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La question du jour

Peut-on taxer les profits boursiers malgré la crise ?

La Bourse au plus haut, le chômage aussi

Les marchés financiers finissent 2009 sur une progression de plus de 22 %. Autant que le chômage ! Loin d’annoncer la sortie de crise, l’embellie boursière récompense les politiques de suppressions massives d’emplois et de blocage des salaires.

Á l’heure du bilan de 2009, difficile de mieux signifier ce qui ne peut plus durer. Difficile de mieux faire comprendre qu’en dépit de bien des discours, les leçons de la crise n’ont pas été tirées, et que le système capitaliste, hormis quelques correctifs cosmétiques, a tout bonnement été remis sur ses rails « d’avant ». En cette fin décembre, l’indice du CAC 40 flirte avec les 3 900 points et affiche une progression de 22 % sur l’année. C’est « la bonne surprise de 2009 », s’extasie le Figaro. La Bourse de Paris s’inscrit ainsi dans un mouvement général enregistré sur les principales places européennes et d’outre-Atlantique au terme de cette année dite de crise : Bourse de Francfort, 21 %, Londres, 20 %, New York : 24 %…

Selon l’Insee, à fin novembre, on recensait 2,6 millions de chômeurs (4 millions, toutes catégories de demandeurs d’emploi confondues)

Si l’on mesure leur évolution depuis le point le plus bas de l’année, atteint en mars, on constate que les marchés financiers ont rebondi de 60 %. Soit, paraît-il, une performance inédite depuis 1933. Et d’autant plus frappante qu’elle contraste violemment avec d’autres indices mesurant, ceux-là, les conditions de la vie « réelle » de nos concitoyens. _ Selon l’Insee, à fin novembre, on recensait 2,6 millions de chômeurs (4 millions, toutes catégories de demandeurs d’emploi confondues), soit une augmentation de 22 % en un an. Par-delà la correspondance exacte des chiffres de la Bourse et du chômage, la similitude des évolutions n’est bien sûr en rien fortuite. Deux facteurs essentiels expliquent ce spectaculaire retour de confiance chez les « investisseurs », ces puissances d’argent qui font la pluie et le beau temps à la Bourse, et déterminent largement le sort des entreprises et de leurs salariés.

En premier lieu, la décision des États d’injecter massivement de l’argent public pour sauver la mise des banques et des grands groupes, ceux-là mêmes qui avaient précipité le monde dans la crise. Coïncidence qui ne doit rien au hasard : c’est précisément au printemps, lorsque ces plans dits « de relance » ont été lancés, que les Bourses ont commencé à repartir vers les sommets. Le deuxième élément qui a « agréablement surpris les investisseurs » et « redonné un second souffle aux marchés, leur permettant de passer un bel été », dixit le Figaro, ce sont les résultats financiers des groupes au premier semestre, publiés en juillet : avec 21 milliards d’euros de profit pour le CAC 40, la cuvée, certes en net recul sur 2008, a en effet de quoi « rassurer » les investisseurs.
Ce qu’ils applaudissent alors, en relançant la spéculation sur les marchés, c’est la politique d’économies féroce, mise en œuvre par les groupes sur le compte des salariés, sous forme de liquidation d’emplois et de blocage des salaires, politique qui, précisément, leur a permis de maintenir leur profitabilité.
Ainsi Renault et Peugeot, dont les « valeurs » affichent parmi les plus fortes hausses en Bourse (93 %), ont-ils annoncé respectivement des plans de suppressions de 9 000 et 6 000 postes, et fait plongé nombre de leurs sous-traitants, après avoir empoché 6 milliards d’euros d’aide publique…
Chez Alcatel-Lucent, dont le titre a gagné 46 %, un poste sur six, parmi les 26 000 salariés européens du géant des télécoms, va disparaître en 2009-2010. ArcelorMittal, dont l’action est en hausse de 84,12 %, s’est targué de faire une croix sur plus de 9 000 emplois, après avoir réglé le compte de l’aciérie lorraine de Gandrange.

Lorsque le bonheur de la Bourse se construit sur le malheur des salariés

Quant aux banques, elles n’ont, elles non plus, rien ménagé pour s’attirer les faveurs des investisseurs : BNP Paribas (88,95 % en Bourse) et Société générale (42,17 %), après avoir été gavées de capitaux par l’État, ont limité à 1 % l’augmentation salariale de leur personnel, une aumône au regard des pactoles, à peine écornés, distribués à leurs dirigeants et aux traders. Lorsque le bonheur de la Bourse se construit sur le malheur des salariés, sur cette dévalorisation brutale du travail qui est, véritablement, à l’origine de la récession, peut-on vraiment parler, comme nombre de nos indécrottables experts en libéralisme, de « sortie de crise » ?

Yves Housson

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