Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Tous les soirs, à 20 h, … … nous applaudissons … mais …

Ma maman est décédée à l'hôpital de Valence en juillet 2019. Après un passage difficile (oserais-je dire inhumain ?) dans un service des Urgences comme à l’accoutumé débordé (et encore, elle a eu la chance cette fois de passer très vite d’un brancard à un lit) elle y a été très bien accueillie et soignée, mais, à 93 ans, bien fatiguée, elle s’est éteinte tout doucement.
A ce moment là, on pouvait encore entrer dans les hôpitaux et rendre visite à ses proches malades. Et on ne pouvait manquer de voir des grandes banderoles accrochées aux grilles de l'entrée et au fronton de l’établissement : « Hôpital en grève ! » et « Urgences en grève. »
Trois mois qu’elles étaient posées là par les personnels soignants et leurs syndicats (appel national de la CGT, de FO, de Sud et la CFE-CGC). Huit mois après, en ce moment de crise épidémiologique, el-les y sont toujours. Car, mis à part quelques beaux discours, quelques aumônes financières (des rustines sur un pneu usé proche de l’éclatement) de l’ancienne Ministre de la Santé (celle qui savait pour le Covid 19, mais qui n’a rien dit et qui s’est vite carapatée) rien depuis n’a évolué dans leurs revendications. Et ce n’est pas nouveau, cela fait 20 ans que les gouvernements successifs, de la Droite de Sarko, à la ni Droite-ni Gauche de Macron, en passant par la pseudo Gauche d’Hollande agissent ainsi. Tous continuant à cas-ser ou à privatiser le service public de santé et ses personnels.
Ces derniers se battent. Soutenus par l’opinion publique. A la question « Quel métier admirez-vous et respectez-vous le plus ? » les français plébiscitent à chaque fois les soignants, infirmiers et urgen-tistes en tête. Et compatissent.
Mais la compassion ça leur fait une belle jambe à ces soignants. Ils fatiguent. Sous la pression, l’hôpital fissure de partout. On colmate comme on peut grâce à l’abnégation et au dévouement des per-sonnels. A leur immense professionnalisme.
Cela déborde de partout. Un exemple parmi d’autres, un w.e. du printemps 2019, à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. « 15 paramédicaux sur 19, épuisés par leurs conditions de travail, n'ont pas pu prendre leur poste » et « trois paramédicaux de l'équipe de jour ont dû rester pour continuer de prendre en char-ge les patients », travaillant ainsi « 18 heures d'affilée » en attendant « la relève de l'équipe du lendemain (Le Parisien) ».
Ça va craquer. Et ça craque.
Tout commence le 13 janvier dernier à l'hôpital Saint-Antoine justement, quand un patient frappe deux infirmiers et une aide-soignante, entraînant une incapacité temporaire de travail (ITT) de huit jours pour chacun d'entre eux. Le 18 mars, le service des urgences de cet hôpital entame une grève illimitée, soutenue par la CGT, FO et SUD. Dans la semaine qui suit 21 services de la région parisienne les rejoi-gnent.
Le mouvement s’élargit très vite aux autres services d’urgence du pays. A partir du 18 mars, plus de 150 lieux sont impactés. Les grévistes s'indignent du manque de moyens alors que le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016. Les chirurgiens, les chefs de service et même certains grands patrons de ces hôpitaux soutiennent voire rejoignent le mouve-ment. Du jamais vu.
Les infirmières valentinoises font le buzz avec l’enregistrement de « Ya d’la colère dans le cathé-ter » qui permet de populariser le mouvement qui est très bien perçu dans l’opinion publique. Les bande-roles s’installent. Les premières manifestations s’organisent.
« On demande plus d'effectifs, 10 000 équivalents temps plein exactement, zéro hospitalisation sur des brancards, aucune fermeture de ligne de Samu ainsi qu'une prime de 300 euros mensuels nets en re-connaissance de la pénibilité de notre travail », précise Candice Lafarge du collectif Inter-Urgences.
Rien de sérieux ne vient les rassurer. Au contraire, en décembre, ils se retrouvent parmi les pre-miers impactés par la Réforme des Retraites. Qui en rajoute sur le ras le bol. L’année 2019 passe, les ban-deroles sont toujours là. Le mouvement de grève se dilue dans les infos des médias. Disparait. D’autant plus que les personnels sont réquisitionnés et que contrairement à d’autres professions, ils ne nous gênent pas, nous les usagers, nous qui les applaudissons aujourd’hui.
2020 commence mal. Le 17 janvier « le gouvernement oppose une fin de non recevoir au Collec-tif Inter Hôpitaux malgré plusieurs mois de grève dans les services d’urgences, un mouvement de mobili-sation national et plus de 1200 démissions de chefs de service. (CGT UFMICT Santé) »
Le mouvement s’apprête à fêter (si l’on dose dire) un an de grève continue quand la France se re-trouve en quarantaine. Et les personnels soignants au premier rang du combat. Et avec des situations qui de plus que précaires sont appelées à devenir catastrophiques.
Le 15 mars, le Président Macron s’adresse aux français. Du grand art de la politique à la brosse à reluire : « Je compte évidemment aussi sur tous nos soignants. Je sais tout ce qu'ils ont déjà fait, je sais ce qu'il leur reste à faire. Le Gouvernement et moi-même serons là, nous prendrons toutes nos responsabilités pour eux. Je pense à tous nos soignants à l'hôpital, qui auront les cas les plus graves à traiter mais aussi beaucoup d'urgences. Je pense aux médecins, aux infirmiers, aux infirmières, à tous les soignants qui sont aussi hors de l'hôpital qui se sont formidablement mobilisés et que nous allons de plus en plus solliciter dans les semaines à venir.
(…) Le ministre de la Santé aura l'occasion aussi de préciser, dans les prochaines heures, les règles pour que nous vous aidions à bien vous protéger contre le virus. C'est le respect que nous avons envers vous, et c'est évidemment ce que la Nation vous doit. … »
Et de conclure ainsi son discours : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle …. »
Les infirmiers, les aides-soignants, les médecins des services hospitaliers et d’ailleurs, les comités de défense du service public hospitalier, les syndicats, les élus des zones rurales où on ferme maternités, urgences et soins ambulatoires, toutes celles et tous ceux qui ont soutenu les grévistes, pétitionné, mani-festé, tous n’en croient pas leurs oreilles. Vingt ans qu’ils le proclament. Vingt ans qu’on leur rit au nez, vingt ans que tout s’effondre.
La preuve, les masques chirurgicaux, la plus simple et plus élémentaire protection du personnel soignant, même ça on n’est pas foutu de leur en fournir. Pourtant on les avait. On avait bien assuré la quantité pendant l’épidémie du H1n1. Mais, un jour des politiques (irresponsables, incompétents ou les deux ?), des administrateurs (fossoyeurs financiers), appuyés par les brillantes analyses des "sachant" et autres "experts" divers, ont décidé qu’on n’en avait pas besoin d’autant. Et ils ont coupé les cordons de la bourse. Rendront-ils des comptes ces gens là ?
La situation devient intenable. La France 29ème nation au PIB par habitant (à égalité avec le Royaume Uni, devant le Japon), la France doit, comme un indigent pays du Tiers Monde, faire appel à l’aide internationale.
Et c’est dans cette situation, à l’appel des "réseaux sociaux", tous les soirs à 20 heures, beaucoup d'entre nous se mettent sur leur balcon, à leurs fenêtres et applaudissent chaleureusement pour remercier ceux d'entre nous qui, par leur métier, sont au premier rang sur le front du combat contre le coronavirus. Nombreux, je le pense, sont de bonne foi. Nombreux aussi se donnent bonne conscience. La solidarité s’affiche pendant deux ou trois minutes, tous les soirs.
Cela se passe dans les villes, dans les villages, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans l’hé-micycle du Sénat, …
Combien sommes-nous à cet instant. Deux millions ? Cinq millions ? Plus ? Allez disons dix. Dix millions !
Dix millions qui manifestent leur soutien … Enfin ! Parce que je n’ai pas souvenir que nous ayons été dix millions de personnes dans les rues lors des manifestations organisées depuis un an par les personnels des hôpitaux, leurs collectifs, leurs syndicats.
Mais la situation exceptionnelle que nous vivons nous a ouvert les yeux. Et comme notre prési-
dent l’a dit nous venons de prendre conscience que « Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »
L’engagement auquel le Président nous appelle est fort. La Nation l’a compris. Par leurs applau-dissements les français plébiscitent cet avenir.
Alors, bien sûr, on sait tous que le Président et son gouvernement dans cette période de crise, d’angoisse, de peur, doivent rassurer le français lambda. Pas facile certes de gérer en ce moment, on le reconnait. Mais ils ont tous choisi d’y aller. Pour le meilleur (de leur carrière et de leur égo) et pour le pire.
Alors ils communiquent. Se déculpabilisent. « Ce n’est pas nous, ce sont ceux qui avant … » En occultant le fait qu’ils y étaient déjà avant. Ils font de belles phrases. Envahissent les écrans. Essaient de rassurer. Justifient. Brassent. Crawlent. Dénoncent. Ils disent qu’ils ont compris. Qu’ils vont changer tout ça.
Et ils promettent. Ils promettent. Le beurre, l’argent du beurre et même la laiterie et les vaches avec.
Et pendant ce temps (une semaine de confinement déjà) les masques n’arrivent toujours pas.
Nos politiques, nos énarques, nos décideurs, appuyés par les "sachant" et autres "experts" divers nous le disent tous : « Il y aura un avant et un après mars 2020. » Voila ce que retiendra l’Histoire du gouvernement Macron (2017-…).
Et après ?
Nos politiques seront-ils enfin à la hauteur ? Une fois les hommages aux disparus (malades, combattants) terminés, une fois la guerre gagnée, … un conseil de la Libération se mettra-t-il en place ? Un nouvel Ambroise Croizat apparaitra-t-il ? Un plan Santé digne de notre Nation sera-t-il enfin instal-lé ? La solidarité, celle que nous applaudissons tous les soirs, sera-t-elle enfin mise en place ?
Et on verra enfin disparaître les banderoles
Ou, encore une fois, une fois … politiques, énarques, décideurs, "sachant" et autres "experts" di-vers, toujours bonimenteurs, hypocrites, égoïstes, … « Paroles, paroles, paroles … » « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. (Chirac ? Pasqua ? Henri Queuille ?) »
Très vite on verra si c’est ce deuxième chemin qui se dessine. Si c’est le cas, …
N’en doutons pas, les soignants se remobiliseront encore plus fort. Ils repartiront au combat, non pas contre une pandémie mais contre les assassins et les fossoyeurs du Service Public de Santé en Fran-ce. Ils appelleront à la grève, au rassemblement, à la manifestation …
Et n’en doutons pas, nous tous, les dix millions qui les applaudissons tous les soirs à 20 h, tous nous les rejoindrons dans leur combat.
Dix millions dans la rue. Chiche ?
Ou alors … on a les élus qu’on mérite … nous aussi, dix millions, … bonimenteurs, hypocrites, égoïstes, … arrêtons d’applaudir.
Le 23 mars 2020.
Christian

Les commentaires sont fermés.