme inédite qui ressemble de beaucoup aux conventions citoyennes.

Quelle sera l’impact électoral de cette nouveauté ? Réponse au mois de Juin. Est-ce que Hautes-Alpes, solidaires, écologiques et citoyennes aura un avenir au-delà des départementales ? Affaire à suivre...

Jean-Paul Leroux

 30 avril 2021

PS : Je remercie A.G, C.L, J-C.E pour leurs apports.


Annexe : Appel des Hautes-Alpes solidaires, écologiques et citoyennes.

En juin 2021, auront lieu les élections régionales et départementales, le temps de l’alternative est venu, construisons la ensemble ! Rassemblons nous pour des Hautes Alpes solidaires, écologiques et citoyennes.
Dans notre département, comme dans tout le pays, la situation économique, les choix politiques et l’urgence climatique, nous obligent à rompre avec un modèle de société par ailleurs désastreux : les inégalités sociales se creusent, la pauvreté et la précarité s'accroissent, touchant durement des milliers de personnes.
La crise sanitaire et sociale a mis en évidence les failles d’un système économique qui privilégie les intérêts de quelques uns au détriment du plus grand nombre et qui dilapide notre bien commun, notre planète. Mais l'implication de plus en plus grande des citoyen·nes montre une prise de conscience et la volonté de changer pour plus de justice sociale et environnementale.
Cette implication doit nous conduire à avancer ensemble pour que notre département devienne un bouclier social et sanitaire, un espace innovant pour la transition écologique et un territoire engagé pour la rénovation démocratique.
L’union est la seule solution que nous avons pour combattre les politiques de droite et écarter le danger de l’extrême droite.
Construisons ensemble un projet ambitieux pour répondre à l’urgence sociale, préparer la transition écologique et engager la transformation démocratique indispensable.
Faisons naître sur nos territoires des candidatures d’espoir et de transition, pour une nouvelle majorité populaire, sociale et écologique !
C’est pourquoi nous appelons tou·tes les citoyen·nes du territoire, membres ou non d'associations, de forces politiques et syndicales, gilets jaunes, tou·tes les habitant·es des Hautes Alpes qui se reconnaissent dans cet appel, à venir co-construire un projet départemental et à s’unir pour gagner les élections.
Il n’est plus temps d’attendre.
L’urgence est là, vous aussi, signez l'appel.

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