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  • A vous, mes amis… un texte de Michel Etievent: à méditer !

    Quand je vois la crise s’approfondir, les usines tomber, grossir le flot des pauvres, le racisme ravager l’avenir, la haine sourdre.

    quand je vois des copains fatigués déserter le front des résistances, des intellos bidon faire du fric avec le vide, prêcher le renoncement ou la ringardise à longueur de livres ou d’antenne.

    quand je vois le décor de nos vies s’enfoncer dans la télé « déréalité », parfois, moi aussi, j’aurais envie de tout laisser tomber, de sauter du train de la résistance, de m’effondrer dans mon canapé chaud, une pile de livres aimés comme futur, ou me perdre à tout jamais sur la beauté de mes sentiers, ne plus rien voir, ne plus rien entendre, « jouir de la vie », comme ils disent.

    Eh ben non, ça ne dure jamais longtemps, parce qu’aussitôt je repense à tous ces copains de misère, ces traîne la faim de dignité qui, au long des siècles, malgré les désespérances les plus noires, n’ont jamais laissé faire, ces enfants des mines qui nous livraient l’énergie du syndicalisme, ces communards écrasés qui se relevaient et montaient pour nous « à l’assaut du ciel », ces copains comme Croizat, Paul, Semard, tous ces anonymes des luttes qui se faisaient casser la gueule dans une Europe minée par le fascisme, qui désespéraient eux aussi devant l’allongement des files de chômeurs aux crises de 29, mais qui se relevaient sans cesse, nous livrant nos grands conquis du Front populaire…

    Quand je pense à tous ces jeunes Môquet, à tous ces résistants qui auraient pu, eux aussi, déserter le combat clandestin ou les maquis, et se réfugier dans le confort d’une France collabo ou indifférente, ces jeunes du CNR qui réalisaient une fabuleuse utopie dans une France assaillie par la répression et les ruines, et nous livraient la Sécurité sociale, la retraite et un héritage social considérable…

    Oui, quand je pense à tout cela, alors je me relève, certes je chancelle, mais je suis debout et je repars sur le chemin des luttes et des conférences, gonflé de l’espoir de ceux qui ont nourri mon histoire de dignité.

    Michel Etievent