Clémentine Autain,elle est membre de la FASE (Fédération pour une alternative sociale et écologique) et directrice du mensuel Regards. Pour elle, la mobilisation sur les retraites traduit « une exaspération globale ».
Comment caractérisez-vous la crise sociale que nous traversons ? S’est-t-elle transformée en crise politique ? Nous traversons une grave crise de légitimité. Le gouvernement, les institutions nationales et internationales, le système politique lui-même ont perdu de leur sens. Les règles du jeu de l’actuelle République sont à bout de souffle. Le bien commun est menacé. L’intensité de la mobilisation sur les retraites traduit une exaspération globale. Nous avons gagné la bataille des idées. Nous pouvons encore arracher le retrait du projet. Nous avons ensuite le devoir d’ouvrir une perspective de changement. Ce mouvement est une vraie moisson politique. Ce qui s’est exprimé aide à dégager des priorités : desserrer la contrainte de la finance, inventer un nouveau statut salarié, relocaliser les productions, lutter contre les inégalités par une nouvelle distribution des richesses, penser les temps de la vie, etc. L’heure n’est pas aux demi-mesures mais à la radicalité concrète.
Certes unie dans les luttes, la gauche peut-elle être crédible quand elle affiche des divergences essentielles sur des propositions alternatives au projet gouvernemental sur les retraites ? La gauche ne doit pas mollir et se montrer unie autour de l’exigence de retrait du projet. Là se joue aujourd’hui notre responsabilité et notre crédibilité. Cela n’enlève rien aux désaccords sur l’alternative. Sur les retraites comme sur de nombreux sujets, il y a deux grandes orientations à gauche. Ce qui nous rendrait crédible, c’est qu’elles s’incarnent dans deux forces clairement identifiées, l’une d’accompagnement, l’autre de transformation. La gauche toute entière sera d’autant plus dynamique que la force d’alternative aura pris toute sa place.
Peut-on infléchir la politique du PS sur cette question sans attendre 2012 ? Ce n’est pas l’enjeu. Pour ma part, je ne milite pas pour aiguiller le PS ! Faisons valoir nos propres propositions et mettons-nous en situation de construire une nouvelle force capable de battre la droite dans les urnes, d’être en tête à gauche. Cela suppose un effort inédit d’unité et un travail de rénovation, sur le fond comme sur la forme. L’éparpillement et la répétition sont nos pires ennemis.
La Fédération (FASE) envisage-t-elle d’être partie prenante du « programme partagé » que le Front de Gauche a lancé à la Fête de l’Humanité ? Oui. Nous avons toujours dit notre disponibilité à participer aux cadres unitaires de l’autre gauche. Mais le Front de Gauche est-il prêt à se transformer en s’élargissant à de nouvelles forces et à de nouvelles implications citoyennes ? Nous attendons cette ouverture.
Vous avez participé aux listes élargies du Front de Gauche aux régionales. Etes-vous prêt à renouveler la démarche pour les élections présidentielle et législatives de 2012 ? Ce fut le cas dans certaines régions, malheureusement pas dans toutes. Une dynamique rassemblant plus largement que l’actuel Front de gauche est nécessaire pour 2012. Tout l’arc des forces de la gauche décidée à affronter la logique capitaliste et à donner corps à l’exigence de souveraineté populaire doit faire cause commune. Je suis convaincue qu’une grande partie des gens qui descendent dans la rue attendent de nous cette convergence ainsi qu’une refondation idéologique, stratégique et organisationnelle.
La candidature du Front de Gauche aura-t-elle votre soutien à la présidentielle ? Quelle drôle de formulation ! Nous ne voulons pas seulement soutenir mais participer à l’élaboration de candidatures à la présidentielle et aux législatives sur la base d’un projet partagé, à gauche, bien à gauche, entre tous ceux qui veulent la franche rupture avec les logiques dominantes depuis près de trente ans.
Entretien réalisé par Mina Kaci et à retrouver sur le site de l’Humanité.fr par ici.