Selon la plupart des médias, le Front de Gauche aurait subi une défaite, voire une déroute. Qu'en est-il vraiment ?
En termes de fonctionnement institutionnel, les élus Front de Gauche auront sans doute peu de marges de manœuvre à l’Assemblée. Avoir un groupe parlementaire numériquement fort et indispensable à la constitution d’une majorité était l'objectif proclamé de ceux qui espéraient pouvoir peser sur les politiques publiques en négociant « chèrement » un soutien. Ce n'était pas le cas de la FASE (voir : Au sujet de la « majorité parlementaire », des élus et des mobilisations et « Sept exigences pour maintenant »). Nous aurions, certes, préféré un meilleur résultat. Mais nous avons toujours défendu une conception où le rôle des élus est de favoriser les mobilisations, d'accélérer autant que possible le dépassement de la coupure entre « luttes sociales » et politique.
Comment le capital de voix de Jean-Luc Mélenchon a-t-il pu se dilapider, entre le premier tour des présidentielles et le second tour des législatives ?
Rappelons-le tout d’abord : l'inversion du calendrier électoral, mis en place par Jospin en 2002, transforme les législatives en simple ratification de l'élection présidentielle. L'enjeu se trouve réduit à une sorte de « blanc-seing » au Président, accompagné d'un vote pour le député qui « aura des moyens en haut-lieu » afin de rapporter des cadeaux à la circonscription ou à ses fidèles.
La stratégie électorale de F. Hollande, fondée à la fois sur le retour du bipartisme et sur le présidentialisme, a renforcé l'hégémonisme du PS. Nous avons raisonné comme si le bon score de Mélenchon suffisait à créer un mouvement et qu'un rééquilibrage de la gauche allait de soi. Nous n'avons pas assez mesuré, non plus, qu'un bon score du Front de gauche aux législatives était, du point de vue des classes dirigeantes et des politiques à leur service, beaucoup plus dangereux que les 11% de Mélenchon. Voilà pourquoi le Front de Gauche a disparu des médias lors de la campagne des législatives.
De plus, le Front de Gauche n'a pas mené les campagnes nationales qui auraient pu montrer, comme à la présidentielle, en quoi nos propositions diffèrent de celles du PS aussi bien pour les mesures d'urgence (SMIC à 1 700 €, revalorisation des retraites et des minimas sociaux, logements, etc.) que pour les perspectives de reprise du pouvoir sur l’État, les banques, les entreprises et l’économie, la transformation des institutions (la Constituante), le refus de l'Europe « austéritaire ». Une série de meetings dans les régions aurait pu présenter ces perspectives, en lien avec des porte-paroles des autres pays européens, tout en combattant le Front National.
Et pourquoi tant d'abstentions ?
Un élément de la crise institutionnelle est la déconsidération du Parlement au pouvoir réduit entre le Président et l'UE qui font la loi. Un autre est la reconstruction médiatique du bipartisme qui revenait à choisir entre Copé ou Ayrault comme premier ministre. Autant de facteurs explicatifs que nous connaissions. La dramatisation de la présidentielle et la volonté de virer Sarkozy avaient fait reculer l'abstention. Nous n'avons pas anticipé le phénomène inverse pour les législatives.
Mais si l'objectif est d'articuler autrement la rue et les institutions, les mouvements sociaux et populaires et les élus, le bilan est tout différent.
Face à la poursuite des crises, face aux limites prévisibles des réponses apportées par la nouvelle majorité, s'ouvrent devant nous d'autres possibilités que de faire de la figuration dans une Assemblée nationale aux ordres.
Malgré tout, et loin devant EE-LV qui doit 50% de son score aux candidatures laissées par le PS, le Front de Gauche s'affirme comme une force politique qui rassemble au-delà de son noyau dur d'électeurs. Les milliers de participants aux mobilisations de la campagne présidentielle, les acteurs des assemblées citoyennes n'ont pas disparu. Ceux d'entre eux qui ont jugé plus sûr, plus utile, de voter PS, n'ont pas renoncé pour autant à leurs exigences de changement. Le Front de Gauche doit s'ouvrir pour répondre à leurs demandes de participation citoyenne.
Comme en Grèce, le 17 juin, il est des victoires qui donnent la majorité parlementaire mais ne répondent pas à la situation. Hollande dispose de tous les leviers de pouvoir : il a maintenant « l'entière responsabilité » de la politique menée. Le PS est désormais au pied du mur de l'argent. Entre les exigences du Capital et celles des mobilisations populaires, il devra choisir sous peine de décevoir celles et ceux qui croient au changement et même de se couper de son propre électorat.
Pour refuser que la droite et les dirigeants de l’Union européenne nous imposent leur Pacte budgétaire, la campagne politique « Non au Pacte budgétaire, pas d’Europe sans citoyens ! » permet de démystifier la pseudo « dette » et d'exiger un référendum sur le Traité européen.
Voici l'heure des exigences, des droits nouveaux, de la transformation des institutions (au programme des journées d'été 2012 de la FASE). Ce n'est pas la menace du vote des députés du Front de Gauche - dont deux de la FASE - qui mettra le PS en difficulté. Nos élus, avec le Front de Gauche tout entier, doivent redéfinir leur rôle de députés et leur lien avec les mobilisations populaires car ce sont elles qui compteront pour la suite.