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Il est temps que l'économie sociale et solidaire soit reconnue et entendue

Point de vue
Publié par : LEMONDE.FR
Le : 28.10.11
par Claude Alphandéry, président du Labo de l'économie sociale et
solidaire, président d'honneur de France Active

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La crise qui pèse sur les peuples n'est pas seulement financière. Elle
est économique, écologique, sociale, morale et politique. Ses
conséquences frappent le quotidien de la plupart des citoyens :
augmentation du chômage, baisse du pouvoir d'achat, violence des
relations professionnelles, appauvrissement des plus démunis, explosion
des inégalités, dégradation de l'environnement…

Face à cette situation, l'Europe et la superpuissance américaine donnent
le spectacle atterrant de leur complaisance à l'égard des pratiques
toxiques du capitalisme financier. La rigueur imposée par la gestion
d'une dette liée à la course effrénée aux profits réduit le pouvoir
d'achat, l'emploi et la compétitivité des entreprises. Elle réduit
d'autant les chances de reprise tout en aggravant la situation des plus
faibles comme celles des classes moyennes. Et les dirigeants font encore
semblant de croire à des mesures de régulation très partielles qui font
la part belle à ceux qui s'enrichissent sur la crise.

Les peuples ne restent pas indifférents et manifestent partout leur
indignation. Ils ne supportent plus d'être condamnés aux secousses de
plus en plus brutales de la société, de l'économie, de la finance. Ils
exigent des gouvernements qu'ils changent de cap. Mais combien de temps
faudra-t-il encore attendre pour que ceux-ci les entendent ? Les Etats
resteront-ils impavides devant l'effondrement prévisible ?

Nous savons pourtant qu'une autre voie est possible. Elle est fondée sur
d'autres formes de production et de consommation qui profite non aux
privilégiés mais à l'ensemble des citoyens.

Dans une déclaration commune récente, une centaine d'organisations et de
personnalités ont estimé que cette voie passait tout d'abord par
d'autres rapports démocratiques, par une écoute et une expression
publique des citoyens et de leurs organisations représentatives, tant
françaises qu'internationales. Il n'est que temps que les responsables
politiques adoptent une approche différente de la mondialisation et de
la construction européenne, en cherchant des relations équitables entre
l'ensemble des parties-prenantes.

Elle implique également une autre conception de la richesse dans sa
nature et dans sa répartition. Le développement des échanges marchands
devraient s'appuyer sur la coopération et non sur un excès de
compétition pour le seul profit, tandis que les échanges non marchands
donneraient toute leur place aux besoins fondamentaux des citoyens.

Enfin, si nous voulons offrir un futur plus accueillant aux jeunes
générations et à celles qui nous rejoignent en ce moment, les ressources
naturelles doivent être respectées comme un bien commun de l'humanité.
L'éducation, la prévention et la culture doivent être considérées comme
des enjeux déterminants de l'évolution de la société.

Cette voie n'a rien d'une utopie. Elle est mise en œuvre au quotidien
par les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS). Constituée de
milliers d'initiatives très diverses dans leurs réalités, l'ESS se fonde
sur des caractéristiques essentielles : un projet économique au service
de l'utilité sociale, des valeurs éthiques, un fonctionnement
démocratique et une dynamique de développement fondée sur l'ancrage
territorial. Ces initiatives ouvrent des voies nouvelles car elles
cherchent à produire, consommer et décider autrement, et à développer un
projet économique plus respectueux des personnes, de l'environnement et
des territoires. Elle constitue aujourd'hui une force économique qui
représente 10 % de l'emploi en France, 215 000 employeurs et 2,3
millions de salariés.

Les pouvoirs publics n'y sont pas insensibles mais ne parviennent pas
encore à s'approprier pleinement les aspirations qui guident l'ESS.
Celle-ci a apporté la preuve de sa capacité de transformation du système
; il leur appartient désormais de prendre toute la mesure de ses apports
aussi bien en termes de lien social que de création d'entreprises,
d'emplois, de richesse. Il est temps de lui donner les moyens de changer
d'échelle, pour être à la mesure des enjeux. Il y a urgence à lui donner
un nouvel élan pour faire reconnaître l'ampleur de sa capacité à
transformer et irriguer la société tout entière.

Tel est l'objectif de ce mois de novembre où se déploient et s'affichent
des milliers d'initiatives qui témoignent de l'engagement des citoyens,
de leur capacité à se rassembler, à coopérer pour mieux vivre ensemble,
à s'organiser sur leur propre territoire, à donner le pouvoir aux
personnes et non à l'argent, à partager collectivement la richesse
produite en préservant les biens communs…

Le dualisme Marché-Etat ne suffit plus. Il y a une impérieuse nécessité
à tenir compte des apports de la société civile, de l'engagement des
citoyens, des capacités propres de développement de chaque territoire.
Il y a urgence à mettre en œuvre une véritable démocratie économique.
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire en ont la capacité. Les
responsables politiques en auront-ils la clairvoyance ?

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