La lutte pour la parité femmes/hommes dans le domaine politique est une lutte de longue haleine. Commencée par l’adoption du droit de vote en 1944, elle se poursuit pour exiger une parité entre les élu.es. Cette parité n’existe toujours pas malgré les efforts des pionnières qu’ont été Françoise Giroud et Gisèle Halimi. En 1992, Françoise Gaspard, Claude Servan Schreiber et Anne le Gall publient leur manifeste « Au pouvoir citoyennes » dans lequel elles demandent l’égalité et non la reconnaissance des différences entre femmes et hommes. L’idée d’un « quota » de femmes dans les conseils municipaux sombre et la parité devient le mot d’ordre central de la lutte des femmes dans le domaine politique.
Une longue bataille politique s’en suit qui aboutit à la loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 qui ajoute à la Constitution un amendement affirmant que «La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives». La loi ordinaire du 6 juin 2000 met en application la loi constitutionnelle de 1999.
Mais force est de constater que la parité, après une forte accélération, plafonne et qu’elle n’est toujours pas atteinte ni à l’Assemblée nationale (38,7 % de femmes) ni surtout au Sénat (32 % seulement).
Malgré la loi et des progressions réelles, la parité est encore loin d’être atteinte. En cause, l’attitude des partis politiques qui agissent de deux façons principales : en acceptant de payer des amendes qui sanctionnent une présence insuffisante des femmes parmi les candidat.es, et en les maintenant dans des circonscriptions où elles ne peuvent pas être élues sous l’étiquette de leur formation.
Comment contrer ces deux attitudes ? C’est une des questions auxquelles s’attaquent Julia Cagé dans son ouvrage Libres et égaux en voix, des propositions radicales (1). Elle pense que la crise actuelle que vit la démocratie est due au fait que l’Assemblée nationale n’est plus représentative de la population. Toutes ses propositions visent à remédier à cette absence de représentativité. Elles sont nombreuses et concernent tous les aspects de la vie politiques : réforme des partis, de leur financement, de celui des élections et des médias, etc..
Pour la parité femmes/hommes, elle propose, dans le cadre électoral actuel, tout d’abord que chaque parti présente 50 % de candidates femmes et que le non-respect de cette disposition « entraîne l’annulation de l’éligibilité de l’ensemble des candidats présentés par ce parti. (2) » Puis, les élu.es d’un parti devront compter au moins 40 % de femmes, ceci afin d’éviter les reléguer dans des circonscriptions non gagnables par ce parti. Les partis qui ne parviendraient pas à respecter cette règle, « perdraient l’intégralité de leur financement public. (3) »
Les sanctions actuelles pour non respect de la parité ne sont pas, d’après elle, suffisantes. En effet, Les Républicains acceptent de perdre près de 1,8 millions d’aide publique chaque année, la France Insoumise plus de 250 000 euros, Debout la France 13 000 euros, pour ne citer que ces quelques cas. La perte intégrale du financement public serait nettement plus incitative pour parvenir à la parité. Elle imagine aussi d’autres sanctions possibles, ainsi les partis qui ne respectent pas la règle des 40 % perdent tout ou partie de leurs élus. Toutes ces propositions sont, bien sûr, à discuter. En tous cas, des mesures pourraient exister pour atteindre à une parité véritable.
Les modalités électorales ne sont pas d’habitude mises en avant comme domaine de lutte pour l’égalité femmes/hommes. Mais il n’y a aucune raison pour que les femmes ne s’attaquent pas frontalement aux enjeux constitutionnels. C’est un des mérites de l’ouvrage de Julia Cagé que de mettre au cœur du débat actuel concernant la crise démocratique, la question féministe.
En ce, 8 mars, il est tout à fait approprié de mettre en lumière les solutions qu’elle présente comme étant à discuter par toutes et tous. Les institutions ne doivent plus être un refuge du « patriarcat » mais doivent continuer à être révolutionnées par les luttes féministes.
Jean-Paul Leroux
8 mars 2021