Un rappel des objectifs et mécanismes du protocole de Kyoto et un bilan du sommet de Copenhague, par le collectif nantais Urgence Climatique, Justice Sociale.
Acte 1 : Kyoto (1997)
* Le protocole onusien de Kyoto, signé en pleine période de capitalisme financier triomphant, a confié l'avenir climatique de notre planète à la mythique main invisible du marché
* Des quota d'émissions de GES sont fixés pour les pays industrialisés signataires
* Les grandes entreprises industrielles reçoivent gratuitement des droits d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et les échangent sur un marché
* Seule l'Europe a mis en place ce genre de marché depuis 2005 : résultat, fin 2007 la tonne de CO2 valait 0.02 euros...
* Les « mécanismes de développement propre » (MDP) permettent aux entreprises de récupérer des crédits d'émission si elles investissent pour réduire leurs émissions dans les pays en voie de développement
* Comme ça coûte beaucoup moins cher et que les contrôles des réductions effectives de GES sont très mauvais dans les PVD, les entreprises européennes ont massivement utilisé les MDP (surtout en Chine) pour récupérer des crédits carbone et pouvoir continuer à polluer dans les pays développés, tout en respectant leurs engagements de Kyoto (même mécanisme que la « compensation carbone »)
* Le nouvel accord de Copenhague est dans la même logique de marché. Il est même envisagé d'inclure la forêt et les terres agricoles dans le marché du carbone, les livrant aux spéculateurs de tout poil qui commencent à créer des hedge funds et des subprimes sur le marché carbone mondial naissant
* Quel accord a donc été trouvé à Copenhague?
Acte 2 : Copenhague (2009)
Les négociations
* Même si de nombreux observateurs tiennent la Chine pour responsable de l'échec des négociations, N. Klein et G. Monbiot soulignent l'attitude catastrophique des USA, qui n'ont fait aucune proposition significative, alors que le reste du monde les attendait pour bouger.
* Les pays du Sud ont été les leaders des négociations, alors que l'Europe s'est complètement effacée.
* L'un des seuls points positifs du sommet a été la présence de dizaine de milliers de militants pacifiques, dont beaucoup de jeunes. Le Klimaforum a été un carrefour d'idée et de rencontres. La convergence des luttes sociales et environnementales s'est produite à Copenhague et, on l'espère, fructifiera...
* Le sommet a été gâché par l'organisation danoise, avec l'exclusion des ONG et des pays du sud des négociations la deuxième semaine, une police/milice pratiquant l'arrestation préventive à tout vat, des gymnases/dortoirs à moitié remplis et très loin du centre ville (mais des squats en plein air pleins)
L'"accord"
* Le texte est issu d'un processus anti-démocratique : sous l'impulsion des USA, il a été rédigé par le G20 et soumis ensuite à l'approbation de l'ONU et à la ratification des “parties” (pays) présents : ~ 120 sur 192 avaient signé le 20/12 (Chine et Inde pas très motivés...)
* Il n'y a eu aucun accord sur des objectifs globaux de réduction d'émissions de GES (seul est réaffirmé l'objectif de limiter l'augmentation de température à 2°C)
* Les pays (développés et en développement) doivent définir eux-mêmes leurs objectifs de réduction pour le 01/02/09 et les appliquer ensuite (système “pledge-and-control” : promesse et contrôle)
* Ce mode de fonctionnement (inspiré manifestement par les USA) est une régression par rapport à Kyoto (où des objectifs de réduction globaux (même faibles) avaient été décidés. Il ne garantit en aucune façon que les objectifs de réduction globaux seront suffisants.
* Le problème des contrôle des émissions s'est posé : le Nord voulait imposer au Sud des contrôles internationaux, ce qui a fait achopper les négociations avec la Chine. N. Klein parle d'une tactique délibérée des USA pour susciter une opposition de la Chine et lui faire endosser la responsabilité de l'échec des négociations.
* Importante défaite pour les européens et les pays les plus pauvres : mettre sur un pied d’égalité l’adaptation aux effets du changement climatique (par exemple aux baisses de productivité agricole) et l’adaptation aux mesures prises pour le limiter (par exemple aux pertes de revenus des pays pétroliers, beaucoup plus importants et faciles à chiffrer).
* Le Nord « fournira des moyens » pour l'adaptation
Le fond d'aide à l'adaptation aux conséquences du dérèglement climatique
* Le Nord s'engage à verser 10 milliards par an pour l'adaptation d'ici 2012 (« fast start »). Actuellement, les USA ont promis (royalement) 4 milliards et l'Europe 11 milliards : il en manque...
* Et ensuite 100 milliards/an à partir de 2020
* Pour info : 1) les besoins financiers pour l'adaptation sont évalués à 200 milliards/an, 2) le congrès US vient de voter 600 milliards de budget militaire pour 2010...
* Ce fond d'adaptation sera alimenté par des fonds publics (facilement traçables), privés (difficilement traçables et orientables) et « alternatifs » (la taxe Tobbin sauce Sarkozy... mais le fond doit être alimenté par le Nord : quid des flux financiers des grands centres financiers du Sud : Hong Kong...?)
* Ces fonds seront gérés par des « organes internationaux » : banque mondiale, fond mondial pour l'environnement et un nouveau « machin » : le 'Copenhagen Green Climate Fund'
* L'argent ira en priorité aux plus pauvres
* Les sommes débloquées devront s'ajouter à l'aide au développement « classique »
* Les sommes devront être « prédictibles » d'année en année et « adéquates »...
Les "mécanismes" de lutte contre le dérèglement climatique
* Le marché carbone est évoqué comme un « outil possible », sans plus de précisions
* L'extension du marché carbone à la forêt et aux terres agricoles (REDD+) est mentionné comme nécessaire, mais aucun accord n'a été conclu sur le contenu du REDD+
* Un mécanisme de transfert de technologie est prévu, mais rien de concret n'est dit sur son fonctionnement
* L'accord sera amendable après le prochain rapport du GIEC en 2015
Acte 3 : après Copenhague...
* Les prochaines négociations internationales sur le climat de l'ONU auront lieu à Bonn mi-2010, puis à Mexico pour la prochaine COP en novembre-décembre 2010
* Vu l'immobilisme criminel et le manque de vision des politiques au niveau international, il devient plus urgent que jamais d'oeuvrer au niveau local. Différents types d'action sont envisageables :
1. Action d'éducation populaire aux problématiques climatiques et pression sur les élus locaux par les collectifs Copenhague.
2. Camps climat comme vitrine des alternatives.
3. Plans énergie-climat citoyens nationaux ou régionaux ou locaux, pour proposer des alternatives réalistes et étayées aux politiques à la vue basse, manifestement en panne d'ambitions et d'idées (Negawatt, Virage Energie, Virage Energie-Climat, Villes en transition)