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Plus qu'apporter de l'aide humanitaire à Gaza, la «flottille de la liberté» veut jouer sur le symbole et remporter la bataille médiatique contre Israël qui fait pression sur la presse.
Le mardi 28 juin, la «flottille internationale de la liberté» pour Gaza devrait partir d'Athènes. Objectif: rejoindre le territoire palestinien 48 à 72 heures plus tard. L'année dernière, la tentative d'un navire turc de briser le blocus israélien s'était terminée dans le drame: intervention de l'armée israélienne, neuf morts et des images de l'assaut qui font le tour du monde.
Cette année, rebelote, même principe pour les organisateurs, «apporter de l'aide humanitaire et faire respecter le droit international», avec toutefois un contexte et des acteurs différents.
Il n'y aura ainsi pas de bateau turc, interdit de départ par son gouvernement. Certains de ses passagers se sont répartis sur les douze ou treize embarcations qui vont composer cette flottille. On y trouve notamment deux Français, le premier est parti de Corse dès samedi, un américain, un espagnol, un canadien, un suisse, etc. Ils devraient transporter plusieurs dizaines de tonnes d'aide humanitaire, surtout des médicaments.
A bord de chaque bateau, on retrouvera des militants de la cause palestinienne, des défenseurs des droits de l'homme, des syndicalistes, des hommes politiques et des journalistes. Sur les embarcations françaises, le «Louise Michel» et le «Dignité-Al-Karama», seront normalement présents Olivier Besancenot, Julien Bayou du collectif Jeudi Noir, le député communiste Jean-Paul Lecoq, la députée européenne europe-écologie Nicole Kiil-Nielsen ou encore le marin breton Jo Le Guen (qui fait la visite du bateau sur Youtube, ici). Il y aura
également plusieurs médias français pour couvrir l'événement, dont Lemonde.fr, RFI, France 3 et moi-même pour Libération.
Sur l'embarcation américaine, opportunément nommée The Audacity of Hope, comme l'un des livres de Barack Obama, on retrouve des militants pacifistes et des droits de l'homme comme Nic Abramson qui édite le journal militant The Woodstock International, ou Medea Benjamin, fondatrice de l'ONG Global exchange.
Le contexte est lui aussi différent. Nous sommes depuis six mois en plein printemps arabe, une situation géopolitique pleine d'espoir mais aussi très instable qui inquiète Israël. Du coup, il ne semble prêt à aucune concession alors qu'il estime que les changements de gouvernement dans les pays voisins peuvent menacer sa propre sécurité. Lorsque la Syrie a tenté de déporter sur le Liban, Israël et la Palestine son propre conflit intérieur, la réponse de Tsahal a été très claire, n'hésitant pas à tirer sur des hommes sur le plateau du Golan le 5 juin dernier.
Combat médiatique
Comme le reconnaissait la porte-parole de l'opération française, Claude Léostic, sur Libération.fr, l'aide humanitaire apportée, si jamais la flottille passe le blocus, ne va pas sauver Gaza. L'enjeu est le symbole. Si les navires passent, cela peut créer un précédent et cela serait considéré comme une victoire pour la cause palestinienne.
Tous les participants se présentent comme des pacifistes qui ne sont pas là pour affronter Tsahal, mais juste pour «faire respecter le droit international». En France, le collectif a ces derniers mois organisé de nombreux événements et conférences pour plaider sa cause, lever des fonds – avec succès puisqu'il a récolté plus de 600 000 euros – et créer un comité de soutien très large. Ils ont donc bien fait attention à avoir un bateau avec une quarantaine de personnes aussi variées que possible, afin de paraître légitime et humaniste, non pas extrémiste. L'année dernière, Israël avait beaucoup joué sur le possible côté fondamentaliste des Turcs pour justifier son intervention.
Les autres embarcations ont adopté une tactique similaire. Sur l'américaine on trouve même une Israélienne, Hagit Borer, qui affirme être née là-bas en «1952» et y avoir vécu jusqu'en 1977 avant de partir pour les Etats-Unis.
Une fois en mer, il faudra continuer à maîtriser la bataille médiatique. Sur le bateau français a été installé le Wifi et il a été expressément recommandé aux passagers de twitter. Inspiré des révolutions dans le monde arabe, le contrôle des réseaux sociaux est essentiel. Israël, évidemment, n'est pas en reste. Des pages Facebook ont été créées en plusieurs langues pour dénoncer cette flottille. De plus, le gouvernement israélien, qui se passerait bien de regards extérieurs, a menacé dimanche d'interdire son territoire pendant dix ans à tous les journalistes qui embarqueront.
La désinformation jouera un rôle important, sans doute des deux côtés. Récemment, un homme se présentant comme un « activiste des droits des homosexuels » a posté une vidéo sur YouTube affirmant que les organisateurs de la flottille avaient refusé qu'il embarque: donc cela prouvait leur intolérance, leur non respect des valeurs occidentales, etc. Sauf que cette personne ne semblait n'avoir jamais milité avant ce témoignage et, après enquête de plusieurs journalistes, elle devrait bientôt être embauchée par un des services du premier ministre israélien. Un hoax -une fausse rumeur- donc , ce n'est pas le premier, cela ne sera pas le dernier.
Quentin Girard (à Athènes)