Ce mardi 1er aôut, les associations, les bénévoles, les familles accueillantes de mineurs isolés s'étaient donnés rendez-vous au Conseil départemental à Gap pour obtenir de celui-ci ainsi que de tous les acteurs institutionnels des solutions pérennes, comme la loi l'èxige, pour tous les jeunes mineurs.
Dans une lettre ouverte le 14 juillet et un courrier envoyé en recommandé au Préfet, au juge pour enfant, au Président du Conseil départemental, les associations et les bénévoles alertaient :
« Depuis plusieurs semaines, un grand nombre de personnes hébergent bénévolement de nombreux mineurs isolés sans qu'aucune solution digne ne soit apportée à ce problème récurrent. Ceci n'est plus tenable. Au soir du 1er Août, la situation risque d'être explosive ».
Ce sont, actuellement, une quarantaine de mineurs qui sont accueillis dans ces familles qui pour la plupart se sont retrouvés au croisement des chemins avec des enfants en danger, à la rue, sans autre aide qu'un carnet hebdomadaire de « ticket-restaurant » et un désordre administratif tel que l'administration elle-même ne semble pas comprendre. Sur une centaine de mineurs sur tout le territoire le Conseil départemental et la préfecture se sont rabattus sur l'APASE qui gère le « 115 » et qui n'a d'autres solutions que les nuits hôtelières et les familles, les gens de bonne volonté, sans aucun contrôle social sur le devenir de ces jeunes.
Ce mardi c'était une vingtaine de mineurs laissés sans aucune solution d'hébergement qui était au cœur des préoccupations des gens. La préfecture n'a trouvée que l'agent au renseignement territorial (anciennement "RG") pour « négocier » une solution pour une seule nuit. Les associations et les bénévoles ont alors décidés d'occuper le hall du CD avant d'en être chassés par la force publique vers 19h00 dans le calme malgré l'impressionnant dispositif policier déployé. Ils seront finalement logés par l'APASE (115) après un long contrôle d' « identité » effectué au commissariat mais devront repasser par la case préfecture aujourd'hui pour une nouvelle nuit.
"on prend peur !"
Les institutions se comportent comme si elles avaient affaire à une « vague migratoire incontrôlable » alors qu'en y regardant de plus près on s’aperçoit que les problématiques posées viennent avant tout des dysfonctionnements et du non respect de la loi par ces mêmes institutions. Les chiffres d'arrivées des migrants adultes ou mineurs ne représentent pas 2% des nouveaux arrivants dans le département. Si la règle de Dublin 3 complique les situations pour les adultes, il n'en n'est rien pour les mineurs qui dépendent de l'Aide sociale à l'enfance et dont l'accueil et la protection sont obligatoires et articulés entre l'état (la Préfecture) et le Conseil départemental sous la tutelle juridique de la protection judiciaire de la jeunesse.
Lorsqu'on s'approche un peu du sujet on prend peur ! On se demande comment ces institutions feront en cas de grandes catastrophes lorsqu'elles sont incapables de gérer l'accueil d'une centaine de gamins. La directrice des politiques de prévention et de l'action sociale au Conseil départemental, Béatrice Longueville, parle de manque de moyen et de personnels pour expliquer ces dysfonctionnements et justifier, par exemple, le refus des « recours gracieux »**qui sont une base fondamentale du droit administratif. Bien sûr l'argument pourrait se tenir si la question était récente et les services pris au dépourvu... Pourtant, depuis 2010, les deux chambres parlementaires ont légiféré et la réglementation a fixé les modalités d'accueils en les adaptant au fur et à mesure de l'évolution de la situation*.
« Ceci n'explique pas toujours cela »
Nous nous sommes procurés des rapports d'évaluation**** de mineurs établis par les services de Béatrice Longueville (CD). Ces rapports ont pour but d'établir la minorité des jeunes arrivants. Très encadrés par la loi et notamment par l'article 388 du code civil*** ils servent aussi à évaluer la situation d'isolement réel ou supposé du mineur. Le Président du conseil départemental est légalement garant du bon fonctionnement de ce service. C'est un entretien avec le jeune mineur opéré par l'un des trois agents dévolus à cette tâche et, normalement, formé pour ce travail notamment sur les questions géopolitiques mais aussi le droit.
A la lecture de ces rapports on est frappés par un sentiment de recueil à charge contre le jeune mineur. Chaque imprécision, contradiction, y sont vues comme des éléments de duperie, de mensonge, sans autre forme de procès que le simple avis de l'agent. Ainsi un jeune raconte la chaleur qu'il faisait en partant de chez lui et l'agent précise « c'était pourtant l'hiver »... Une simple consultation de la courbe des températures du lieu en question lui aurait permis de voir qu'il faisait quand même... 40 degrés en moyenne cet hiver là. Un autre doute de son parcours pour n'avoir pas su citer des noms de villes traversées lors de ce long et dangereux périple sauf « une inconnue »... Une simple recherche sur le maps de google et hop ! La ville n'a rien d'inconnue et le parcours décrit est effectivement cohérent. L'agent note « des mains tremblantes » de « regards fuyants » en les taxant de « douteux »... Alors que ce même môme lui raconte les violences extrêmes vécues et un voyage sans bagage et sans autre but que d'y échapper. Des références à la religion, des atteintes à l'article 388 en laissant entendre que certains signes physiologiques laisseraient penser que le jeune n'est peut-être pas mineur. Des avis sans rapport médical sur sa santé. Bref... Le manque de moyens... « Ceci n'explique pas toujours cela ».
Le Conseil départemental exige que chaque demande d'aide (ticket restaurant) soit effectuée par les mineurs eux-mêmes à Gap et seulement à Gap. Or certains sont hébergés dans tout le département ce qui pose des difficultés de transports alors qu'il existe des Maison des solidarités locales.
Un appel à tous les citoyens
Prélèvements d'empreintes multiples, aucuns papiers de circulation, aucun contrôle sur l'agrément des familles accueillantes, aucune politique durable mise en place, défiance envers les citoyens de bonne volonté... Voilà ce qui ce qui créé réellement le "trouble à l'ordre publique". Voilà ce qui génère des problèmes aux dires mêmes, en "off" de certains employés administratifs, du cadre au simple agent, qu'ils soient à la Préfecture, au Conseil départemental ou dans les services de police.
Ce sont aujourd'hui les associations et surtout la bonne volonté citoyenne qui mettent en place des cours gratuits (la CGT prête gratuitement ces locaux à Gap) et aussi tentent, avec des moyens à leur portée, d'organiser un minimum de co-voiturage. Les associations lancent un appel à l'aide à tous les citoyens pour pallier à la carence de l'état et ne pas permettre que des mineurs soient laissés dans la nature à la merci de toutes les dérives possibles. (Plusieurs associations sont engagés: Collectif "Un toit un droit", la CimadeEmail : cimade05@gmail.comTel : 06 76 70 59 73 , ATTAC, RESF, Enfants en danger, Réseau Hospitalité, Tous migrants... . )
Leo Artaud